Faire la lumière sur les mécanismes de la dépendance tabagique
- Serge Cannasse
- Actualités Médicales
Les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine (nAChRs) sont exprimés dans l’ensemble du système nerveux central. Ils sont impliqués dans de nombreuses fonctions cérébrales, telles que l’apprentissage, la mémoire et l’attention, et dans plusieurs pathologies neurologiques ou psychiatriques, comme l’épilepsie, l’anxiété, la schizophrénie et la dépendance tabagique. Celle-ci dépend largement de la fixation de la nicotine sur les nAChRs situés sur les membranes post-synaptiques des neurones dopaminergiques d’une région particulière du cerveau, l’aire tegmentale ventrale (ATV) : comme l’acétylcholine, la nicotine provoque une libération de dopamine.
Cependant ses mécanismes sont encore loin d’être élucidés. En particulier, il est jusqu’à présent très difficile d’expliciter la dynamique spatio-temporelle d’activation de ces récepteurs conduisant à la dépendance (circuits neuronaux impliqués et construction au long cours de la dépendance, ces récepteurs permettant une réponse extrèmement rapide à la présence d’acétylcholine). En effet, les techniques pharmacologiques classiques ne permettent pas de différencier in vivo les effets de l’acétylcholine sur les différents sous-types de ses récepteurs (nicotiniques et muscariniques).
Une équipe franco-américaine (Inserm, Institut Louis Pasteur, Universités de New-York et de Berkeley) a mis au point une technologie permettant de rendre sensibles à la lumière les nAChRs, en y accrochant un nano-interrupteur chimique : sous l’effet de la lumière violette, l’interrupteur se replie et empêche la nicotine de se fixer sur le récepteur (en position « off ») ; sous l’effet de la lumière verte, il se déplie et laisse la nicotine se fixer (« on »).
Les chercheurs ont testé leur technique sur les nAChRs de type ß2 situés dans l’ATV de souris. Quand elles reçoivent une injection de nicotine et que les récepteurs sont « off », la libération de dopamine par les neurones de l’ATV est fortement réduite ; elle est rétablie lorsque les récepteurs reviennent en position « on ».
Dans un deuxième temps, les souris avaient le choix de se mouvoir entre deux compartiments : dans l’un, elles recevaient une injection de nicotine dans leur ATV grâce à une canule implantée, dans l’autre, elles n’en recevaient pas. Quand les compartiments étaient éclairés en vert (récepteurs « on »), les souris préféraient nettement celui où elles recevaient de la nicotine. En revanche, quand ils étaient éclairés en violet (récepteurs « off »), elles passaient autant de temps dans l’un que dans l’autre.
Pour Alexandre Mourot, qui a conduit cette recherche, « il s’agit d’une technologie novatrice qui permettra de mieux comprendre le rôle des différents récepteurs nicotiniques et des différentes voies neuronales dans la mise en place, le maintien de l’addiction à la nicotine, ainsi que dans les processus de manque et de rechute. » Il est possible qu’elle soit également utile pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques d’autres affections neurologiques ou psychiatriques.
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