Face au variant Omicron, faut-il généraliser le port du masque FFP2 ?
- Vincent Richeux
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Alors que la France traverse une cinquième vague de contaminations provoquée par le variant Omicron du SARS-CoV2, le débat sur la généralisation des masques FFP2 est relancé. Plusieurs médecins ont appelé à une utilisation élargie de ce masque au pouvoir filtrant plus important lorsqu’il est bien utilisé comparativement au masque chirurgical, tandis que d’autres estiment qu’il doit être réservé aux professionnels de santé. En attendant, de plus en plus de français optent spontanément pour ce masque, plus rassurant.
Saisi par le gouvernement pour se prononcer sur la question du port généralisé du FFP2 dans ce nouveau contexte épidémique, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a remis le week-end dernier son avis à l’exécutif. « L’avis du HCSP n’irait pas vers une extension du port du FFP2 », a déclaré lundi, le ministre de la santé, Olivier Véran, devant les sénateurs lors d'une audition sur le renforcement des outils de gestion de la crise sanitaire.
Selon le ministre, le HCSP n’est pas favorable à une extension « au-delà des soignants aujourd’hui considérés comme à risque parce qu’exposés à des gouttelettes ». Avec ces nouvelles recommandations, « on est assez loin d’après le HCSP d’étendre le FFP2 à d’autres catégories professionnelles ». Olivier Véran a précisé que « le gouvernement aura à se prononcer » prochainement à partir de cet avis.
Il est fort probable que la France respecte ces nouvelles recommandations et n’en vienne pas à imposer le port du FFP2 par tous dans les lieux publics ou à l’extérieur, à l’image de ce qui se fait actuellement dans certains pays, comme l’Italie, la Grèce ou l’Autriche, qui ont misé sur ce dispositif pour renforcer la lutte contre l’épidémie. En Italie, des discussions sont en cours pour l’imposer également dans les écoles.
À réserver aux situations à risque ?
« Ce n’est pas parce que cette décision a été prise ailleurs qu’elle est rationnelle », a commenté auprès de Medscape édition française, le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste à l’Hôtel-Dieu, à Paris (AP-HP). « Nous sommes dans une hystérie médiatique et politique. Le masque chirurgical est déjà porté par tous et permet ainsi de se protéger. Il n’y a aucun intérêt à généraliser le masque FFP2. Il est à réserver aux professionnels de santé ».
Actuellement en France, le port systématique du masque FFP2 n’est pas recommandé, même pour les soignants. Dans une note relative à la protection respiratoire contre le variant Omicron du SARS-CoV2, remise fin décembre, la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) estime que son utilisation chez les professionnels de santé est préconisée uniquement dans certaines situations :
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Lors de toute procédure générant un aérosol (PGA), en complément d’une protection oculaire, quel que soit le statut du patient (suspect ou infecté par le SARS-CoV-2 ou indemne) ;
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Dans les services où les PGA sont fréquemment réalisées ;
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Pour les personnels à risque de forme grave sur indication du service de santé au travail ;
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Dès l’entrée dans un secteur Covid avec une ventilation insuffisante des locaux.
La SF2H rappelle que, malgré une meilleure étanchéité au visage du masque FFP2, « les études comparant l’utilisation de masque chirurgical et d’APR FFP2 chez des professionnels de santé montrent des résultats contradictoires par rapport au risque d’acquisition de SARS-CoV-2 ». De plus, ce type de masque « ne présente une efficacité optimale que si le modèle est adapté à la morphologie du visage ». Il est aussi « responsable d’inconfort, source de manipulation du masque et de risques de contamination via les mains ».
Un avis très contesté par certains soignants et notamment par le collectif inter-bloc qui dénonce une décision économique et non sanitaire.
Une efficacité qui dépend d’une bonne utilisation
Plutôt que d’encourager à une utilisation systématique du masque FFP2 par les soignants dans les établissements de santé, la SF2H préfère rappeler « l’importance de respecter l’ensemble des mesures de protection », dont le port du masque chirurgical par tous et l’aération des locaux. Des mesures « complémentaires les unes des autres », jugées insuffisantes lorsqu’elles sont appliquées isolément.
« Il faut rappeler que le masque chirurgical a son intérêt pour éviter de contaminer lorsque l’on est infecté. Le FFP2 est destiné à la protection des soignants lorsqu’ils se retrouvent dans des atmosphères contaminantes. Il s’agit d’un masque professionnel. Au service d’urgence où j’exerce, on l’utilise notamment au moment d’intuber un malade pour se protéger des projections », indique le Dr Kierzek.
Il n’empêche, certains médecins appellent au remboursement des masques FFP2 pour les patients particulièrement à risque de forme sévère de Covid et des voix s’élèvent pour appeler à une extension de l’utilisation des masques FFP2 notamment dans les endroits clos. « C'est vraiment dans les lieux où l'aération est la plus difficile : donc clairement dans les transports en commun, les magasins, les écoles, l'hôpital et les entreprises, tous les endroits où il est difficile d'avoir une aération très régulière, plusieurs fois par heure », que l’on devrait porter un masque FFP2, indiquait Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique, sur France Inter le 7 janvier dernier.
Parmi les corps de métier particulièrement demandeurs, les syndicats de l’éducation nationale réclament des masques FFP2 pour les enseignants, en raison de la propagation rapide du variant Omicron en milieu scolaire et de la désorganisation engendrée. Jusqu’à présent, seuls des masques en tissu ont été fournis aux enseignants par leur administration. L’éducation nationale en aurait fourni 160 millions depuis le début de l’épidémie.
Apprendre à vivre avec le virus
À l’heure actuelle, le masque FFP2 reste réservé au personnel soignant et aux patients atteints par une forme grave de l’infection. En cas de changement de stratégie, le gouvernement a assuré qu’il n’y a pas de risque de pénurie puisque le stock d’Etat a été reconstitué avec « plusieurs centaines de millions de masques FFP2 », a précisé début janvier son porte-parole, Gabriel Attal, sur France Inter.
« On reste encore dans le modèle de mars 2020, en début d’épidémie », estime le Dr Kierzek. « Or, avec ce nouveau variant, la situation est différente, la maladie n’est plus la même. On sait la traiter, on la connait mieux. Il nous faut donc une nouvelle doctrine. »
Dans ce contexte, il apparait, selon lui, difficile de contrôler l’épidémie. « La stratégie tester, tracer isoler n’a plus d’utilité. On ne pourra pas supprimer le virus ou s’en protéger complètement. » Les gestes barrières restent fondamentaux, mais sans généraliser le FFP2, ni le port du masque à l’extérieur. « Il s’agit d’une question de bon sens. »
« Il faut désormais s’adapter, en continuant de protéger les plus fragiles par la vaccination, mais aussi en renforçant les hôpitaux, qui font face à un vrai problème structurel. » Pour l’urgentiste, il serait aussi temps de valoriser l’adoption par la population de mesures hygiéno-diététiques bénéfiques, à travers notamment une meilleure alimentation, pour favoriser la perte de poids et limiter les comorbidités.
Quelles obligations à l’étranger ?
En Italie, depuis le 25 décembre, le port du masque FFP2 est obligatoire dans les transports publics, mais aussi dans les théâtres, les musées, les cinémas et lors d’événements sportifs. Après une hausse conséquente des prix, le gouvernement italien a trouvé un accord avec les représentants des pharmaciens pour fixer le prix du masque à 75 centimes l’unité.
En Grèce, le port du masque FFP2 est obligatoire dans les supermarchés et dans les transports en commun. Le personnel de la restauration doit également porter ce masque. Porter un double masque chirurgical ou textile est également proposé comme alternative.
L’Autriche va plus loin et impose désormais le masque FFP2 à l’extérieur, là où il est impossible de respecter la distance de sécurité de deux mètres (file d’attente, passage piéton…). Ce masque était déjà obligatoire depuis un an dans les transports en commun et lieux publics fermés.
Face à la propagation du variant Omicron, l’Allemagne préconise désormais le port du masque FFP2 dans les transports en commun et les commerces. Dans certaines régions du pays, son utilisation est devenue obligatoire dans les lieux clos.
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