Fécondation in vitro (FIV) : l’origine géographique des femmes traitées en France modifie-t-elle le pronostic ?

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une étude monocentrique française qui a comparé la réponse à la Fécondation in vitro (FIV) de femmes d’origines géographiques différentes suggère que celles originaires d’Afrique subsaharienne ont un taux d’ovocytes matures plus faible que celles d’origine européenne, laissant supposer une qualité ovocytaire moindre chez les premières. Par ailleurs, le taux d’implantation restait plus bas chez elles, à nombre d’embryons transférés constant, y compris après ajustement.

  • Les causes de cette observation restent à établir : selon les auteurs, elle pourrait être liée à une réceptivité endométriale différente sous l’influence des taux d’estradiol induits par la stimulation.

  • Une nouvelle étude conduite plus largement et intégrant de plus nombreux facteurs de confusion, notamment socio-économiques, serait utile à mener.

Pourquoi est-ce important ?

La littérature décrit une association entre l’origine géographique des femmes et les résultats des FIV. Cependant, ces études majoritairement américaines ou britanniques présentent plusieurs biais et limitations : l’origine déclarée est manquante dans un nombre conséquent de cas, les centres inclus ont des résultats souvent disparates, et les données ne sont pas toujours ajustées au statut socio-économique, qui influence les modalités d’accès et la nature des soins dans ces pays. D’autres, monocentriques, ont été menées dans les pays anglosaxons, mais les effectifs recrutés étaient faibles. La majeure partie des études les plus solides suggère que l’origine géographique des patientes influence ces résultats, mais l’inégal accès aux soins dans ces pays rend leur interprétation non transposable à la France. La présente étude a l’avantage d’offrir un éclairage national sur la question via une étude monocentrique dans un centre hospitalier universitaire français offrant un égal accès aux soins à toutes.

Méthodologie

Cette étude rétrospective, observationnelle et monocentrique a été conduite à l’hôpital Bichat (Paris) en incluant les premiers cycles de FIV/ICSI (injection Intracytoplasmique de spermatozoïdes) réalisés entre janvier 2013 et janvier 2020. Toutes les patientes de 18 à 43 ans, reçues pour un cycle de stimulation ovarienne pour une première FIV/ICSI ont été incluses. Les modalités de choix du protocole de stimulation, les critères de déclenchement et le choix de la technique de FIV ou ICSI étaient identiques pour les 3 groupes. L’origine géographique des patientes a été obtenue à partir de données autodéclarées dans le cadre de la collecte des antécédents familiaux habituellement réalisée via le logiciel Medifirst. Ainsi, les pronostics des FIV des femmes originaires d’Europe, d’Afrique Sub-Sahararienne (ASS) et du Maghreb ont pu être comparés.

Principaux résultats

Au total, l'étude a inclus 1.669 femmes dont 525 originaires d’Europe, 649 de ASS et 495 du Maghreb. Ces trois groupes de femmes étaient comparables sur le plan de l’âge (34 ans en moyenne), sur les différents paramètres de réserve ovarienne et concernant le type de protocole utilisé (62,9 à 67,3% de protocole antagoniste selon les groupes, NS). À noter toutefois la fréquence d’un indice de masse corporelle plus élevé chez les femmes originaires d’ASS ou du Maghreb (26,6 et 25,8 kg/m² respectivement vs 23,8 pour le groupe européen, p<0,0001).

Par rapport aux femmes d’origine européenne, celles d’origine ASS avaient plus souvent une infertilité de type tubaire ou utérine (51% vs 25% et 10,3% vs 4,9% respectivement, p significatifs), ou liée à une infection virale (17,8% de VIH et 12% de VHB versus 1,8% et 3,7% respectivement, p<0,0001 pour les deux). Par rapport aux femmes d’origine européenne, celles originaires du Maghreb étaient plus souvent concernées par une infertilité masculine (60,2 vs 48,7%, p<0,0001) et avaient plus souvent recours à une ICSI (71% vs 63,6%, p<0,0001).

Le taux d’abandon avait été plus élevé dans les populations d’origine non européenne. La réponse à la stimulation (nombre d’ovocytes totaux recueillis par ponction, taux de fécondation...) a été comparable entre les 3 groupes. Cependant, par rapport aux femmes d’origine européenne, celles originaires d’ASS avaient eu un taux d’ovocytes matures par ponction qui était moindre (66% vs 73%, p<0,001) et celles originaires du Maghreb avaient eu un plus faible nombre d’embryons obtenus par ponction (en moyenne 3,33 vs 4,13, p<0,001).

Par ailleurs, les femmes originaires d’ASS avaient un taux plus faible de grossesses cliniques, qu’il soit rapporté au nombre de cycles débutés, de ponctions réalisées, ou d’embryons transférés (11,7%, 16,5% et 23,2% respectivement contre 20,4%, 25,6% et 35,2% chez celles originaires d’Europe, p<0,001 dans les trois cas). Il en était de même pour le taux de naissances vivantes qui était également plus faible, une fois rapporté sur ces trois différents paramètres (soit 6,9% 9,8% et 13,8% versus 15,2%, 19,1%, et 26,3%, p<0,001 pour tous). Ces différences statistiques étaient maintenues après ajustement multivarié.