Expatriation : témoignage du Dr Stéphane Lambert, médecin généraliste à Savigny (Suisse)
- Véronique Duqueroy
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Parmi les 1.000 praticiens français ayant répondu au dernier sondage de Medscape sur la rémunération et la satisfaction professionnelle, 15% envisagent très sérieusement d’aller exercer à l’étranger.
Trois médecins, deux spécialistes et un généraliste, ayant franchi le pas nous ont fait part de leurs motivations à passer le cap. Ils travaillent aujourd’hui dans le service public ou en cabinet privé, au Canada (Québec), en Suisse et en Belgique. Chaque mercredi durant 3 semaines nous vous ferons part de l'un de ces témoignages.
Cette semaine, le témoignage du Dr Stéphane Lambert, médecin généraliste à Savigny (Suisse)
Alors qu’il exerçait près de Nancy en tant que médecin généraliste dans un cabinet médical partagé avec un associé, le Dr Stéphane Lambert se lance dans l’aventure de l’expatriation en 2011 et part s’installer en Suisse. D’abord seul, il est rejoint trois ans plus tard par sa femme et deux de ses enfants.
« J’ai senti venir progressivement un ras-le-bol. À cette époque, l’Assurance maladie nous rajoutait constamment des tâches, avec des compensations minimes, alors que la valeur de la consultation stagnait. Il y avait aussi de plus en plus de contraintes administratives. Il fallait installer de nouveaux logiciels pour accompagner le développement de la carte vitale. On enchainait les heures de travail. »
Le praticien perçoit également une déconsidération, voire même « un mépris » de la part des autorités sanitaires « Les médecins libéraux étaient responsables de tous les maux. Si la caisse d’Assurance maladie était mal en point, c’est vers eux qu’on se tournait pour récupérer de l’argent. » Les relations avec les autorités se compliquent lorsque le Dr Lambert, alors représentant syndical, s’oppose à des réquisitions de médecins ordonnées, selon lui, de manière abusive.
En parallèle, « avec la hausse des impôts et des charges sociales », il voit ses revenus diminuer. « Chaque année, je devais prendre un peu plus sur mes économies pour faire face à mes dépenses. J’avais alors un chiffre d’affaire annuel de 125.000 euros et un bénéfice net de 54.000 euros. »
Pour sortir d’une situation devenue insatisfaisante, un choix s’est imposé: « soit je sortais du cabinet et je prenais un poste de médecin salarié, soit je quittais le pays ». Avec déjà une préférence pour la Suisse, pays d’origine de sa femme, dans la région francophone (Suisse romande), où la famille a ses habitudes.
Étant marié à une Suissesse, il demande la nationalité suisse « pour faciliter les démarches », avant de concrétiser un éventuel départ. Alors qu’il est toujours en exercice dans son cabinet français, il commence à rechercher des opportunités, suit des formations dans les urgences hospitalières suisses et se porte candidat pour plusieurs postes de médecins salariés, sans succès.
« On considérait que je n’avais pas les compétences suffisantes ou que je n’avais pas assez d’expérience. Il faut savoir qu’en Suisse, comparativement à la France, la formation de troisième cycle en médecine générale compte 18 mois supplémentaires en milieu hospitalier. Le diplôme de médecine générale français n’est pas pleinement reconnu. »
Le Dr Lambert décide alors de s’installer en tant qu’indépendant et trouve en quelques mois un cabinet à reprendre à Savigny, une petite ville située à 12 km de Lausanne, dans un bassin de population de 11.000 à 12.000 habitants. Le cabinet étant équipé pour effectuer des analyses de routine (formule sanguine, cholestérolémie…) et des examens de radiologie, une particularité retrouvée dans beaucoup de cabinets médicaux suisses, le praticien a dû suivre au préalable une formation spécifique de quelques mois.
Pour l'appuyer, le médecin a embauché deux assistantes médicales exerçant à 130% équivalent temps plein. Leur fonction, qui n’a pas d’équivalent en France, va au-delà de celle d’une secrétaire médicale puisqu’elles ont la capacité d’effectuer des prises de sang et d’apporter une assistance technique pour les examens médicaux.
Bilan après plus de dix ans d’exercice en Suisse: « Je me suis senti très bien accueilli. J’ai une qualité de vie incomparable. Tout d’abord, je travaille moins. Mon activité est en hausse depuis quelques mois, mais je continue de travailler quatre jours par semaine. Et d’un point de vue médical, je peux exercer pleinement mon métier de médecin généraliste grâce à mon plateau technique qui m’apporte une vraie satisfaction. »
Concernant la rémunération, « elle a quasiment triplé ». Tout acte est associé à un tarif remboursable référencé dans le catalogue de tarifications médicales TARMED, même la rédaction d’un courrier destiné à un confrère spécialiste ou l’émission d’une ordonnance, et le temps consacré à chaque consultation est pris en compte. S’y ajoutent également les actes liés aux analyses et à l’imagerie médicale de la plate-forme technique.
Néanmoins, certains actes ne sont pas accessibles aux médecins généralistes étrangers s’ils ne font pas les 18 mois de stage hospitalier requis dans la formation médicale suisse, prévient le Dr Lambert. C’est le cas notamment pour des petits examens cliniques, pratiqués quasiment quotidiennement, dont le tarif devrait normalement être ajouté à celui de la consultation.
« Des médecins mal informés se retrouvent à devoir rembourser des trop perçus après des contrôles des assureurs qui deviennent de plus en plus fréquents. » Un projet de loi est toutefois prévu pour faire reconnaitre les années de pratique des médecins étrangers avant leur expatriation et donner éventuellement accès à ces cotations, a précisé le praticien.
Cet article a initialement été publié sur le site internet Medscape.
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