Et si le coronavirus était le grand médaillé des JO ?
- Kathleen Doheny
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Samedi 17 juillet, une semaine avant le début des Jeux olympiques (JO) de Tokyo, un premier cas de Covid-19 a été recensé au sein du village olympique. Inquiétude. Le Covid-19 va changer considérablement les JO, déjà reportés d'un an, qui sont pour les milliers d'athlètes la concrétisation d'un rêve et d'efforts considérables mais aussi un combat contre le coronavirus. Les organisateurs de ces Jeux, qui se déroulent du 23 juillet au 8 août, ont établi des règles pour éviter la propagation du coronavirus. Mais jugées insuffisantes, ces mesures sont critiquées publiquement par certains spécialistes de santé publique. Explications.
Le compte à rebours est déclenché
Environ 11.000 athlètes originaires de plus de 200 pays sont attendus pour participer aux XXXIIèmes Olympiades à Tokyo.
Jusqu'à la cérémonie d'ouverture, le 23 juillet dernier, les responsables du Comité International Olympique (CIO) ont été confrontés à beaucoup de résistance et d'inquiétude liées au Covid-19, dont une vive opposition parmi les Japonais eux-mêmes. Ainsi en mai, un sondage du quotidien Asahi Shimbun établissait à 83% le pourcentage de répondants opposés à la tenue des JO. Fin juin, ils n'étaient plus que 30,5% en faveur de l'annulation des Jeux d'après un autre sondage.
Il est probable que la résistance ait faibli quand la population a pris la mesure des dispositions strictes prises par le gouvernement japonais qui a déclaré l'état d'urgence le 8 juillet. Un état d'urgence qui est synonyme d'un nombre moindre de voyageurs entrant dans le pays, notamment parce que le CIO et les organisateurs ont interdit les spectateurs. Les supporters étrangers peuvent être présents mais en dehors de la ville.
D'après le Johns Hopkins Coronavirus Resource Center, la référence concernant les données sur la pandémie, environ 19% de la population du Japon était totalement vaccinée le 12 juillet. C'est certes faible, mais en nette progression par rapport à la fin du mois de mai quand moins de 3% de la population était entièrement vaccinée.
Depuis le début de la pandémie, le Japon a recensé 824.990 cas de Covid et presque 15.000 décès.
La réduction des risques, selon le CIO
Il a également précisé que le taux de positivité était faible. On estime qu'environ 8.000 personnes impliquées dans les Jeux sont arrivées au Japon entre le 1er et le 13 juillet. Toutes s'étaient soumises à des tests et des évaluations de santé avant le départ. D'après Thomas Bach, seuls trois personnes ont eu des tests positifs à l'arrivée, elles ont été immédiatement isolées ainsi que leurs cas contacts.
Dans la troisième et dernière version de son Playbook, publiée en juin, le CIO fait différentes recommandations. « pour garantir que tous les participants aux Jeux Olympiques et Paralympiques ainsi que les habitants de Tokyo et du Japon restent en parfaite sécurité et en bonne santé cet été. », d'après le site officiel du CIO. « Les Playbooks ont été élaborés conjointement par le comité d'organisation de Tokyo 2020, le Comité International Olympique et le Comité International Paralympique, en collaboration étroite avec le gouvernement du Japon et le gouvernement métropolitain de Tokyo. »
Voici les principales recommandations à destination des athlètes et des officiels :
-
s'auto-surveiller : il faut surveiller l'apparition de symptômes dans les quatorze jours qui précèdent le départ.
-
se faire tester : les athlètes sont testés avant le départ pour les Jeux, à l'arrivée à l'aéroport et une fois chaque jour pendant la durée de la compétition. Ils sont également testés en cas de symptômes. Si le test est positif, ils sont isolés.
-
tracer les contacts : les cas contacts de personnes infectées sont également testées. Le « contact tracing » se fait via une application pour smartphone.
-
réduire les risques : les masques doivent être portés en permanence, sauf pour manger, boire, dormir, s'entraîner et pendant les compétitions. Les interactions sociales doivent être limitées. Une bonne ventilation est recommandée.
Ce que les experts en santé publique rajouteraient...
Même avec la publication de la troisième version du Playbook, les protocoles échouent, commente la Dr Annie Sparrow (Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, Etats-Unis). Voici les stratégies supplémentaires qu'elle et d'autres experts en santé publique proposent d'appliquer :
-
stratifier les risques : il s'agit de classer les événements en fonction du risque (faible, modéré, élevé) selon le sport et le lieu. Les activités extérieures pour lesquelles les participants ne sont pas proches physiquement (comme la voile ou l'équitation) peuvent être considérées à faible risque, les sports intérieurs (comme la boxe ou la lutte), eux, à risque élevé. La stratification du risque pourrait aussi s'appliquer aux espaces autres que ceux de la compétition : les hôtels, les bus et les cafétérias seraient considérés comme plus à risque que les espaces extérieurs.
-
tester fréquemment : la Dr Sparrow juge la fréquence proposée par le CIO insuffisante. « Tous les athlètes devraient être testés deux fois par jour ».
-
Ventiler : Certains aspects essentiels, comme la ventilation, n'ont pas été suffisamment pris en compte, considèrent les experts. Les halls d'hôtel, par exemple, avec une densité humaine élevée et très peu de ventilation, représentent clairement une mauvaise combinaison.
-
Purifier l'air : les purificateurs d'air à filtre HEPA (filtre à air à haute efficacité pour particules) placés dans les chambres des athlètes, dans les salles de repas, et dans de nombreux lieux clos, peuvent réduire la transmission par aérosols.
-
Tracer les contacts : le « contact tracing » grâce aux applications sur smartphone n'est pas efficace. La Dr Sparrow souligne que peu d'athlètes pratiquent leur sport en gardant leur téléphone portable avec eux. Meilleure idée : des dispositifs életroniques portables comme une bague ou un bracelet.
Dans un article [1] du New England Journal of Medicine publié fin mai, Annie Sparrow et ses coauteurs exhortaient les organisateurs du CIO à tirer les leçons d'autres grands événements sportifs et de prendre des mesures simples comme loger les athlètes dans des chambres simples, faire des tests fréquemment et utiliser des dispositifs portables pour le contact tracing.
La vaccination non-obligatoire, une « folie éthique »
Sur les réseaux sociaux et dans les journaux médicaux, différents experts en santé publique ont d'ailleurs reproché au CIO de ne pas prendre les risques liés au coronavirus suffisamment au sérieux. Il faut savoir que le Comité International Olympique (CIO) n'exige pas la vaccination. 85% des athlètes et des officiels sont vaccinés ou ont acquis une immunité d'une précédente infection au Covid-19.
Arthur Caplan, professeur de bioéthique à la New York University (Etats-Unis) désapprouve cette non-obligation vaccinale.
« C'est une folie éthique d'avoir des sportifs venant du monde entier sans demander la moindre vaccination » avance-t-il. L'idée « qu'on devrait respecter le choix [de se faire vacciner ou pas] n'a pas de sens quand les risques sont réels et que le danger pour les autres athlètes et les spectateurs et même les habitants sont élevés. La ville de Tokyo est peu vaccinée, comme l'ensemble du Japon »
« Les athlètes n'ont pas un droit fondamental de menacer la santé des autres au nom de la compétition ou de gagner une médaille. Je ne comprends toujours pas pourquoi tout ceux [qui vont aux JO] n'ont pas été vaccinés il y a un mois » poursuit-il.
Pour lui, tout sportif qui refuse le vaccin est « un très mauvais modèle pour les jeunes », sauf contre-indication légitime.
L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “Pandemic Olympics: Health Experts Worry COVID May Win Gold”. Traduit/adapté par Marine Cygler.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé