Est-ce que les interactions médicamenteuses peuvent favoriser la mauvaise observance de l’hormonothérapie du cancer du sein ?

  • Nathalie BARRÈS
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Une étude française portant sur plus de 10.000 femmes traitées pour cancer du sein montre qu’il n’y aurait pas d’association entre la présence ou non d’interactions médicamenteuses et l’observance d’un traitement par tamoxifène ou inhibiteur de l’aromatase.
  • Cette étude a permis de mettre en évidence un taux important d’interactions médicamenteuses, en particulier chez les femmes sous tamoxifène, nécessitant d’apporter un suivi spécifique.

Pourquoi est-ce important ?

Le manque d’observance à l’hormonothérapie anti-cancéreuse chez les femmes traitées pour cancer du sein affecte significativement la survie, et a un impact délétère sur les hospitalisations et le recours aux soins de santé. L’hormonothérapie à base de tamoxifène et d’inhibiteurs de l’aromatase seuls ou en association avec d’autres agents anticancéreux représente la pierre angulaire de toute stratégie thérapeutique en cas de cancer du sein hormonosensible. Les facteurs favorisant le manque d’observance dans ce contexte sont multiples et il est essentiel de les identifier de manière factuelle afin de pouvoir mettre en place des mesures adaptées pour aider ces patientes à mieux observer leur traitement. Les interactions médicamenteuses peuvent favoriser les morbidités et compromettre l’observance à ces traitements. Il était donc important d’analyser cette hypothèse.

Méthodologie

Cette étude est basée sur des données anonymisées de dossiers médicaux de femmes adultes atteintes de cancer du sein (47.250 femmes) ayant reçu la prescription d’un traitement par tamoxifène ou un inhibiteur de l’aromatase par voie orale entre 1994 et 2021. La présence ou non d’une interaction médicamenteuse a été évaluée sur la base des médicaments dispensés en pharmacie au cours de l’année et classés en fonction de la fréquence de dispensation (0, 1-2, ≥3). La bonne observance était définie par la prise d’au moins 80% des prescriptions dans l’année, et les interactions médicamenteuses mineures (interaction à considérer), modérées (nécessitant une précaution) ou majeures (association non recommandée) et les contre-indications, étaient établies sur les recommandations de la base de données Claude Bernard.

Principaux résultats

Au total, 10.863 femmes ayant reçu une prescription d’hormonothérapie pour cancer du sein ont été incluses dans les analyses (dont 84,1% avaient ≥50 ans et 32,3% avaient ≥70 ans).

Parmi les 3.670 femmes sous tamoxifène, 13,5% avaient des prescriptions présentant des interactions médicamenteuses au moment de l’inclusion dont 51,1% d’interactions modérées, 45,7% d’interactions majeures. Les taux d’interactions médicamenteuses pour les médicaments délivrés aux femmes traitées par tamoxifène avaient fortement augmenté à partir de la 1ère année et se maintenaient dans le temps entre 33,9% et 42,4% jusqu’à la cinquième année de l’étude. Les médicaments les plus incriminés pour les interactions médicamenteuses avec le tamoxifène étaient les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (paroxétine, fluoxétine, duloxétine), les anti-acides (bicarbonate de sodium et diosmectite). Globalement les contre-indications variaient de 0,1% à 1%.

Chez les femmes traitées par inhibiteurs de l’aromatase (7.299 femmes), 8,0% d’interactions médicamenteuses ont été identifiées à l’inclusion. Celles-ci étaient essentiellement modérées (99,3%), puis les taux d’interactions médicamenteuses variaient de 31,4% à 32,8% tout au long de la période de l’étude. Les molécules les plus incriminées pour les interactions médicamenteuses étaient les antiacides (bicarbonate de sodium ou diosmectite). Les contre-indications représentaient 0,2% à 0,9% des délivrances.

Aucune association entre l’observance et la survenue d’interactions médicamenteuses (quelle qu’en soit l’importance) n’a été relevée ni chez les femmes traitées par tamoxifène, ni pour celles sous inhibiteur d’aromatase sur les cinq années de l’étude. L’observance atteignait pour la première année 79,3% pour les femmes traitées par tamoxifène et 88,8% pour celles traitées par inhibiteurs d’aromatase puis 89,5% et 92,8% à la 5e année respectivement.