ERS 2023 - Essoufflement : comment améliorer le diagnostic en soins primaires ?
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
Établir le diagnostic précis derrière une dyspnée reste complexe en soins primaires, étant donné la diversité des étiologies, respiratoires ou cardiaques, mais aussi infectieuses, psychiatriques ou liées au manque d’activité physique. Dans le cadre d’une session du congrès de l’European Respiratory Society (9-13 septembre 2023, Milan), plusieurs équipes ont évoqué quelques points d’achoppement et des pistes de solutions.
Ainsi, la littérature prouve qu’une proportion significative des diagnostics posés devant une dyspnée en soins primaires n’est pas confirmée une fois les patients adressés à l’hôpital. Une équipe australienne a cherché à établir comment optimiser ce constat : elle a conduit une revue de la littérature et a pu établir que jusqu’à 55% des patients pourraient être correctement diagnostiqués en utilisant la spirométrie, l’ECG et l’oxymétrie, un chiffre qui monte jusqu’à 90% si ces examens sont combinés à la radiographie pulmonaire, et des tests spécifiques (numération formule sanguine, BNP, scanner et échocardiographie selon la suspicion). Elle a aussi interrogé les généralistes pour évaluer leur opinion sur la place de ces outils, et les obstacles qu’ils rencontrent en pratique clinique : ces praticiens recourent peu à la spirométrie et au dosage du BNP, bien qu’ils en reconnaissent la pertinence diagnostique. Un coup d’oeil à la National Breathlessness Survey, menée en 2021 en Australie (10.000 patients suivis pendant 6 ans) montre aussi que seuls 4% des patients ont eu une visite spécifique pour explorer leur dyspnée, et que moins de la moitié ont eu au moins un test diagnostique parmi ceux préconisés ci-dessus. « Ainsi, le nombre de patients ayant bénéficié de simples tests comme le BNP ou la spirométrie est peu élevé », résume Christine Jenkins (George Institute for Global Health, Australie). « Et s’ils étaient un tiers et un cinquième à avoir respectivement un diagnostic d’asthme et de BPCO, seuls 0,5% avaient eu un test de spirométrie durant le suivi ».
Examens clés et difficultés pratiques
« Si la majorité des médecins estiment que la spirométrie est un outil utile pour explorer une plainte respiratoire et poser le diagnostic, ils sont malgré tout majoritaires à ne pas avoir conduit de spirométrie dans les 6 derniers mois auprès de leurs patients » a renchéri Marko Topalovic (Hôpital universitaire de Louvain, Belgique). Il tire cette observation des réponses d’un panel de généralistes volontaires pour tester un algorithme d’intelligence artificielle (IA) destiné à aider l'interprétation des résultats de la spirométrie (ArtiQ-Spiro). « Ils expliquent cela par un manque de pratique, d’expérience personnelle et de problèmes techniques liés à la spirométrie. » Dans l’étude qu’il a mené, les praticiens ont estimé que l’IA leur serait utile pour les aider à poser le diagnostic de BPCO. La première évaluation de la faisabilité de son implémentation en clinique a été concluante : parmi les patients à haut risque de BPCO que ces généralistes étaient invités à inclure dans l’étude (gros fumeurs de plus de 35 ans, avec au moins une plainte respiratoire), l’IA a permis d’identifier près de 30% d’entre eux comme ayant une BPCO probable.
Pour écarter les questions techniques liées à la spirométrie, l’oscillométrie d’impulsion pourrait avoir certains avantages : « C’est un test physiologique, il suffit de respirer normalement et il ne demande que quelques minutes. Il permet aussi de conduire les tests de réversibilité » résume Janwillem Kocks (Université de Groningen, Pays-Bas). Le généraliste a présenté le développement de la mallette ‘Breathlessness Diagnostics in a Box’, utilisable en soins primaires, qui combine l’oscillomètre à un ECG 4 dérivations, un test rapide du BNP et un oxymètre de pouls, associés à une application visant à établir l’existence d’une obstruction et, le cas échéant, son type. Un outil très efficace pour aider au diagnostic étiologique de la dyspnée, et qui doit maintenant être évalué en clinique. La question du coût devra néanmoins être prise en compte dans la faisabilité d’une telle implémentation.
Et à côté de tous les outils disponibles, « il ne faut pas oublier de regarder le patient, comment il parle, son flux verbal, sa marche et sa façon de bouger, qui peuvent être une aide précieuse pour aider au diagnostic » a reconnu Marko Topalovic.
Recommandations, formation, entraînement, coopération
Des approches nouvelles d'enseignement et d'apprentissage sont aujourd’hui expérimentées pour améliorer l’exploration diagnostique de l’essoufflement en soins primaires, comme l’a présenté Dermot Ryan (Primary Care Respiratory Society, Royaume-Uni). Les recommandations destinées aux praticiens de soins primaires doivent aussi être adaptées pour être plus concrètes. Enfin, l’intervention de tiers spécialisés (paramédicaux formés) dans la relation entre le patient et le médecin peut aussi constituer une aide précieuse pour favoriser une approche multidisciplinaire centrée sur le patient dans laquelle l'éducation et l'autogestion sont développées et permettent d’accompagner le patient au cours de l'évolution de la maladie. Le succès d’une telle approche, implémentée au Canada, a été présenté par Christopher Licskai (Western University, Canada) : le suivi de 2.451 patients durant 6 années (3 ans avant la mise en place du programme, 3 ans après), montre que le taux de visite aux urgences et d’admission à l’hôpital, qui tendait à croître avant cette implémentation, a diminué ensuite, avec une réduction de 56% et de 46% de ces taux à l’issue des 12 premiers mois. « Un résultat important pour améliorer la trajectoire de la maladie et son impact sur le système de soins et les coûts de prise en charge » a conclu le praticien.
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