ESOC - 2022 - AVC : et si le ténectéplase remplaçait l'altéplase dans les unités mobiles ?

  • Sue Hugues

  • Actualités des congrès par Medscape
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Un bolus en intraveineuse de ténectéplase dès la prise en charge d'un patient présentant un AVC par une unité mobile améliore l'efficacité du traitement thrombolytique en comparaison avec le standard de soins, à savoir l'utilisation d'altéplase.

C'est ce que montre une nouvelle étude, présentée à l'occasion de l'European Stroke Organisation Conference (ESOC-2022) qui s'est déroulée à Lyon entre les 4 et 6 mai derniers[1]. Ce travail a été simultanément publié en ligne dans The Lancet Neurology. L'étude TASTE-A a en effet montré qu'initié plus rapidement que l'altéplase, le ténectéplase a été associé à un volume moindre de lésion post-traitement et à des meilleurs résultats cliniques « ultra-précoces ».

Unité mobile + ténectéplase

« Malgré un délai médian de 47 minutes entre le début de la thrombolyse dans l’unité mobile et la réalisation d'images au service des urgences, nous avons pu observer des avantages conséquents ultra-précoces du traitement par ténectéplase par rapport à l’altéplase », a indiqué le Dr Andrew Bivard (Royal Melbourne Hospital, Melbourne, Australie) dans sa présentation.

« Pour cette étude, nous avons combiné deux éléments prometteurs en ce moment dans l'AVC :  le recours à des unités mobiles spécialisées et l’utilisation du ténectéplase comme agent thrombolytique de première ligne », a expliqué l'orateur. L’étude a en effet été menée dans l’unité mobile d’AVC de Melbourne, composée d’un neurologue, d’une infirmière spécialisée en AVC, d’un manipulateur radio et de deux ambulanciers. Cette unité mobile est équipée d’un scanner CT pour permettre la thrombolyse avant l'arrivée à l'hôpital et ainsi accélérer le délai de traitement, a détaillé Andrew Bivard. Avant d'ajouter : « A la différence de l’altéplase administrée sous forme de bolus plus une perfusion, le ténectéplase est administré en bolus intraveineux unique, ce qui le rend particulièrement adapté à une utilisation dans une unité mobile d’AVC ».

Cette étude de phase 2 a inclus 104 patients ayant subi un AVC ischémique, pris en charge dans les 4,5 heures suivant l’apparition des premiers symptômes et éligibles au traitement thrombolytique. Ils ont été randomisés dans l’unité mobile d’AVC pour recevoir soit de l’altéplase (0,9 mg/kg administré par voie intraveineuse avec 10 % en bolus pendant 1 minute et 90 % en perfusion pendant une heure), ou de ténectéplase (0,25 mg/kg administré en bolus intraveineux), avant d’être transporté à l’hôpital pour des soins continus. L’âge médian des participants s'élevait à 73 ans et le NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) initial était de 8. 

Des différences à l'imagerie, mais à priori moins du point de vue fonctionnel

Quels sont les résultats ? Mesuré par un scanner CT, le volume de la lésion à l’arrivée à l’hôpital, critère d'évaluation principal, était significativement plus petit avec le ténectéplase (médiane de 12 mL) qu’avec l’altéplase (35 mL) avec une différence statistiquement significative (P = 0,003).

La réduction du score NIHSS médian entre l’unité mobile d’AVC et l’arrivée aux urgences était plus importante lorsque les patients avaient été traités par ténectéplase (réduction médiane NIHSS de 1) en comparaison avec ceux traités par altéplase (réduction médiane NIHSS de 0). Ce résultat était également statistiquement significatif (P= 0,03). En revanche, à 90 jours, les chercheurs n'ont pas constaté de différence significative sur le plan fonctionnel, dont les résultats mesurés avec un score mRS (modified Rankin Scale), entre les patients traités par la ténectéplase et ceux traités par l’altéplase. L'orateur a toutefois rappelé que l’étude n’avait pas été conçue pour obtenir des résultats fonctionnels.

En termes de sécurité, aucune hémorragie intracérébrale symptomatique a été rapportée dans l’étude. Mais le Dr Bivard a indiqué qu’une hémorragie intracérébrale asymptomatique était survenue chez quatre patients du groupe ténectéplase et cinq patients du groupe altéplase. Leur nombre est trop faible pour en tirer des conclusions, a-t-il commenté.

L’étude a également montré que pour les patients traités par ténectéplase le délai entre l’imagerie dans l’unité mobile d’AVC et l'initiation du traitement thrombolytique (médiane de 13 minutes) était significativement plus court par rapport aux patients traités par altéplase (médiane 19 minutes).

Chez les patients traités par ténectéplase, la proportion de migration à distance des caillots entre les clichés réalisés dans l’unité mobile d’AVC avant le traitement et ceux réalisés aux urgences après le traitement était plus élevée (36 % contre 16 % avec l'altéplase). Les auteurs rappellent que la migration distale du caillot est une mesure biologique du succès de la thrombolyse réalisée en urgence.

Ils soulignent aussi que seuls 24 patients présentant une occlusion d'un gros vaisseau ont été  ensuite traités par thrombectomie. Pour eux, cela signifie ce que le traitement thrombolytique précoce dans l’unité mobile d’AVC et l’utilisation du ténectéplase permet d'éviter la thrombectomie. Cette conclusion reste toutefois à confirmer par une analyse plus approfondie.

 

Si l' étude n’a pas été conçue pour évaluer des différences à trois mois, « il a été établi que chaque minute économisée conduit à au moins un jour supplémentaire de vie sans incapacité », indiquent les chercheurs. Or « nous avons montré une réduction significative du délai de traitement avec le ténectéplase », a commenté Andrew Bivard lors de sa présentation. Avant d'avancer une explication : « C'est probablement lié à l’aspect pratique de l’administration de ténectéplase en un seul bolus plutôt qu’en un bolus plus une perfusion nécessaire pour l’altéplase. L’unité mobile d’AVC utilise des pompes à perfusion pour l’altéplase, qui prennent du temps à être installées et calibrées ».

Pendant la session, le Pr Georgios Tsvigoulis, vice-président de l’European Stroke Organisation, a félicité le Dr Bivard. Il a en particulier salué le taux de recrutement « incroyable » de 62 %. « Cela souligne l’importance des essais menés dans le cadre d'unité mobile d’AVC, car nous pouvons disposer de données randomisées de haute qualité avec un recrutement élevé sur des questions scientifiques sur ce qui doit être fait avant l'arrivée à l'hôpital ».

Invitée à commenter ce travail pour theheart.org | Medscape, la Pre Joanna Wardlaw (Université d’Edinbugh, Royaume-Uni), présidente de l'ESOC Planning Group a déclaré que les résultats de l’étude TASTE A « soutiennent l’idée que l’administration d’un bolus unique de ténectéplase permet d'avoir un effet clinique plus rapide, alors que l’administration d’altéplase en bolus suivi d'une perfusion en 1 heure aurait un effet plus lent sur l’ouverture de l’artère. »

Cet article a été écrit par Sue Hugues, initialement publié sur Medscape.com et traduit/adapté par Marine Cygler pour Medscape France.