ESMO 2022 – Pourquoi certains cancers sont-ils si difficiles à traiter ?
- Univadis
- Conference Report
À retenir
- L’étude de l’hétérogénéité des tumeurs explique pourquoi certains cancers sont particulièrement agressifs et résistants aux traitements.
- La connaissance de la biologie des tumeurs et l’optimisation des essais cliniques permettront de réduire la mortalité due aux cancers difficiles à traiter.
« Pourquoi le cancer est-il considéré comme l’empereur de toutes les maladies ? L’une des principales réponses est que le développement du cancer est un processus évolutif » a déclaré Nicholas McGranahan, de l’Institut du cancer du Collège universitaire de Londres (UCL Cancer Institute) à Londres, au Royaume-Uni, qui a présidé la session spéciale sur les tumeurs « trop difficiles à traiter ». En effet, les trois principes d’évolution par sélection naturelle (variation, héritage, sélection) s’appliquent au cancer. « La diversité intratumorale est l’une des raisons essentielles pour lesquelles certaines tumeurs sont difficiles à traiter » a-t-il déclaré.
Destinés à être mauvais
Nicholas McGranahan travaille sur la caractérisation du clone létal dans l’évolution du cancer. Il étudie des clones d’ensemencement métastatiques. Son groupe participe au programme TRACERx, une étude longitudinale sur le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC). Plusieurs régions d’une tumeur sont soumises au séquençage d’exons ; les données sur la variance mononucléotidique et les altérations génétiques à grande échelle sont ensuite utilisées pour reconstruire l’histoire évolutive de la tumeur. L’analyse de l’arbre phylogénétique permet aux chercheurs de comprendre quand se produit la divergence métastatique et d’évaluer si les métastases proviennent d’un ou de plusieurs sous-clones.
Leurs résultats indiquent que les clones d’ensemencement sont soumis à une forte sélection positive. La majorité des métastases du CBNPC sont monoclonales, tandis que les métastases polyclonales sont associées à une maladie extra-thoracique. Les clones métastatiques apparaissent le plus souvent tardivement dans le développement de la tumeur. M. McGranahan et son équipe ont cependant estimé que dans 35 % des cas, le sous-clone métastatique peut apparaître lorsque la tumeur a un diamètre inférieur à 1 mm (comportant moins de 100 000 cellules tumorales). « Il s’agit là des tumeurs destinées à être de mauvaises tumeurs » a-t-il déclaré.
Des changements néfastes de l’ADN
« S’il existe une tumeur pulmonaire qui est destinée à être une mauvaise tumeur, c’est bien le cancer bronchique à petites cellules (CBPC) » a affirmé Charles Rudin, du Centre de lutte contre le cancer Memorial Sloan Kettering (Memorial Sloan Kettering Cancer Centre) à New York, aux États-Unis, qui a présenté des travaux récents mettant en lumière le comportement clinique agressif de ce cancer. Son groupe a démontré que la déméthylase-1 spécifique de la lysine (lysine-specific demethylase-1, LSD1) est régulée à la hausse dans le CBPC et qu’elle est corrélée à une faible expression des mécanismes de présentation des antigènes. L’inhibition de la LSD1 pourrait donc supprimer l’un des mécanismes à l’origine de la résistance aux immunothérapies basées sur les cellules T.
Roel Verhaak, du laboratoire Jackson pour la médecine génomique (Jackson Laboratory for Genomic Medicine) à Farmington, dans l’État du Connecticut aux États-Unis, a souligné que la difficulté à guérir certains cancers dépend à la fois de facteurs intrinsèques et extrinsèques, comme le montrent les gliomes, le type le plus agressif de tumeurs du cerveau malignes.
Le consortium GLASS crée actuellement une carte moléculaire de l’évolution des gliomes sous traitement. Les données générées jusqu’à présent montrent que la chimiothérapie par témozolomide est associée à une hypermutation, tandis que la radiothérapie augmente significativement les petites délétions. Le traitement par témozolomide ou par radiothérapie peut donc favoriser la croissance clonale du ou des clones réfractaires au traitement. Il s’avère que les changements mésenchymateux coïncident avec une proportion accrue de cellules myéloïdes immunosuppressives. « Il existe au moins deux facteurs expliquant pourquoi le gliome est si difficile à traiter : la résistance acquise au traitement intrinsèque aux cellules tumorales, et les signaux de résistance extrinsèques provenant du microenvironnement tumoral » a conclu M. Verhaak.
Trouver un remède
« Qu’est-ce qu’un cancer difficile à traiter d’un point de vue clinique ? C’est un cancer au sujet duquel nous n’avons pas assez de connaissances, pour lequel nous n’avons pas de cibles ni de biomarqueurs, pas d’options de traitement et qui est agressif. L’état de santé des patients se détériore rapidement et ils sont difficiles à inclure dans des essais cliniques » résume Elena Garralda, de l’Institut d’oncologie de Vall d’Hebron (Barcelone, Espagne). Les progrès réalisés dans la génomique du cancer et les thérapies ciblées ont réduit la mortalité pour certains cancers correspondant à cette description. « Les essais cliniques sont l’outil dont nous disposons pour accélérer le développement de médicaments pour les cancers difficiles à traiter. Nous devons faire participer davantage de patients aux essais cliniques et nous devons élargir les critères d’admissibilité, notamment pour certains types de tumeurs » a-t-elle exhorté. « Nous pouvons également améliorer la sélection des patients pour les essais cliniques grâce à des programmes de présélection moléculaire. »
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