ESMO 2022 - Changement de paradigme dans le cancer du côlon dMMR

  • Aude Lecrubier

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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Une nouvelle étude présentée lors de l’ESMO 2022 devrait changer les standards de soins du cancer du côlon localisé dont la tumeur présente un déficit de la réparation des mésappariements de l’ADN, qu’on appelle Mismatch repair deficient (dMMR).

Alors que le traitement consiste actuellement en une résection chirurgicale suivie d'une chimiothérapie adjuvante, dans cette étude, la Dr Myriam Chalabi (NKI - Netherlands Cancer Institute, Amsterdam, Pays-Bas) et ses collègues ont utilisé une approche très innovante, consistant en un très court traitement d'immunothérapie préopératoire suivi d'une résection chirurgicale.

L'essai NICHE-2[1].a porté sur 112 patients atteints de cancer du côlon dMMR qui ont reçu un cycle d’ipilimumab (Yervoy®) à faible dose et deux cycles de nivolumab (Opdivo®) suivis d'une intervention chirurgicale.

Les patients étaient atteints d'un cancer du côlon de stade cT3 dMMR avec ou sans atteinte ganglionnaire mais sans métastases et sans signe d'obstruction.

74% des patients avaient une maladie de stade 3 à haut risque, dont 64% avaient des tumeurs T4a ou T4b cliniques et 62% un cancer de stade N2 radiologique. L’âge médian était de 60 ans et un peu plus de la moitié étaient des femmes.

Le délai médian entre la première dose d'immunothérapie et la chirurgie était de 5,4 semaines.
Les résultats montrent que 95 % des patients ont eu une réponse pathologique majeure (MPR) et 67 % une réponse pathologique complète (pCR) à l'immunothérapie.
À ce jour, aucun des patients n'a présenté de récidive de la maladie après un suivi médian de 13,1 mois.

Des effets indésirables liés à l'immunité ont été observés chez 61 % des patients. 4 % ont présenté des effets indésirables de grade 3-4 liés à l'immunité, et 2 % ont par conséquent subi un retard de chirurgie.

« Au départ, une proportion significative de patients présentait un stade radiologique III et une maladie à haut risque. Le taux de récidive attendu pour les tumeurs dMMR de stade III (pathologique) se situe entre 20 et 40 % malgré une chimiothérapie adjuvante standard. Or, à ce jour, aucun des patients de l'étude NICHE-2 n'a connu de récidive de la maladie. Aussi, fait important, ce traitement a été très bien toléré, avec seulement 4 % d'effets indésirables de grade 3-4 liés au système immunitaire et aucune complication chirurgicale inattendue », a commenté Myriam Chalabi dans un communiqué ESMO.

« Cette étude explore le rôle d’une courte immunothérapie préopératoire et remet en question la nécessité de la chirurgie et de la chimiothérapie postopératoire chez tous les patients chez qui la tumeur primaire a disparu », a commenté le Dr Andrés Cervantes (Institut de recherche biomédicale INCLIVA, Hôpital Clínico Universitario, Université de Valence, Espagne), non impliqué dans l'étude, pour le service de presse de l’ESMO qui ajoute que « la présence de la dMMR peut être facilement effectuée par immunohistochimie dans un laboratoire de pathologie conventionnel sans nécessité de tests moléculaires complexes. Aussi, la toxicité minimale observée devrait faciliter la mise en œuvre de cette stratégie, en épargnant potentiellement la chirurgie aux patients. »

Après la présentation des résultats, le Pr James Larkin (oncologie médicale, The Royal Marsden, Londres, Royaume-Uni) qui n'a pas participé à l'étude, a convenu que les résultats étaient « frappants », « majeurs ».

Cependant, il a souligné l’importance d’attendre les données de survie sans maladie à trois ans et s’est interrogé sur la nécessité d’administrer la faible dose d'ipilimumab. Il a également souligné qu’un suivi avec des coloscopies et, potentiellement, des biopsies serait nécessaire pour connaitre le risque de récidive. Enfin, il a insisté sur l’importance de la discussion avec les patients concernant l’absence de chirurgie.

Le commentaire du Dr Manuel Rodrigues, Institut Curie, Président de la Société Française du Cancer.

« On s’attendait à observer un fort taux de réponse comme rapporté en juin dernier dans le NEJM chez des patients atteints d'un cancer rectal localement avancé dMMR. Dans cette petite étude, les patients traités en néoadjuvant par l'anti-PD1 dostarlimab (Jemperli®) avaient répondu remarquablement.

Aussi, on savait qu’au stade métastatique, l’immunothérapie pembrolizumab faisait mieux que la chimiothérapie quand les patients étaient en première rechute métastatique dans les dMMR sur tous les critères d’évaluation, les taux de réponse, la survie sans progression, la survie globale et même la qualité de vie.

Sans surprise, les résultats de l’étude NICHE-2 sont positifs et pourraient changer complètement les standards de soins pour ces tumeurs. Même pour les tumeurs opérables, on ne fera plus de chimiothérapie mais directement de l’immunothérapie ».

L'étude a été financée par Bristol Myers Squibb. La Dr Chalabi n'a déclaré aucun intérêt financier. Les divulgations des autres auteurs sont listées dans l’abstract. Le Pr Larkin a déclaré des liens d’intérêt avec Eisai, Novartis, Merck, Pfizer, BMS, iOnctura, Debiopharm, Incyte, MSD, Pierre Fabre, Ibsen, Roche, EUSA Pharma, AstraZeneca, GSK, Calithera, Ultimovacs, Seagen et Nektar Therapeutics. Le Dr Rodrigues a reçu des subventions pour la recherche de la part de BMS et MSD, des honoraires d'Astra-Zeneca, des aides pour des déplacements en congrès de la part de Roche et Tesaro. Il a également reçu un financement public de l’INCa.

Cet article a été écrit par Aude Lecrubier et initialement publié sur le site Medscape.