ESC 2022 - Infarctus du myocarde chez les femmes de moins de 50 ans : une étude fait tomber de nombreux préjugés
- Stéphanie Lavaud
- Nathalie Barrès
- Actualités Congrès
Les jeunes femmes (moins de 50 ans) sont de plus en plus nombreuses à faire des infarctus du myocarde sans que l’on sache réellement pourquoi. D’où l’intérêt de l’étude française WAMIF dont les résultats ont été présentés sous forme de e-poster au congrès de l’ESC par la principale investigatrice, la Dr Stéphane Manzo-Silberman (service de cardiologie à l’hôpital Lariboisière, Paris) [1]. Ses résultats (à paraitre) font tomber de nombreux préjugés, a commenté la cardiologue.
Des taux de décès hospitaliers significativement plus élevés chez les femmes
« Les maladies cardiovasculaires sont la principale cause de mortalité chez les femmes, tuant 7 fois plus que le cancer du sein, rappelle le Dr Manzo-Silberman. Les taux de décès hospitaliers sont significativement plus élevés chez les femmes, et bien qu’en diminution, restent significativement plus élevé que chez les hommes (plus du double), en particulier chez les femmes de moins de 50 ans. De plus, outre les facteurs de risque traditionnels, les femmes présentent des facteurs de risque spécifiques liés aux modifications hormonales, aux profils inflammatoires à haut risque, et à la thrombophilie ».
L’étude WAMIF a été dessinée pour décrire les caractéristiques cliniques, biologiques et morphologiques liées à la mortalité hospitalière à 12 mois des femmes de moins de 50 ans. L’étude prospective et observationnelle a inclus toutes les femmes de cette tranche d’âge dans 30 centres en France entre mai 2017 et juin 2019.
90% de douleurs rétrosternales
L’âge moyen des 314 femmes incluses était de 44, 9 ans en moyenne.192 ont présenté un infarctus du myocarde avec élévation ST et 122 sans élévation ST. En termes de symptômes, 91,6% d’entre elles ont présenté une douleur dans la poitrine typique, 59,7% avaient des symptômes associés.
« Avec plus de 90% de douleurs rétrosternales, l’idée que l’infarctus du myocarde se présente chez la femme sous forme de symptômes atypiques est largement remise en cause, même s’il est vrai que plus de la moitié présente des symptômes associés et que l’on ne sait pas dans quel ordre ces symptômes sont survenus, a commenté la Dr Manzo-Silberman pour Medscape. Mais ce que l’on peut dire, c’est que si une femme jeune à un moment ou un autre parle d’une douleur thoracique, même si cela intervient au milieu de nombreux autres symptômes, il faut en tenir compte, jusqu’à preuve du contraire ».
Le profil de risque a fait apparaitre que 75,5% étaient des fumeuses, 35% avaient des antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires, 33% avaient présenté des complications à la grossesse et 55% avaient subi un stress émotionnel récent. Par ailleurs, l’analyse a montré que la consommation de cannabis et la contraception orale constituaient les principaux facteurs de risque chez les moins de 35 ans.
« Concernant les facteurs de risque, en s’attendait en construisant cette étude, à ce que ces femmes jeunes présentent un fort taux de maladies auto-immunes, à des problèmes inflammatoires, à une explosion de formes atypiques, on a tout recherché mais en fait, non. Les facteurs de risque traditionnels sont en revanche très largement présents, les ¾ étaient fumeuses – un facteur de risque modifiable qui peut être largement prévenu. L’autre aspect concerne les traitements contraceptifs, et c’est pourquoi j’insiste sur la nécessaire collaboration avec les gynécologues sur l’information des patientes, le contrôle de leurs facteurs de risque et l’adaptation de leur contraception. »
Pour ce qui est des résultats à l’angiographie coronaire, seule 1% présentait une image normale, 29,3% montrait une atteinte des vaisseaux et 14,6% présentaient une dissection aortique. « Là encore, nous avons été surpris car, chez ces femmes jeunes, nous nous attendions à avoir beaucoup d’infarctus sans obstruction, à voir des coronaires normales, de formes atypiques, a commenté la cardiologue. En fait, la plupart présentaient un athérome coronaire, souvent des lésions obstructives, voire même des lésions tritronculaires chez presque un tiers d’entre elles. C’est donc là encore un préjugé qui doit tomber, ce n’est pas parce qu’une femme est jeune qu’on ne trouvera rien. Il faut penser à la coronographie et aller au bout du diagnostic ».
À 1 ans, 2 décès sont survenus en lien avec des cancers, 25 patientes ont subi plusieurs angioplasties. Néanmoins, 90,4% n’ont connu aucun événement CV de quelque sorte et 72% n’ont plus ressenti de symptômes.
« Enfin, la dernière surprise a concerné le pronostic. De précédentes études, notamment les travaux de Viola Vaccarino , ont montré une surmortalité hospitalière des femmes et l’on s’attendait à ce que ce soit le cas ici mais, aucun décès hospitalier n’est survenu. Néanmoins, pas loin de 10% des femmes se sont présentés (au moins 1 fois) aux urgences dans l’année qui a suivi pour des douleurs récidivantes qui n’étaient pas ischémiques – ECG normal, troponine normal – donc il a manqué quelque chose dans leur information. »
« Il y a donc des améliorations possibles dans la prévention secondaire, dans le suivi et dans l’information de ces jeunes patientes qui ont vécu cet événement majeur qu’est l’infarctus du myocarde », a conclu l’oratrice.
L’étude a bénéficié d’un financement de la Société française de Cardiologie et de bourses d’industriels (Biosensors Europe SA, AstraZeneca, Boston Scientific Corporation, Abbott Medical Devices, Terumo Corporation, Daiichi Sankyo Inc., Hexacath France, Biotronik SE & Co. KG.)
Cet article a été écrit par Stéphanie Lavaud et initialement publié sur Medscape.
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