ESC 2022 - Bénéfices de la dapagliflozine dans l'insuffisance cardiaque en fonction de la fraction d'éjection

  • Aude Lecrubier

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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Après l’empagliflozine, c’est au tour de la dapagliflozine de montrer ses bénéfices dans l’insuffisance cardiaque (IC) à fraction d’éjection préservée. Plusieurs études présentées à l’ESC 2022 ont confirmé que ces deux ISGLT2 peuvent être efficaces quelle que soit la fraction d’éjection. 

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La dapagliglozine bénéfique en cas d'IC à fraction d'éjection légèrement réduite et préservée.

Lors de la session hotline dédiée aux ISGLT2 dans l’IC, la première présentation a été consacrée aux résultats de l'étude DELIVER[1]. Ils montrent que la dapagliflozine réduit le risque de décès cardiovasculaires ou d'aggravation de l'insuffisance cardiaque chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection légèrement réduite et préservée, un groupe de patients pour lesquels il existe peu d’options thérapeutiques.

Ces résultats et ceux de l'essai DAPA-HF[2], qui a évalué la dapagliflozine chez des patients atteints d'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection réduite (HFrEF), montrent que la dapagliflozine est bénéfique pour les patients atteints d'insuffisance cardiaque, quelle que soit leur fonction ventriculaire gauche.

L’essai DELIVER réalisé en double aveugle a été mené sur 353 sites dans 20 pays. L'essai a inclus des patients souffrant d'insuffisance cardiaque symptomatique avec une fraction d'éjection supérieure à 40%, qui étaient soit des patients chroniques en consultation externe, soit hospitalisés ou récemment hospitalisés, y compris des patients qui avaient auparavant une fraction d'éjection de 40% ou moins (c'est-à-dire une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection améliorée).

Au total, 6.263 patients ont été randomisés entre la dapagliflozine, à raison de 10 mg une fois par jour, et le placebo. L'âge moyen des participants était de 72 ans et 44% étaient des femmes.

Le critère d'évaluation principal était un critère composite associant décès cardiovasculaires ou aggravation de l'insuffisance cardiaque. Les patients ont été suivis pendant une durée médiane de 2,3 ans.

La fraction d'éjection ventriculaire gauche moyenne était de 54%, et 18% des patients avaient auparavant une fraction d'éjection ≤ 40%.

Au moment de la randomisation, 77% des patients recevaient un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IEC), un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine (ARA) ou un inhibiteur de la néprilysine des récepteurs de l'angiotensine (INNA), 83% recevaient un bêtabloquant et 43% un antagoniste des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM).

Sur une période médiane de 2,3 ans, le critère principal est survenu chez 512 des 3 131 patients (16,4%) du groupe dapagliflozine et 610 des 3 132 patients (19,5%) du groupe placebo (hazard ratio [HR] 0,82 ; intervalle de confiance à 95 % [0,73-0,92] ; p<0,001).

Une aggravation de l'insuffisance cardiaque est survenue chez 368 patients (11,8%) dans le groupe dapagliflozine et 455 patients (14,5%) dans le groupe placebo (HR 0,79 [0,69-0,91]), et un décès cardiovasculaire est survenu chez 231 (7,4%) et 261 (8,3%) patients, respectivement (HR 0,88 [0,74-1,05]).

Les critères secondaires ont également été réduits chez les patients recevant la dapagliflozine par rapport au placebo, y compris le nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de décès cardiovasculaires (rapport de taux de 0,77 [0,67-0,89]), et les symptômes évalués à l'aide du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) (différence moyenne dans le score total des symptômes du KCCQ 2,4 [1,6-3,2]).

L’auteur principal, le Pr Scott Solomon (Brigham And Women'S Hospital, Harvard Medical School, Etats-Unis) a précisé que « les résultats étaient remarquablement similaires dans tous les sous-groupes préspécifiés, avec des bénéfices semblables chez les patients dont la fraction d'éjection était égale, inférieure ou supérieure à 60%, chez ceux atteints d'insuffisance cardiaque avec une fraction d'éjection améliorée, ainsi que chez les patients récemment hospitalisés ».

Le Pr Damien Logeart (hôpital Lariboisière, Paris) a commenté : « Cette étude miroir d’EMPEROR-PRESERVED montre qu’il y a aussi un bénéfice avec la dapagliflozine chez tous les patients quelle que soit la FEVG et qu’en termes d’effets indésirables nous pouvons être très rassurés ».

Résultats confirmés par l'analyse groupée des essais DAPA-HF et DELIVER

Une méta-analyse pré-spécifiée des données poolées des essais DAPA-HF et DELIVER a également été présentée[3] et confirme, avec plus de puissance, que la dapagliflozine réduit les risques de décès et d'événements cardiovasculaires chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, quelle que soit la fraction d'éjection.

Le premier objectif de cette analyse était d'examiner le rapport bénéfice/risque de la dapagliflozine sur un certain nombre de résultats secondaires que chaque essai seul n'était pas en mesure d’évaluer.

Au total, 11.007 patients ont été randomisés entre la dapagliflozine et le placebo dans les deux essais. Une analyse de survie a été réalisée pour évaluer l'effet de la dapagliflozine sur les décès cardiovasculaires, les décès toutes causes, le nombre total d'admissions à l'hôpital pour insuffisance cardiaque et le critère composite associant décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral (événements cardiovasculaires indésirables majeurs ; MACE).

L'âge moyen des participants était de 69 ans et 35 % étaient des femmes. Le suivi médian était de 1,8 an. La dapagliflozine a réduit le risque de décès cardiovasculaires de 14% (hazard ratio [HR] 0,86 [0,76-0,97] ; p=0,01), de décès toutes causes de 10% (HR 0,90 [0,82-0,99] ; p=0,03), le nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 29% (risque relatif [RR] 0,71 [0,65-0,78] ; p<0,001) et les MACE de 11% (HR 0,90 [0,81-1,00] ; p=0,045).

L’effet de la dapagliflozine ne différait pas selon la fraction d'éjection pour les différents critères évalués.

« Nos résultats confirment que tous les patients souffrant d'insuffisance cardiaque, quelle que soit la fraction d'éjection, peuvent bénéficier de la dapagliflozine en plus de tout autre traitement de l'insuffisance cardiaque qu'ils reçoivent », a commenté l’auteur principal de l’étude le Pr Pardeep Jhund (Université de Glasgow, Royaume-Uni).

Une méta-analyse des essais DELIVER et EMPEROR-Preserved

Individuellement, les essais DELIVER et EMPEROR PRESERVED n’avaient pas assez de puissance pour démontrer une efficacité sur la mortalité cardiovasculaire des gliflozines dans l’insuffisance cardiaque à FEVG ≥ 40%.

Une méta-analyse des données des essais DELIVER et EMPEROR Preserved portant sur plus de 12 000 patients a donc été menée. Les résultats ont été présentés à l’ESC 2022 par l'auteur principal de l'étude, le Dr Muthiah Vaduganathan (Brigham and Women's Hospital, Harvard Medical School, États-Unis)[4].

Elle montre que la dapagliflozine et l'empagliflozine réduisent de 20% les décès cardiovasculaires ou les hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection légèrement réduite et préservée (critère primaire d’évaluation).

Un certain nombre de critères secondaires ont aussi été évalués, notamment le décès cardiovasculaire, le décès toutes causes, les premières hospitalisations et les ré-hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les consultations urgentes pour insuffisance cardiaque (ne nécessitant pas d'hospitalisation), les hospitalisations toutes causes et les résultats rapportés par les patients.

12 sous-groupes : âge, sexe, race, indice de masse corporelle, pression artérielle systolique, classe de la New York Heart Association, antécédents de diabète, antécédents de fibrillation/flutter auriculaire, hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans les 12 mois, débit de filtration glomérulaire estimé, utilisation d'autres médicaments pour l'insuffisance cardiaque et fraction d'éjection ventriculaire gauche de départ ont été analysés.

L'analyse a porté sur 12.251 patients souffrant d'insuffisance cardiaque et présentant une fraction d'éjection légèrement réduite ou préservée, qui ont été suivis pendant une durée médiane de 2,2 à 2,3 ans.

L'âge moyen des participants était de 72 ans et 44% d’entre eux étaient des femmes.

Les inhibiteurs du SGLT2 ont réduit le risque de critère primaire de 20 % (hazard ratio [HR] 0,80 [0,73-0,87] ; p<0,001), avec une baisse des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR 0,74 [0,67-0,83]) et une réduction plus modeste des décès cardiovasculaires (HR 0,88 [0,77-1,00]).

En ce qui concerne les critères d'évaluation secondaires, les inhibiteurs du SGLT2 ont réduit de 27% le nombre total d'hospitalisations pour insuffisance cardiaque (initiales et récidives), de 35% le nombre de consultations urgentes pour insuffisance cardiaque et de 7% le nombre d'hospitalisations toutes causes.

Une efficacité a aussi été observée sur plusieurs critères de qualité de vie liée à la santé, évaluée par le questionnaire de Kansas City sur la cardiomyopathie.

Il n'y avait pas d'effet significatif sur les décès toutes causes et aucun signal de sécurité indésirable grave n'a été identifié dans les deux essais.

Les effets du traitement étaient similaires dans les 12 sous-groupes, y compris chez les patients se situant à l'extrémité supérieure du spectre de la fraction d'éjection et ceux déjà traités par d'autres médicaments contre l'insuffisance cardiaque.

 « Nous avons une classe thérapeutique efficace sans conteste et nous pouvons pensez qu’il va y avoir une évolution des recommandations en classe 1 dans l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée. Une première », a conclu le Pr Logeart avant d’ajouter : «  Nous attendons maintenant les essais post-IDM pour compléter le tableau ».

 

Cet article a été écrit par Aude Lecrubier et initialement publié sur Medscape.