ERS 2023 – Toux chronique : quelle est la bonne stratégie de prise en charge en médecine générale ?

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La toux chronique a occupé le devant de la scène lors de la session du congrès de l'European Respiratory Society (ERS) intitulée " Conditions we are just dealing with the tip of the iceberg in primary care" (Nous ne traitons que le sommet de l'iceberg en soins primaires).

"Lorsqu'il s'agit de toux chronique, les médecins généralistes se sentent souvent démunis", a déclaré à Medscape Miguel Román Rodríguez, médecin généraliste et professeur agrégé de médecine familiale à l'école de médecine de l'université des îles Baléares, à Palma, Majorque, Espagne, et l'un des présidents de la session. "Les médecins généralistes jouent un rôle central dans le diagnostic de maladies telles que la toux chronique. Nous apportons quelque chose que les spécialistes n'apportent pas : la connaissance du contexte, de la famille, de l'histoire du patient", a évoqué le deuxième président de la session, Hilary Pinnock, médecin de famille et professeur de médecine respiratoire de premier recours à l'université d'Édimbourg, en Écosse.

Comprendre les multiples facettes de la toux chronique

Imran Satia, professeur assistant à l'Université McMaster, Hamilton, Ontario, Canada, a guidé les participants de cette session à travers une exploration complète de la toux chronique. Il est tout d'abord revenu sur la définition de cette affection, en soulignant qu'elle se définit par sa durée, la toux chronique durant généralement plus de huit semaines. I. Satia a souligné les associations courantes de la toux chronique avec notamment l'asthme, les maladies nasales et les maladies de reflux. S'intéressant à l'épidémiologie, il a cité une méta-analyse indiquant une prévalence globale d'environ 10% dans la population adulte, avec une variabilité régionale significative : de 18,1% en Australie à 2,3% en Afrique. L'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement (Canadian Longitudinal Study on Aging, CLSA) a notamment révélé une prévalence globale de 16% à l’inclusion "Le facteur de risque le plus courant était le tabagisme, mais même chez les non-fumeurs, la prévalence atteignait 10%", a ajouté I Satia, soulignant qu'elle augmentait avec l'âge et changeait en fonction du lieu. "Les comorbidités associées les plus courantes étaient l'insuffisance cardiaque et l'hypertension, mais aussi des affections liées à la douleur chronique, à l'humeur et à l'anxiété", a-t-il expliqué. La santé mentale a été identifiée comme un facteur crucial de la toux chronique, la détresse psychologique et les symptômes dépressifs apparaissant comme des facteurs de risque de développer une toux chronique au cours des trois prochaines années, contribuant à une augmentation de 20% du risque.

Stratégies de prise en charge efficaces

I Satia a proposé d'utiliser des algorithmes pour faciliter la prise en charge des patients souffrant de toux chronique dans le cadre des soins primaires. Il a présenté un algorithme canadien qui offre des recommandations spécifiques pour les soins primaires et secondaires.

L'évaluation en soins primaires de l'algorithme, étape 1, comprend une évaluation complète des antécédents de toux (durée, gravité, facteurs déclenchants, nature, localisation), des symptômes cardiorespiratoires, gastro-intestinaux et nasaux, ainsi que de l'utilisation d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion et de l’exposition tabagique. L'accent a été mis sur les tests diagnostiques essentiels, tels que la radiographie pulmonaire (pour vérifier la présence d'une maladie structurelle), la numération globulaire complète et la spirométrie (avec ou sans réversibilité du bronchodilatateur). Les critères d'orientation urgente comprennent des symptômes tels que l'hémoptysie, la perte de poids, la fièvre ou des résultats anormaux à la radiographie thoracique. "Lorsqu'ils vérifient les antécédents de toux, les médecins généralistes devraient toujours prendre en compte des facteurs tels que la présence d'une toux sèche ou productive, la santé mentale, la présence de douleurs chroniques, les accidents vasculaires cérébraux et la déglutition", a déclaré I Satia, soulignant l'importance de documenter l'impact de la toux chronique sur la qualité de vie, la vie professionnelle, la vie sociale et la vie de famille. "C'est une question que les médecins ne posent pas toujours. Ils peuvent penser qu'il ne s'agit pas de problèmes majeurs, mais reconnaître leur importance peut aider le patient", a-t-il ajouté.

L'étape 2 de l'algorithme se concentre sur les options de traitement adaptées à des diagnostics spécifiques, tels que l'asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive. I. Satia a appelé à la prudence, soulignant que le traitement ne doit être mis en place qu'en présence de preuves de ces pathologies. En outre, il a encouragé la prise en compte précoce du syndrome d'hypersensibilité à la toux lorsque les patients présentent une toux en réponse à de faibles niveaux de stimulation mécanique.

Traitements actuels et perspectives d'avenir

I. Satia a présenté une vue d'ensemble des traitements existants de la toux chronique, en soulignant leurs avantages et inconvénients respectifs. Par exemple, la thérapie par la parole est une approche dirigée par le patient, sans effets secondaires, mais qui pose des problèmes d'accès, de coûts et de motivation du patient. D'autre part, la morphine à faible dose offre un soulagement rapide mais est associée à des problèmes tels que les nausées, la stigmatisation et la constipation. En ce qui concerne les perspectives de nouveaux traitements, I. Satia a présenté les résultats de COUGH-1 et COUGH-2, des essais pivots de phase 3 évaluant le géfapixant, un antagoniste des récepteurs P2X3 à action périphérique administré par voie orale. Ce médicament, actuellement approuvé en Suisse et au Japon, a démontré une réduction significative de la fréquence de la toux par rapport au placebo, avec des effets rapides et durables. "La réduction supplémentaire par rapport au placebo pour 45mg était de 18,45% dans COUGH-1 (12 semaines) et de 14,64% dans COUGH-2 (24 semaines). Il est à noter que la réduction de la toux est très rapide et soutenue avec le géfapixant. Cependant dans le groupe placebo, une réduction de 40% est observée au fil du temps", a commenté le I. Satia. 

Les experts ont unanimement souligné l'importance, pour les spécialistes et les médecins généralistes, d'une communication efficace dans la prise en charge de la toux chronique, impliquant à la fois les patients et leurs familles.

 

I. Satia a fait état d'un financement de Merck MSD, AstraZeneca et GSK ; d'honoraires de consultant de Merck MSD, Genentech et Respiplus ; et d'honoraires de conférencier d'AstraZeneca, GSK et Merck MSD.

Cet article a été traduit/adapté à partir de l'article rédigé par Cristina Ferrario et initialement publié par Medscape.com.