Entretiens de Nutrition 2023 - Microbiote intestinal, allaitement et accouchement
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
Le microbiote intestinal se développe dès la naissance, sous l’influence de nombreux paramètres (microbiote maternel, âge gestationnel, allaitement, traitement, environnement...) parmi lesquels les modes d’accouchement et d’allaitement sont déterminants pour la santé ultérieure, et notamment sur le neurodéveloppement : en effet, les interactions entre bactéries intestinales et cerveau sont multiples, via certains composants ou métabolites des bactéries, qui induisent ensuite une signalisation au niveau du système nerveux entérique et du nerf vague, via le système immunitaire (cytokines pro et anti-inflammatoires), les cellules entéro-endocrine (neuropeptides) ou la voie sanguine (pour les métabolites bactériens).
Les données chez la souris le montrent : la perturbation périnatale du microbiote intestinal conduit à une modification du comportement socio-émotionnel (stress et sociabilité). La réactivité de l’axe corticotrope à un stress aigu est par ailleurs exacerbée en l’absence de microbiote intestinal (souris axéniques). Une fenêtre d’opportunité existerait au cours de laquelle les souris doivent être colonisées par le microbiote pour développer une réaction normale de cette réponse au stress.
« Ainsi, l’absence de microbiote à la naissance peut affecter le développement cérébral. Et créer une dysbiose pendant le jeune âge des souriceaux - par antibiothérapie par exemple- peut conduire à perturber certains fonctionnements cérébraux » a expliqué le Pr Marie-José Butel (Inserm, Paris) au cours des 24e Entretiens de Nutrition (1er juin 2023, Lille).
Mode d’accouchement et motifs de césarienne
Chez l’Homme, les études sont peu nombreuses. On peut cependant rapporter que le stress vécu par les mères lors de la grossesse est associé dans une étude sud-africaine à des différences de composition du microbiote intestinal chez les enfants. Par ailleurs, l’exposition périnatale aux antibiotiques est associée à un risque modeste de troubles de l’hyperactivité.
Concernant le mode d’accouchement, il est décrit que la dynamique et la qualité de l’implantation du microbiote intestinale sont différentes entre les nouveau-nés après césarienne ou nés par voie basse. « Chez les premiers, la colonisation est plus lente et conduirait à une diversité plus faible, et une fréquence plus faible de la colonisation par E. coli, Bifidobacterium et Bacteroides, alors que les enfants nés par voie basse et allaités ont un microbiote où Bifidobacterium est prédominant », favorisé par la richesse en oligosaccharides du lait maternel.
Si ces différences s’atténuent avec le temps, elles semblent toutefois associées à des risques ultérieurs chez l’enfant : en effet, épidémiologiquement, il existerait un risque accru d’allergies chez les enfants nés par césarienne, l’un des rôles du microbiote étant de favoriser la maturation immunitaire. Le risque de surpoids ou d’obésité ultérieurs seraient également supérieurs pour ces enfants, versus ceux nés par voie basse. La cohorte TEDDY qui a étudié les biomarqueurs précoces du diabète chez plus de 900 enfants suivis entre 3 et 46 mois dans 4 pays différents a d’ailleurs montré que les trois facteurs les plus influents sur la composition du microbiote de ces enfants étaient l’allaitement, le mode d’accouchement et le pays.
« Les données disponibles vont globalement toutes dans le même sens, mais elles sont souvent limitées par l’absence de distinction entre les césariennes programmées et non programmées : or, les césariennes en urgence sont souvent envisagées après une rupture des membranes, ce qui sous-entend qu’il y a déjà eu contact avec les bactéries du tractus génital de la mère, au contraire de la césarienne programmée », a insisté la chercheuse. Cela peut conduire à une hétérogénéité des cas inclus dans les études et donc à une limite dans l’interprétation des données. Par ailleurs, « on sait aussi qu’une césarienne programmée peut perturber la composition du microbiote du lait maternel » a-t-elle renchéri. « L’évaluation du bénéfice de l’allaitement sur la prévention des maladies métaboliques est difficile à conduire, mais les données décrivent une relation entre la durée de l’allaitement et la diminution du risque de l’obésité », reposant probablement sur les caractéristiques nutritionnelles du lait maternel et son rôle sur le microbiote.
Des données solides de causalité manquent encore. Dans tous les cas « en termes de prévention, la première étape serait de limiter les césariennes aux seuls cas le nécessitant, et de promouvoir l’allaitement, a conclu Marie-José Butel. Des études seraient utiles pour évaluer si l’apport de pré- ou de probiotiques, ou encore un ensemencement pourraient apporter un bénéfice au devenir des enfants nés par césarienne » .
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