Entretiens de Nutrition 2022 – Rôle du microbiote dans les maladies du ‘foie gras’
- Caroline Guignot
- Actualités Congrès
La littérature rapporte de très nombreuses études dédiées aux corrélations entre dysbiose intestinale et maladies hépatiques chez l’Homme, mais la question de la causalité et du sens de cette causalité reste posée. Les données précliniques, obtenues par transfert de microbiote chez la souris sont celles qui, pour l’heure, offrent le meilleur niveau de preuve. Ce sont ces données qu’a présentées Philippe Gérard (INRAE, Jouy-en-Josas) lors des Entretiens de Nutrition qui se sont tenus à l’Institut Pasteur de Lille le 2 et 3 juin 2022.
Dysbiose : cause ou conséquence ?
Lorsqu’un régime hyperlipidique est donné de façon chronique à des souris, des réponses métaboliques disparates sont observées, certaines développant une NAFLD, d’autres non. Afin d’étudier le rôle du microbiote dans cette susceptibilité, les chercheurs ont sélectionné le groupe de souris qui n’avaient aucun signe biologique d’atteinte hépatique, et d’autres qui avaient développé une NAFLD. Leur microbiote respectif a été transféré à des souris axéniques (stériles), nourries à leur tour par un régime hyperlipidique. Celles qui ont reçu le microbiote des souris à NAFLD ont elles aussi développé une atteinte hépatique, alors que celles qui ont été transplantées avec le second microbiote ont résisté à la stéatose. À titre de comparaison, une expérience comparable a été conduite à partir du microbiote de patients avec ou sans hépatite liée à leur consommation excessive d’alcool ; les souris qui avaient reçu le microbiote des sujets atteints avaient elles aussi développé une inflammation hépatique lorsqu’une fraction d’alcool était ajoutée à leur alimentation quotidienne. Le microbiote de patients présentant une stéatose a aussi été décrit comme augmentant le taux de TG hépatique chez la souris.
Ce type d’expérimentation conforte l’idée du rôle déterminant joué par le microbiote dans l’évolution des maladies hépatiques. Et l’analyse du microbiote intestinal pourrait aider à stratifier les patients et identifier ceux à haut risque de pathologies hépatiques. In fine, cibler le microbiote intestinal pourrait constituer de nouvelles stratégies de prévention ou de traitement des pathologies hépatiques.
Vers des applications thérapeutiques ?
Pour autant, il est indispensable au préalable d’identifier les mécanismes via lesquels la dysbiose favorise l’initiation et la progression de la NAFLD. Les données disponibles suggèrent le rôle déterminant de certains métabolites : c’est notamment le cas du LPS (lipopolysaccharide) de certaines bactéries Gram-, particulièrement proinflammatoire, d’acides gras à chaîne courte comme l’acétate, qui sont produits par certaines bactéries et qui augmentent la lipogénèse hépatique, ou encore le déficit en choline, habituellement nécessaire au transport hépatique de lipides et qui peut être consommée en excès par certaines bactéries.
Pour autant, il est important de ne pas perdre de vue que le microbiote n’est pas toujours déterminant, ni le seul paramètre à considérer dans le risque associé au NAFLD. Ainsi, la génétique ne doit pas être omise dans le risque de stéatose : après avoir sélectionné deux souches de souris différentes avec des marqueurs génétiques distincts, l’une faisant une stéatose, l’autre non, des chercheurs ont prélevé leur microbiote respectif puis les ont intervertis après avoir rendu ces souris axéniques par antibiotiques. Il s’est avéré que malgré les différences existant entre les deux microbiotes, aucune évolution de la situation hépatique n’a été observée.
Il faudra donc aussi être capable de déterminer les sujets et les situations cliniques où le microbiote joue ou non un rôle. Pratiquement, les traitements pourraient reposer sur des combinaisons de bactéries ou de composés produits par des bactéries, et qui seraient personnalisés selon les spécificités propres au patient.
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