Entretenir l’équilibre du microbiote vaginal aux différents âges de la vie
- Agnès Lara
- Actualités Médicales
Le microbiote vaginal évolue tout au long de la vie en fonction de l’imprégnation hormonale. Son rôle est essentiel à différentes périodes de la vie d’une femme et notamment au moment de concevoir un enfant. Un déséquilibre peut avoir des répercussions sur les chances de grossesse, ou plus tard favoriser un syndrome génito-urinaire de la ménopause si la chute hormonale n’a pas été accompagnée. Le Dr Bohbot, andrologue à l’Institut Fournier à Paris, explique en quoi entretenir l'équilibre du microbiote vaginal est nécessaire pour préparer une grossesse ou à l’approche de la ménopause.
Le microbiote vaginal de la femme adulte s’installe à la puberté car il est dépendant de l’imprégnation des muqueuses en œstrogènes et va évoluer tout au long de la vie en fonction de cette imprégnation hormonale. Chez une femme en âge de procréer, il est composé en majeure partie de lactobacilles. Ces bactéries ont de multiples propriétés, notamment celle de maintenir l’acidité vaginale, de façon à limiter la prolifération d’autres bactéries (lire aussi notre article Quand et comment évaluer la santé du microbiote vaginal de vos patientes ?).
Univadis : Dr Bohbot, en quoi l’état du microbiote vaginal peut-il influer sur les chances de de grossesse ?
Jean-Marc Bohbot : Un déséquilibre du microbiote vaginal peut impacter la fertilité des femmes, notamment en raison de l’existence d’un continuum avec celui de l’endomètre. Il existe alors un risque d’inflammation de l’endomètre, qui ne réunit plus les conditions optimales à l’implantation de l’œuf. Une façon pratique de vérifier l’équilibre du microbiote vaginal au cabinet est d’en mesurer l’acidité au papier pH. Le pH normal est compris entre 3,5 et 4,5. Au-delà de 4,5, une dysbiose est probable. Il doit être vérifié chez toutes les femmes en désir d’enfant, même en cas de procréation naturelle et en particulier lorsqu’il existe des antécédents de cystite ou de vaginose récidivantes, ou lorsque la grossesse se fait attendre. Pour le généraliste qui accompagne ces jeunes femmes, il est très important de préparer et maintenir le microbiote vaginal durant la période de préconceptionnelle et de prescrire des probiotiques dès qu’un déséquilibre est suspecté, afin d’augmenter les chances de grossesse.
Cela est encore plus essentiel pour les femmes en parcours de procréation médicalement assistée. Il a en effet été montré que celles qui rencontraient des échecs successifs d’implantation après une fécondation in vitro (FIV), avaient plus souvent que les autres une dysbiose vaginale. Et par ailleurs, les traitements visant à stimuler l’ovulation peuvent en eux-mêmes contribuer à déséquilibrer le microbiote vaginal et utérin. C’est pourquoi les fivistes commencent maintenant à vérifier de façon plus systématique le microbiote de ces femmes et prescrivent des cures de probiotiques prolongées lorsque cela est nécessaire. Ces traitements ne sont certes pas remboursés, mais le coût psychologique et sur la santé de tentatives de FIV et d’échecs répétés n’est pas non plus négligeable.
Univadis : Le microbiote peut être mis à mal à d’autres moments de la vie d’une femme et notamment à l’approche de la ménopause. Quelles en sont les conséquences et que peut-on proposer à ces femmes ?
J-M. B. : La ménopause s’accompagne d’une chute brutale de l’imprégnation de la muqueuse vaginale en œstrogènes qui peut avoir des répercussions importantes sur le microbiote si aucun traitement substitutif n’est mis en place. Certaines femmes le vivent assez bien, alors que chez d’autres survient un syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM) pouvant s’accompagner de sécheresse vaginale, d’inconfort lors des rapports sexuels, ou encore d’infections à répétition (cystites en particulier). La bonne nouvelle est que ça n’est pas une fatalité et le médecin généraliste peut très bien accompagner cette entrée en préménopause dès l’apparition des premiers troubles des règles en proposant des cures de probiotiques. Les risques de SGUM sont en effet réduits lorsque ces femmes arrivent à la ménopause avec un réservoir de lactobacilles vaginal suffisant et le confort de de leur entrée en ménopause s’en trouve amélioré. Ces traitements sont par ailleurs très bien tolérés. En pratique, je préconise des cures de probiotiques d’une semaine par mois jusqu’à la ménopause, voire au-delà, ou de 3 mois à renouveler 2 fois dans l’année selon le ressenti des femmes et de leur histoire. Les traitements au long cours sont privilégiés en cas d’antécédents d’infections récidivantes.
Univadis : Est-il encore possible d’agir lorsque la ménopause est déjà installée ?
J-M. B. : Donner des probiotiques à une femme ménopausée ne fonctionnera pas en l’absence d’œstrogènes. Les lactobacilles ont besoin de glycogène pour se développer et celui-ci n’est présent sur la muqueuse vaginale qu’en présence d’une imprégnation hormonale suffisante. Il est possible d’introduire des œstrogènes par voie locale (gel ou ovules) dès que la ménopause est avérée. La prise d’un traitement hormonal substitutif (THS) per os n’exerce pas la même action directe sur le vagin, mais il est possible d’associer ce traitement à un traitement local qui peut s’envisager sur la durée. Les femmes en sont généralement très satisfaites, car il est très bien toléré et leur permet à la fois de conserver une sexualité plus épanouie et de se prémunir d’infections fréquentes comme les cystites. Il a aussi une action tonique sur le pelvis qui a tendance à se relâcher après la ménopause. Rappelons que ce relâchement favorise les fuites urinaires et les vidanges incomplètes de la vessie, les résidus post-mictionnels étant par eux-mêmes source d’infection. Ce traitement local peut s’accompagner de probiotiques qui vont également permettre de rééquilibrer le microbiote localement et de limiter les infections et l’inconfort vaginal. Les traitements locaux à base d’œstrogènes doivent cependant être utilisés avec précaution si la ménopause est déjà installée depuis quelques années (risque de brûlures vaginales, de métrorragies, de tensions mammaires…). Dans ce cas, il est préférable de préparer d’abord le vagin grâce à un gel à base d’acide hyaluronique durant au moins 3 ou 4 semaines de façon à bien réhydrater la muqueuse, la rendre plus épaisse et plus souple, et n’apporter les œstrogènes que dans un second temps, en association avec les probiotiques. La tolérance aux œstrogènes en sera améliorée et les probiotiques pourront plus facilement s’implanter.
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