Encéphale 2022 - TDAH chez la femme adulte : attention aux erreurs diagnostiques !

  • Vincent Richeux

  • Nathalie Barrès
  • Actualités des congrès par Medscape
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Alors que le trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) concerne, à l’âge adulte, autant les hommes que les femmes, ces dernières sont sous-diagnostiquées ou diagnostiquées plus tardivement, ce qui retarde leur prise en charge. Conséquence: comparativement aux hommes, les femmes atteintes de TDAH ont davantage de pratiques à risque et sont plus fréquemment hospitalisées en psychiatrie, a indiqué la Dr Marie Gachet (CHU de Montpellier), lors du congrès de l'Encéphale 2022 [1].

« Il y a une trentaine d’années, les femmes TDAH ont été qualifiées de minorité silencieuse. C’est malheureusement encore le cas aujourd’hui », a commenté la psychiatre pendant sa présentation. En plus du diagnostic tardif, elle a pointé les répercussions d’un profil clinique distinct, caractérisé par « des troubles plus souvent internalisés » chez les femmes TDAH, avec des troubles anxieux fréquents qui mènent à des erreurs de diagnostic.

Le TDAH est un trouble caractérisé par une difficulté persistante à moduler son attention, qui se traduit par des erreurs d’inattention, une difficulté à maintenir l’attention de manière soutenue ou des oublis récurrents, associés ou non à une hyperactivité. Ce trouble se rencontre plus fréquemment chez les enfants (prévalence de 5 à 9%), en majorité chez les jeunes garçons, mais persiste aussi à l’âge adulte (4%), autant chez les hommes que chez les femmes.

 

La Ritaline® désormais indiquée chez l’adulte

Auparavant limitée au traitement du TDAH chez l’enfant dès six ans, la Ritaline® (méthylphénidate) à libération prolongée peut désormais être prescrite aux adultes, après une extension de son autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2021. Le médicament devrait être bientôt remboursé.

Le méthylphénidate est un psychostimulant dont les propriétés sont similaires à celle des amphétamines. Le médicament est recommandé en deuxième intention dans le traitement du TDAH « lorsque les mesures correctives psychologiques, éducatives, sociales et familiales seules s’avèrent insuffisantes », précise la Haute autorité de santé (HAS).

 « Il ne faut pas hésiter à le prescrire. Chez l’adulte, comme chez l’enfant, le médicament donne de bons résultats », a souligné la Dr Gachet. La prescription implique au préalable un bilan pré-thérapeutique incluant un bilan cardiovasculaire. Le traitement débute à faible dose, puis est augmenté progressivement. La prescription doit être limitée dans le temps.

 

Forme inattentive prédominante

On distingue trois types de TDAH : inattentif, hyperactif-impulsif et mixte. « Chez les femmes adultes, comme chez les jeunes filles, la forme inattentive est prédominante. Lorsqu’elles présentent des symptômes de hyperactivité-impulsivité, ils sont moins sévères. Elles ont aussi de meilleures stratégies adaptatives et moins de troubles externalisés, comparativement aux hommes », a souligné la Dr Gachet.

Peu d’études se sont penchées sur l’impact de ces différences entre garçons et filles sur la scolarité et la vie professionnelle à l’âge adulte. Néanmoins « les symptômes attentionnels comme la distractibilité, les difficultés d’organisation et le manque de motivation sont des facteurs de moins bonne réussite scolaire, par rapport aux symptômes d’hyperactivité-impulsivité », plus souvent rencontrés chez les garçons.

Lors d’une précédente présentation, la Pre Stéphanie Bioulac (CHU Grenoble-Alpes) a apporté des précisions sur le profil clinique du TDAH chez les jeunes filles. Point fondamental : « elles ne présentent pas de troubles du comportement », ce qui amène à passer aisément à côté du diagnostic. « Elles peuvent avoir une hyperactivité ou une hyperimpulsivité, mais ces symptômes sont moins bruyants », que chez les garçons TDAH, « plus bagarreurs ».

Chez les filles, les troubles sont davantage internalisés, « avec une labilité émotionnelle, une thymie basse et une anxiété », des comorbidités proches de celles décrites dans le trouble du spectre de l’autisme (TSA), souligne la psychiatre. Symptômes fréquents, la distractibilité, la difficulté à maintenir son attention, les difficultés à s’organiser, la perte de motivation sont « persistants au court du temps ».

 

Mortalité par accident plus élevée

Pour la Dr Gachet, ces particularités observées chez les femmes TDAH expliqueraient pourquoi elles sont sous-diagnostiquées ou diagnostiquées plus tardivement. En outre, une « dysrégulation émotionnelle plus souvent marquée » associée à « plus d’irritabilité et une faible tolérance à la frustration » conduisent facilement vers un trouble de la personnalité, un trouble anxieux ou un trouble de l’humeur, avant un TDAH.

Ces difficultés à diagnostiquer un TDAH chez les femmes ont un impact non négligeable sur leur santé. Si les études montrent que les femmes atteintes de TDAH sont moins nombreuses à présenter des comorbidités psychiatriques que les hommes (34% contre 50%), le risque d’être hospitalisée en psychiatrie est 2,4 fois plus élevé, en raison notamment de troubles de l’humeur plus fréquents, a précisé la spécialiste.

Autre particularité également associée à un retard de prise en charge : les femmes TDAH ont plus fréquemment des consommations problématiques d’alcool et de cannabis. L’appétence pour les pratiques à risque est également associée à une mortalité par accident plus élevée. « L’une des raisons évoquées est que les femmes TDAH sont traitées plus tardivement que les hommes ».

Le TDAH a aussi un impact sur la vie sociale. « Les jeunes filles atteintes de TDAH ont des réactions inadaptées lors de la résolution de conflits. Elles sont aussi souvent victimes de harcèlement et ont moins de satisfaction dans les relations amoureuses, ce qui a un impact sur la confiance en soi », a ajouté la Pre Bioulac.

Autant de complications qui doivent amener à être plus vigilant pour éviter de passer à côté du diagnostic de TDAH dans la population féminine, ont conclu les intervenantes.

Cet article a été écrit par Vincent Richeux et initialement publié sur Medscape.