Encéphale 2022 - Maladie des cauchemars : quels traitements ?
- Aude Lecrubier
- Nathalie Barrès
- Actualités Congrès
Le cauchemar se définit comme un rêve désagréable, qui peut réveiller le dormeur, dont il se souvient au réveil et qui implique généralement des menaces vitales sur la sécurité ou l’intégrité physique.
Il s’agit d’un phénomène courant, qui touche toutes les cultures, tous les âges. Mais quand les cauchemars se répètent, qu’ils ont un retentissement sur le sommeil, la qualité de vie, l’humeur et la santé mentale, cette parasomnie devient une maladie, « la maladie des cauchemars ».
Lors d’une session du congrès de l’Encéphale 2022 , le Dr Julia Maruani, psychiatre et médecin du sommeil (hôpital Bichat, Paris) a fait le point sur cette pathologie et sur les thérapies qui permettent de casser le cercle infernal[1].
Ce trouble, qui touche principalement le sommeil paradoxal et donc plutôt la deuxième partie de nuit, est très fréquent. Il concerne 2 à 8% des adultes en population générale et plus les femmes que les hommes. La maladie du cauchemar peut être idiopathique ou associée à d’autres pathologies comme les troubles psychiatriques (38,1%). Elle touche 70% des patients atteints de troubles post traumatiques, 16,5% des patients atteints de dépression unipolaire et 9 à 55 % des patients souffrant de troubles psychotiques…
La maladie du cauchemar peut être associée à d’autres parasomnies (SOAS) mais aussi à l’abus de substance ou au sevrage de drogues ainsi qu’à l’usage de certains médicaments comme les bêtabloquants, les antagonistes dopaminergiques, certains somnifères ou les antirétroviraux.
D’où viennent les cauchemars ?
Deux mécanismes contribueraient à l’émergence des cauchemars, une altération de l’extinction de la peur et un hyperéveil. Ces deux mécanismes étant eux-mêmes favorisés par des facteurs physiologiques, cognitifs, les antécédents de traumatismes, et l’hypersensibilité aux événements de la vie.
La sévérité du trouble peut être variable. A moins d’un épisode par semaine, le trouble est qualifié de léger par le DSM5, il est modéré s’il y a au moins un cauchemar par semaine et sévère au-delà. La maladie des cauchemars est aigüe si les épisodes sont présents depuis moins d’un mois, subaiguë s’ils sont présents entre un et six mois et persistante s’ils sont présents depuis plus de 6 mois.
Traiter !
« Il est très important de diagnostiquer et de traiter la maladie des cauchemars car les complications sont sévères. Il s’agit notamment d’un facteur de risque indépendant d’idées suicidaires et de tentatives de suicide, de dépression, et d’usage de substances », souligne l’oratrice.
Les traitements psychothérapeutiques sont les traitements de référence des cauchemars parmi lesquels la répétition d’imageries mentales positives (RIM) est le traitement qui a montré un haut niveau de preuves.
La RIM ou répétition d’imageries mentales positives
La RIM est le traitement de référence des cauchemars idiopathiques et liés aux troubles du stress post traumatique. Elle permet de diminuer la fréquence et la détresse associées aux cauchemars sur le long terme sans effets indésirables rapportés[2,3,4].
Cette thérapie est dérivée des thérapies cognitivo-comportementales. Les mécanismes employés sont la restructuration cognitive et comportementale. Elle considère que les cauchemars sont des comportements appris. Par leur répétition, ils deviennent automatiques, involontaires, comme un disque rayé mais ils peuvent être modifiés. Cette thérapie s’appuie sur la théorie de la continuité qui signifie que le contenu des rêves est influencé par le contenu de la journée et que le cerveau est capable d’insérer de nouveaux éléments appris en journée et notamment des scénarios, des scènes positives qui vont remplacer les cauchemars. En pratique, il est demandé aux patients de choisir un cauchemar, de réécrire un scénario positif, agréable et de s’entrainer à visualiser ce scénario positif. Il lui est demandé d’inclure tous les sens : des odeurs, des sensations… Le patient doit s’entraîner tous les jours pendant 10 à 20 minutes pour que son cauchemar puisse être remplacé par son nouveau scénario. Cette thérapie se déroule en 4 sessions qui peuvent être réalisées en individuel ou en groupe.
Session 1 , J0 (1h30) : introduction de la thérapie, éducation thérapeutique sur le sommeil, puis sur la physiologie et la fonction des cauchemars.
Consignes pour séance 2 : journal des rêves
Session 2 , J7 (1h30) : restructuration cognitive (interrogation sur le rôle des cauchemars, les croyances…), introduction à l’imagerie mentale positive et la théorie de la continuité.
Consignes pour session 3 : pratique quotidienne de visualisation positive, journal des rêves
Session 3, J14 (1h30) : application de l’imagerie mentale dans le traitement des cauchemars. RIM sur un cauchemar choisi par le patient (choisir une façon de la modifier en le rendant acceptable ou plus agréable, écrire la nouvelle version, ne pas réécrire le cauchemar). Pas de partage oral.
Consignes pour session 4 : pratique de la répétition du nouveau rêve tous les jours pendant 5 à 20 minutes. Journal des rêves.
Session 4, J28 (1h30) retour d’expérience (comment ont évolué la fréquence et l’intensité des rêve). Discussion de groupe sur les freins qui ont pu être rencontrés lors de la pratique.
Conseils pour le maintien de l’efficacité et s’il existe des difficultés à pratiquer la RIM ou l’imagerie positive (IP).
« La RIM a été beaucoup utilisée dans les cauchemars associés au SSPT mais il serait intéressant d’évaluer son efficacité lorsque les cauchemars sont associés aux troubles de l’humeur. Nous allons mener de futures études sur ces dimensions dans notre service », a indiqué l’intervenante.
Outre la RIM, d’autres traitements psychothérapeutiques ont un niveau de preuves faible à modéré : la thérapie d’exposition classique, la thérapie de désensibilisation systématique, d’exposition, relaxation, réécriture (ERRT) et la thérapie par les rêves lucides.
Une étude publiée en 2021[5] a montré que les trois thérapies RIM, thérapie d’exposition (TE) et par imagerie positive (IP) marchent très bien à 4 semaines avec une taille d’effet supérieur de la RIM et de l’IP par rapport à la thérapie d’exposition mais sans différence significative. A 8 semaines, les trois traitements restent très efficaces avec une taille d’effet supérieur pour la RIM et la TE.
« Si l’on n’a pas accès à la RIM, on peut tout à fait faire de la thérapie d’exposition classique », a souligné le Dr Maruani. En revanche, « l’hypnose et la thérapie psychodynamique n’ont pas encore montré un niveau de preuves suffisant et l’EMDR n’est pas le traitement des cauchemars », a insisté l’oratrice.
La thérapie d’exposition systématique
Lors de la thérapie d’exposition, il est demandé au patient de se souvenir de son cauchemar, de s’exposer, ce qui va générer une anxiété, un stress et par un phénomène d’habituation, il va y avoir une extinction de la peur et de l’anxiété. La thérapie d’exposition-relaxation est similaire mais au moment où l’anxiété apparait, une technique de relaxation est mise en place pour diminuer le stress.
« Ces thérapies ont une efficacité équivalente à la RIM après 3 à 6 mois de suivi[6]. Le seul souci par rapport à la RIM est qu’il peut y avoir des problèmes de tolérance, de la détresse lors des séances », a précisé le Dr Maruani.
La thérapie par rêves lucides consiste à modifier le cauchemar lorsque le patient est en train de le vivre, au cours du sommeil. Peu d’études ont évalué cette thérapie mais une étude pilote a montré une diminution de la fréquence des cauchemars[7].
Peut-on s’aider des médicaments ?
L’approche médicamenteuse de la maladie des cauchemars reste controversée[8]. Le seul traitement qui a montré une efficacité est la prazosine qui est un antagoniste des récepteurs alpha adrénergiques centraux dont l’efficacité a été prouvée dans le cauchemar associé au PTSD. Les doses moyennes utilisées sont de 3,1 à 20 mg par jour pour une durée de 3 à 26 semaines. Les autres traitements (trazodone, clinidine, rispéridone, gabapentine, benzodiazépines) n’ont pas montré des niveaux de preuves suffisant.
Pour conclure, le Dr Maruani a insisté sur la nécessité de ne pas traiter uniquement la maladie des cauchemars, mais aussi les causes/comorbidités lorsqu’elles sont présentes (narcolepsie, trouble de l’humeur, syndrome d’apnée du sommeil…).
« Parfois, par exemple, le traitement d’un syndrome d’apnée du sommeil peut faire disparaitre une maladie des cauchemars », a-t-elle précisé.
Cet article a été écrit par Aude Lecrubier et initialement publié sur Medscape.
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