EAN 2023 – Complications neurologiques des immunothérapies anticancéreuses : que faire ?

  • Moheb Costandi
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Les immunothérapies anticancéreuses peuvent provoquer une grande variété d’effets indésirables neurologiques liés au système immunitaire, qui parfois sont difficiles à différencier des complications liées à la tumeur elle-même. 

Des cliniciens ont échangé sur la manière de diagnostiquer et de prendre en charge ces complications neurologiques lors du 9e congrès de l’Académie européenne de neurologie (European Academy of Neurology), à Budapest.

Les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (IPCI) et les traitements par cellules CAR-T (Chimeric Antigen Receptor T cells) constituent de nouvelles thérapeutiques prometteuses dans la prise en charge du cancer. Ces deux classes sont cependant associées à un spectre similaire de complications au niveau du système nerveux central (SNC) et périphérique (SNP).  

Les effets indésirables neurologiques des IPCI sont relativement rares. Ils surviennent à une fréquence comprise entre 3,8% et 12%, selon le type d’anticorps administré. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés comprennent les céphalées, les encéphalopathies et les méningites. Tous traitements confondus, l’incidence des effets indésirables sévères est inférieure à 1%. Les complications neuromusculaires telles que la myosite, les neuropathies périphériques et les syndromes myasthéniques sont trois fois plus fréquentes que les troubles du SNC. Bien que rares, certaines de ces complications ont été associées à des taux de mortalité élevés.  

Les thérapies par cellules CAR-T, qui sont utilisées pour traiter les tumeurs malignes hématologiques, seraient associées à une neurotoxicité chez plus de 40% des patients. Les symptômes sont très hétérogènes et comprennent des dysfonctionnements cognitifs, tels que l’aphasie, l’agraphie, l’apraxie, la dyscalculie et les troubles de la mémoire (qui sont constants et parfois graves), et des symptômes moteurs parkinsoniens, tels que les tremblements, la dyskinésie et les myoclonies (qui surviennent fréquemment mais sont généralement bénignes). Les troubles de la conscience, les convulsions et les céphalées sont plus rares. La plupart des événements indésirables surviennent environ sept jours après la perfusion et durent pendant une médiane de six jours. 

« La neurotoxicité [chez les patients traités par cellules CAR-T anti-CD19] est fréquente, mais l’issue est généralement favorable », a déclaré Antoine Carpentier de l’Hôpital Saint-Louis à Paris. « Lorsque l’état des patients commence à s’améliorer, cette amélioration intervient très rapidement, et il n’y a aucun signe de neurotoxicité à long terme chez les patients traités par ces lymphocytes. Nous ne savons pas encore ce qu’il en est pour d’autres cellules ».  

Un aspect essentiel du traitement des patients atteints d’un cancer qui suivent une immunothérapie consiste à déterminer si leurs symptômes neurologiques sont dus au traitement ou à des complications directes ou indirectes de la tumeur. 

Une détection et un traitement précoces sont essentiels pour stabiliser ou faire régresser les complications neurologiques, mais cette tâche peut s’avérer difficile et nécessite un examen diagnostique approfondi et une compréhension des antécédents neurologiques du patient. 

Les symptômes du SNC sont diagnostiqués par imagerie par résonance magnétique et par analyses de sang et de liquide céphalorachidien. 

Les symptômes périphériques, eux, sont diagnostiqués par analyses de sang et du liquide céphalorachidien, par électromyographie, par des études de la conduction nerveuse et par biopsie nerveuse/musculaire. 

Si aucun de ces moyens ne permet d’expliquer clairement les symptômes du patient, il est possible de diagnostiquer des complications liées au traitement par des événements indésirables liés au système immunitaire. Il existe plusieurs recommandations sur la manière de les prendre en charge, les plus complètes étant celles publiées par la Société européenne d’oncologie médicale (European Society for Medical Oncology) en 2022.

« La première étape consiste toujours à interrompre ou à arrêter complètement l’immunothérapie », a déclaré le Dr Patrick Roth, neurologue et médecin traitant à l’Hôpital universitaire de Zurich, « mais les IPCI agissent pendant au moins plusieurs semaines, voire plusieurs mois. S’ils sont arrêtés, cela ne signifie donc pas que leurs effets sur le système immunitaire cessent immédiatement ; et lorsqu’il s’agit de traitements par cellules CAR T, ils sont de toute façon présents dans l’organisme. » 

La deuxième étape est l’administration de stéroïdes, lesquels, selon le Dr Roth, constituent actuellement le pilier du traitement. Cependant, le choix de l’agent à prescrire, sa posologie et la durée du traitement ne sont pas encore clairement définis. Enfin, il existe diverses mesures spécifiques basées sur le diagnostic précis du patient et ses caractéristiques. 

Par exemple, les syndromes myasthéniques de grade 2 peuvent être traités par des corticoïdes et de la pyridostigmine ou d’autres inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, et les syndromes de grade 3–4 par des immunoglobulines intraveineuses et l’ajout de plasmaphérèse. La méningite peut être traitée avec un traitement antiviral ou antibactérien, et l’encéphalite par rituximab et plasmaphérèse. 

Cependant, il n’existe pas encore de données provenant d’essais cliniques sur l’efficacité de ces interventions. 

Plusieurs stratégies peuvent atténuer les effets de la toxicité. Par exemple, l’administration fractionnée de traitements des cellules CAR-T sur une période de 2 à 3 jours offre une efficacité similaire, mais elle est plus sûre que l’administration conventionnelle et que l’administration prophylactique de dexaméthasone, de tocilizumab ou d’anakinra. Les biomarqueurs pourraient bientôt aider à identifier les patients qui présentent un risque plus élevé de toxicité grave, ce qui permettrait de stratifier les décisions de traitement précoce.

« Le traitement de la neurotoxicité associée aux cellules effectrices immunitaires entraîne des complications supplémentaires qui peuvent nécessiter d’autres mesures de prise en charge et de traitement », a déclaré P. Roth. « Ces patients effectuent généralement un séjour prolongé à l’hôpital et sont exposés à des médicaments immunosuppresseurs. »

« La neurotoxicité est probablement un dysfonctionnement de la barrière hématoencéphalique », a-t-il ajouté. « En d’autres termes, ces patients peuvent avoir une concentration plus élevée d’antibiotiques et d’autres médicaments dans le système nerveux central, ce qui peut contribuer à leur affection neurologique. »

« C’est une question qui n’est pas suffisamment explorée, à mon avis, et qu’il est vraiment important de prendre en considération. »