e-Urgences 2021 - Prise en charge des enfants en urgence: quelle place donner aux parents ?

  • Vincent Richeux

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Congrès
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La présence des parents aux côtés de son enfant est-elle bénéfique, voire essentielle au cours de procédures invasives aux urgences ou lors d’un transport en Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) ? A l’occasion du congrès Urgences 2021, l’infirmière puéricultrice Alexia Moreira a fait le point sur cette question, en évoquant les changements de pratique opérés depuis peu au SMUR pédiatrique de l’hôpital universitaire Robert-Debré (AP-HP, Paris), où elle exerce [1].

« Plus les soins sont invasifs, moins les soignants sont favorables à la présence des parents », a commenté la praticienne, lors de son intervention. C’est du moins ce qui ressort d’un sondage auprès des équipes médicales et paramédicales de services américains d’urgences pédiatriques [2]. Les soignants interrogés étaient plus en faveur de l’accompagnement parental pour une procédure simple, comme une ponction veineuse (89%) ou une suture (91%), que pour une ponction lombaire (60%) ou des gestes de réanimation (37%).

Un risque d’interférence? 

En France, les réticences sont encore plus fortes en cas de réanimation. Une enquête conduite en 2014 auprès de médecins urgentistes français a ainsi montré que seulement 17% d’entre eux sont en faveur de la présence des parents pendant une réanimation cardio-pulmonaire [3]. Parmi les raisons évoquées: le risque de traumatisme psychologique des parents, d’interférence dans les soins et de hausse du stress pour l’équipe soignante.

Pourtant, du côté des parents, la volonté d’être présent auprès de l’enfant s’exprime majoritairement, qu’importe la procédure de soins envisagée, « y compris lors des gestes de réanimation », a précisé l’infirmière. Dans la plupart des cas, les chercheurs montrent que « les familles souhaitent qu’on leur laisse la possibilité de prendre la décision », d’assister ou non à l’intervention.

Quel est le réel impact de la présence des parents lors de la prise en charge en urgence d’un enfant ? Plusieurs études se sont penchées sur cette question pour apporter un éclairage et aider les praticiens à faire face à ce dilemme. L’une d’entre elles montre que la présence des parents pendant des gestes douloureux a l’avantage de diminuer fortement leur anxiété, sans pour autant avoir de conséquences sur le stress et les performances des soignants [4].

Menée en 2013, une étude française multicentrique randomisée a montré un avantage similaire lors de la réanimation cardio-pulmonaire de l’enfant en pré-hospitalier. La présence de la famille pendant les gestes de réanimation « diminue le risque de stress post-traumatique évalué 90 jours après l’événement, sans augmenter le risque de stress de l’équipe médicale, ni le risque d’évènement médico-légal », a souligné Alexia Moreira.

Moins de stress post-traumatique 

Dans une revue de littérature portant sur l’impact de la présence des parents pendant la réanimation, ce bénéfice pour les parents apparait indéniable après analyse d’une vingtaine d’études [5]. « Assister à la réanimation cardio-pulmonaire (RCP) permet d’enlever le mystère entourant la réanimation, de voir que tout a été fait pour maintenir le patient en vie, et donne aux parents la possibilité d’accompagner et soutenir leur enfant dans ses derniers moments », commente l’auteure.

« Les familles qui ont assisté à ce moment voient leur deuil facilité et présentent moins de syndromes de stress post-traumatique, de dépression ou d’angoisses que ceux qui n’y ont pas assisté. Cette pratique doit cependant être encadrée par un soignant dédié à l’accompagnement et au soutien des parents. »

L’effet de la présence des parents sur l’anxiété de l’enfant a également été évalué en France dans le cadre d’une thèse [6]. « Les résultats montrent que même si le parent est anxieux, il peut rassurer l’enfant », en réduisant sa peur de la séparation, facteur majeur de stress chez l’enfant, a rappelé Alexia Moreira.

« On sait que plusieurs équipes de réanimation pédiatrique favorisent désormais la présence des parents, lors des soins, mais aussi pendant les gestes de réanimation. Un soignant reste alors auprès du parent, le soutien et lui explique ce qui se passe ».

Quelle place des parents en SMUR ?

Si le cadre législatif français est en faveur des parents pour assister aux soins de leur enfant en milieu hospitalier, l’absence de réglementation pour le pré-hospitalier amène à avoir des attitudes « très divergentes » de la part des équipes de SMUR pédiatrique, explique l’infirmière. « Certaines équipes laissent peu, voire pas de place aux parents, tandis que d’autres les invitent à rester pendant les soins et le transport ».

Au SMUR pédiatrique Robert Debré, « la question de la présence des parents pendant le transport a fait débat ». Il a été décidé d’accepter un parent à bord du SMUR « lors du transport d’un enfant stable », en le plaçant à l’avant de l’ambulance, à côté du conducteur. Cette pratique a récemment été modifiée, notamment après les résultats d’une étude menée en 2019 au SMUR pour évaluer l’accompagnement parental en transport médicalisé pédiatrique [7].

Cette étude prospective, « la première en France sur le sujet », a inclus 80 parents, dont 30 n’avaient pas été admis pendant le transport SMUR. Selon les résultats de l’enquête, 90% des parents non transportés auraient souhaité accompagner leur enfant s’ils en avaient eu la possibilité. Aucun des parents transportés n’a regretté d’être monté à bord de l’unité mobile.

En termes de bénéfices sur l’enfant, les soignants ont jugé la présence du parent « sans influence » dans 54% des cas et « très bénéfique » dans 12% des cas (les parents étaient installés à l’avant de l’ambulance). Pour 89% des soignants, le fait d’avoir laissé le parent accompagner l’enfant a été perçu comme bénéfique.

« Bannir la contention »

« Les résultats de l’étude montrent que l’accompagnement parental lors des transports médicalisés pédiatriques semble indispensable aux parents et permet de réduire leur niveau de stress aigu. Ils suggèrent qu’il est bénéfique pour l’enfant du point de vue psychologique et n’est pas délétère pour son état de santé car il n’altère pas les performances des médecins et des infirmiers ».

Depuis cette étude, le parent est transporté à l’arrière de l’unité mobile aux côtés de son enfant, a indiqué Alexia Moreira. « Cette décision est prise conjointement, en équipe », après avoir évalué la balance bénéfice/risque de la présence parentale. Si l’enfant est sévèrement instable, « il est souvent d’usage de ne pas prendre le parent » étant donné qu’une éventuelle réanimation mobiliserait toute l’équipe et le laisserait sans soutien.

La présence d’un parent « peut être un réel atout » et, en réduisant l’agitation de l’enfant, il permet « de bannir la contention ». Grâce au réconfort apporté, il y a aussi une meilleure coopération de l’enfant. « En diminuant l’anxiété de l’enfant et en aidant à le distraire, il peut apporter un vrai soutien dans les soins. »

Cet article a initialement été publié sur le site Medscape.