Du curatif au préventif : pas simple !
- Serge Cannasse
- Editorial
La plupart des médecins français et européens mettent en avant le rôle important de l’hygiène individuelle dans les principaux facteurs de risque de décès par maladies cardiovasculaires (obésité, tabagisme, hypertension artérielle, hypercholestérolémie, etc). Ces facteurs sont dits modifiables par des changements de comportement (alimentation, cessation du tabagisme, activité physique, etc). Cependant, une étude récente parue dans le Lancet Planetary Health 1 a montré que dans le monde, l’intoxication au plomb (le saturnisme) est responsable du décès par maladie cardiovasculaire de plus de 5,5 millions de personnes âgées de 25 ans ou plus, majoritairement dans des pays à revenus faibles ou moyens. Si on s’en tient à l’estimation de l’Organisation mondiale de la santé 2 (17,7 millions de morts par maladies cardiovasculaires en 2017), cela représente un tiers de cette mortalité.
En somme, les médecins des pays riches mettent l’accent sur les facteurs individuels. Mais en même temps, ils sont de plus en plus conscients des facteurs de risque environnementaux sur la santé, comme d’ailleurs la population dans son ensemble. Ils le sont beaucoup moins en ce qui concerne les conditions sociales de vie (niveau de revenu, éducation, travail, habitat, etc.), qui ont pourtant une influence certaine sur les facteurs dits modifiables et sur certains gestes préventifs comme la vaccination. Quelle place peuvent tenir les médecins dans ces problématiques ?
La première réponse est de dire que ça n’est pas leur rôle, parce que le leur est essentiellement curatif et basé sur le face-à-face avec leurs patients. On ajoutera avec raison que les avancées thérapeutiques sont une cause majeure des progrès préventifs au moins depuis le milieu du siècle dernier. Pourtant, cela ne devrait pas faire oublier que des médecins ont joué un rôle de premier plan dans les progrès de l’hygiène de vie à partir du 19e siècle. Ils faisaient partie d’un mouvement d’ensemble qui comportait des ingénieurs, des travailleurs sociaux, des urbanistes, des politiques… Ici, pour reprendre la belle image du réseau éponyme, les médecins avaient et ont encore une fonction de sentinelles (d’où, au passage, l’importance de faire remonter leurs observations dans les circuits adéquats).
Cela étant, il existe des obstacles sérieux au renforcement de leur implication dans les politiques de santé publique. D’abord leur manque de formation sur ces sujets. Ensuite leur manque de temps, sur lequel il est malheureusement inutile d’épiloguer. Ainsi que le développement encore faible des structures coordonnées et pluridisciplinaires qui devraient permettre non seulement une prise en charge de chaque patient plus complète et plus pertinente, mais aussi, comme cela s’est déjà fait à certains endroits, des diagnostics populationnels assortis de recommandations. On peut imaginer qu’ici réside le futur des initiatives telles que les Communautés professionnelles territoriales de santé, les maisons de santé, les équipes pluridisciplinaires, les conseils locaux de santé, etc.
Cependant, le principal obstacle tient à ce que les facteurs sociaux et environnementaux de risque pour la santé ne dépendent que très peu des médecins et, d'une manière générale, des professionnels de santé. De plus, ils sont souvent d’une complexité redoutable du fait qu’ils sont largement interdépendants, laissant prise à des interprétations scientifiques diverses. En conséquence, comme dans bien d’autres domaines, les réponses pragmatiques aux enjeux relèvent bien souvent d’initiatives locales et nationales. Proposer des stratégies globales reste actuellement une gageure. Il est vraisemblable qu’elles se construiront pas à pas par les acteurs impliqués, parmi lesquels les professionnels de santé ont un rôle crucial.
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