Drogues illégales : d’une approche sécuritaire vers une approche sanitaire
- Serge Cannasse
- Actualités professionnelles
Deux articles du site The Conversation proposent d’amender l’approche répressive à l’égard des usagers de drogues illégales, notamment en la complétant par une approche résolument sanitaire, tenant compte des particularités des populations d’usagers concernés. Ils s’articulent l’un autour des problématiques liées à l’usage du cannabis 1, l’autre autour des perceptions différentes de la cocaïne et du crack 2 par le grand public et les autorités publiques, alors qu’il s’agit de molécules aux effets très proches.
Khalid Tinasti constate d’abord qu’en France, le débat portant sur l’usage récréatif du cannabis s’articule sans nuances entre partisans de la répression et ceux de la légalisation. Dans notre pays, l’accent mis sur la répression a largement fait la preuve de son inefficacité. La légalisation permettrait la mise en œuvre de mesures de régulation sur la qualité des produits et de restrictions sur leurs quantités. De plus, elle fournirait un cadre juridique pour régler les conflits entre les acteurs de ce marché (en faisant jouer le droit commercial, du travail, de la concurrence, etc) et pour en limiter l’accès aux mineurs. Et elle ne s’oppose pas à la répression.
Sa difficulté principale est qu’elle autoriserait la création d’une « industrie légale du cannabis ». Celle-ci nécessite d’intégrer dans le débat public la relation entre marché illégal et économie illicite dans les quartiers prioritaires, en précisant les contours potentiels des marchés légaux et illégaux. En effet, « les problèmes visibles et les activités de trafic semblent se concentrer dans certains quartiers prioritaires et au sein de populations éloignées des opportunités de travail légal ». Le modèle de légalisation californien montre que cette démarche est possible. Par exemple, les municipalités de Los Angeles et d’Oakland ont donné en priorité les autorisations de dispensation de cannabis « aux anciennes petites mains du marché illégal, afin de leur permettre de s’intégrer dans le nouveau marché régulé ».
Cela étant, Khalid Tinasti recommande « une approche graduelle, longue et construite autour des problématiques propres à l’économie illicite » tout en reconnaissant qu’il s’agit de « la réponse publique la plus exigeante et la plus compliquée à définir et à mettre en place ».
Drogue des riches et drogue des pauvres
Marie Jauffret-Roustide constate qu’alors que la cocaïne et le crack, qui en dérive, sont deux produits très proches, la première est en général « associée à des imaginaires liés à la sociabilité, la fête et la vie nocturne » et à des populations blanches et plutôt aisées, alors que le second est associé aux marges de la société (le pauvre, l’étranger, le fou), ses usagers étant perçus comme un groupe social dangereux. La première bénéficie d’un cadrage sanitaire : son usage relève de la sphère privée et nécessite une prise en charge de la personne dépendante. La seconde fait l’objet d’un cadrage sécuritaire portant sur des publics à tenir à l’écart, à déplacer ou à enfermer. Ainsi des « scènes ouvertes de drogue » se sont développées à la périphérie de Paris, générant des problèmes pour les usagers comme pour les riverains. Il a même été question de les limiter par un mur.
Ces scènes ouvertes se multiplient parce qu’elles ne tiennent pas compte des vulnérabilités propres à leurs populations, liées souvent à des trajectoires de vie difficiles. Plusieurs pays ont montré que des alternatives sont possibles et efficaces, sans pour autant s’opposer aux politiques de sevrage. Il s’agit en particulier de l’ouverture de salles de consommation à moindre risque (aujourd’hui, « haltes soins addiction »), d’espaces de prise de parole communs aux usagers et aux riverains (bars, restaurants, salles de spectacle), de politiques publiques axées sur l’hébergement, problème crucial de la plupart des usagers de crack, et de la coopération entre police et travailleurs médico-sociaux. Il s’agit de politiques pragmatiques, mais qui ont du mal à se mettre en place en France, malgré leur efficacité largement prouvée et l’inscription de certaines de leurs mesures dans la loi. Pour Marie Jauffret-Roustide, la situation semble s’améliorer à Paris du fait de la collaboration entre le nouveau préfet de la ville, la municipalité et l’agence régionale de santé.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé