Deux tiers des adolescents français seraient adeptes du cybersexe !

  • Nathalie BARRÈS
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une étude menée en Normandie auprès d’adolescents de 15 à 17 ans, deux tiers des jeunes auraient une cybersexualité active.
  • Être une fille, la faible estime de soi, le manque de contrôle parental, les antécédents de violence, le visionnage quotidien de vidéos pornographiques, le fait d’avoir un nombre d’amis important sur Facebook et la consommation régulière de drogue étaient des facteurs de risque de cybersexualité active.

Pourquoi est-ce important ?

Les nouvelles technologies ont fortement contribué à modifier les relations et les comportements humains. Les réseaux sociaux constituent le canal de communication privilégié des adolescents d’aujourd’hui. En 2016, le Haut Conseil à l’Égalité a publié un rapport sur l’éducation à la sexualité, soulignant les dangers de la cybersexualité. La cybersexualité peut être passive – lorsque l’adolescent est exposé involontairement à des images ou vidéos sexuelles de manière passive – ou active lorsqu’ils créent eux-mêmes des contenus sexuels avec leur propre corps ou le corps d’autres personnes.

Méthodologie

Cette étude observationnelle, transversale, multicentrique a été réalisée dans le cadre des cours d’éducation sexuelle auprès de jeunes de 15 à 17 ans dans la région de la Normandie, entre Février et Mai 2018. Un questionnaire anonyme a été remis aux adolescents en début de cours. 

 

 

 

Principaux résultats

L’étude a inclus 1.208 adolescents scolarisés au sein de 16 établissements normands. Les résultats ont montré que les deux tiers (66%) pratiquaient le cybersexe. Le sexting – le fait d’envoyer ou de recevoir des photos ou des vidéos de sujets nus ou partiellement nus - étant la pratique la plus répandue : 21% envoyaient des sextos, 60% en recevaient et 12% des garçons en partageaient.

Les caractéristiques démographiques étaient similaires entre les filles et les garçons. Parmi les adolescents, 99,1% ont déclaré avoir accès à Internet via au moins un outil de communication personnel (principalement un smartphone). Plus de 8 sur 10 (81,9%) déclaraient que cet accès se faisait sans qu’un contrôle parental n’ait été installé et 11,6% ne savaient pas s’il y en avait un sur l’outil qu’ils utilisaient.

Les deux tiers (66%) des adolescents de cette étude avaient une cybersexualité active. 

En moyenne, les adolescents passaient 5h par jour sur Internet et envoyaient en moyenne 80 messages quotidiennement. Les adolescents adeptes actifs du cybersexe passaient en moyenne quotidiennement 1h20 de plus sur Internet et envoyaient en moyenne 30 messages de plus que les autres. Près de 2 adolescents sur 10 (18%) déclaraient avoir plus de 500 amis sur Facebook, et 9,3% déclaraient aller sur des sites pornographiques tous les jours ou presque (dont 93,8% de garçons).

Les deux tiers (66%) des adolescents de cette étude avaient une cybersexualité active. Une disproportion a été notée sur le niveau d’étude des adolescents, les apprentis étaient surreprésentés dans l’échantillon. 

Le sexting était la pratique la plus répandue (62,7% en recevaient, 22,1% en envoyaient), et elle était pratiquée autant par les filles que les garçons (23,4% et 20,8% respectivement).

Globalement 12% des garçons (et seulement 2,4% des filles) pratiquaient du sexting secondaire, c’est-à-dire montrer à d’autres personnes ou publier sur les réseaux sociaux des photos ou vidéos de sujets nus reçues. Les plus âgés étaient plus susceptibles d’envoyer ou de recevoir des sextos.

Qui sont les expéditeurs et les destinataires ?

Les expéditeurs étaient principalement des inconnus (49,4%), des petit(e)s ami(e)s (47,8%) et des amis (35,3%). Dans cette étude, les destinataires étaient principalement les petit(e)s ami(e)s (83%).

Un cinquième des filles mais seulement 5% des garçons le regrettaient et 13% des filles et 9% des garçons ont déclaré avoir été forcés à le faire. Les adolescents qui recevaient les sextos étaient 19 fois plus susceptibles que les autres d’en envoyer.

À côté de cette pratique, les autres pratiques (dedipix – créer ou poster des photos de parties intimes du corps dédiées à une personne ou à un blog – et skin parties – participation à des fêtes avec consommation d’alcool, de drogue et de sexe) étaient plus marginales. Cependant, 11,9% des garçons et 6,4% des filles avaient un compte sur un site de rencontres et 11 à 12% des filles et garçons avaient déjà rencontré dans la vie réelle des personnes initialement rencontrées en ligne. 

Parmi les facteurs favorisant la pratique de la cybersexualité les auteurs ont identifié : la consommation quotidienne de vidéos pornographiques (odds ratio ajusté [ORa] 6,18, p=0,001), le nombre d’amis sur Facebook (ORa 5,76, pour plus de 500 amis), la mauvaise estime de soi (ORa 2,27, p=0,001), un manque de contrôle parental (ORa 1,95, p=0,002), une consommation régulière de drogues comme le cannabis ou l’alcool (ORa 2,66, p=0,001), des antécédents de violences physiques, psychologiques, verbales ou sexuelles (ORa 1,63, p=0,008). 

En parler à sa famille s’est souvent révélé être un facteur protecteur (ORa 0,67, p=0,026).

En analyse multivariée, les filles avaient 2 fois plus de risque de pratiquer une cybersexualité active par rapport aux garçons (ORa 2,07). Et le fait de consulter des vidéos pornographiques quotidiennement était plus fortement associé à la cybersexualité chez les filles que chez les garçons.

Principales limitations

La présence d’une sur-représentation d’apprentis dans cette population constitue un biais et le recueil des données sur la base d’échelles analogiques peut avoir conduit à des sur- ou sous-estimations.