Dette immunitaire ou dette d’exposition ?

  • Serge Cannasse
  • Actualités Médicales
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Dans un article publié en 2021, un groupe de pédiatres français expliquait que les mesures barrières mises en place pour lutter contre le Covid-19 étaient associées à une stimulation réduite du système immunitaire des enfants, du fait d’une exposition plus faible aux agents microbiens et de retards dans le calendrier vaccinal. C’est pourquoi ils seraient plus sensibles aux virus hivernaux.

Dans les réseaux sociaux, certains en ont déduit que ces mesures barrières avaient affaibli notre système immunitaire. Pour le groupe de communication de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), il existe d’abord un malentendu sémantique : les auteurs ont parlé de « dette immunitaire » alors qu’il aurait sans doute mieux valu dire « dette d’exposition ». En effet, il est très probable qu’il existe un effet de rattrapage : les enfants qui n’ont pas été exposés aux virus respiratoires, en particulier le RSV (virus respiratoire syncitial), n’ont pas pu fabriquer les anticorps correspondants. Cela ne signifie en aucun cas que leurs systèmes immunitaires sont devenus dysfonctionnels, d’autant qu’ils n’ont jamais cessé de fonctionner : ils ont obligatoirement été en contact avec des pathogènes par l’alimentation ou des facteurs environnementaux.

Par ailleurs, la recrudescence des cas de grippe et de bronchiolite peut avoir d’autres explications. Il est par exemple possible que l’infection par SARS-CoV-2 puisse provoquer des bronchiolites ou potentialiser l’infection par RSV, conduisant à des manifestations symptomatiques plus prononcées. En outre, l’épidémiologie des virus saisonniers est encore mal comprise. Ainsi les mesures barrières semblent avoir peu d’impact sur la circulation des rhinovirus, pour des raisons encore obscures. De plus, il est probable que le SARS-CoV-2 puisse annuler la mémoire immunitaire contre d’autres virus, en tuant ou en affectant les lymphocytes B ou T mémoires, augmentant alors la susceptibilité de les contracter.

En tout cas, « toutes les connaissances actuelles en immunologie montrent qu’il est préférable de se protéger de n’importe quelle infection (par la vaccination, les gestes barrières ou encore l’aération des bâtiments) que de se laisser infecter. » Aussi laisser croire que risquer une infection à SARS-CoV-2 serait préférable aux mesures mises en place pour s’en protéger conduit à faire courir des risques importants à toute la population, sans la moindre base scientifique pour soutenir cette assertion. Même s’il faut reconnaître que ce genre de débat a pu stimuler la réflexion sur la préparation à de nouvelles épidémies.