Des tendances préoccupantes sur la vente d’opioïdes en France

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon l’analyse descriptive des ventes de plus de 12.000 pharmacies entre 2008 et 2017, les opioïdes légers ont été les opioïdes les plus consommés en France et le tramadol a été le plus utilisé. La morphine a été l’opioïde fort le plus prescrit et l'oxycodone a connu la plus forte expansion de ventes sur la période. L’augmentation du recours au fentanyl pose question, étant donné sa puissance.

  • Les ventes d'opioïdes ont été associées positivement au fait que la population soit plus volontiers d'âge moyen (40-49 ans) ou avec un niveau d’éducation moyen (pas d’études supérieures). Elles apparaissaient également plus faibles à mesure de l’augmentation de la densité de population.

Pourquoi ces résultats sont-ils importants ?

Les auteurs soulignent que les difficultés économiques, et plus précisément la prévalence de la pauvreté au niveau local, peut favoriser la consommation d’opioïdes par plusieurs canaux : « Les individus vivant dans des conditions défavorisées sont enclins à consommer davantage de substances licites et illicites, y compris des opioïdes de prescription, à la recherche d'un soulagement émotionnel et pour échapper à une réalité faite de stigmatisation sociale et d'exclusion.» Il est également possible que leurs médecins soient moins attentifs aux indications médicales et prescrivent plus fréquemment des opioïdes auprès de cette population.

Selon les auteurs, « l'intensification des interventions favorables à la protection ou l'inclusion sociale » et, plus généralement, « les investissements dans les infrastructures sociales » pourraient contribuer à réduire l'incidence des consommations inappropriées d'opioïdes.

Ils concluent en suggérant « d'améliorer l'éducation des médecins et les inciter à remplacer les traitements pharmacologiques par des alternatives disponibles (par exemple, l'acupuncture), étant donné leur rôle de garde-barrière, et puisque les opioïdes ne peuvent être obtenus que sur ordonnance. Les médecins généralistes doivent être conscients que les patients vivant dans des zones défavorisées sont les plus exposés. »

Méthodologie

Cette étude est basée sur les données OpenHealth, obtenues par extrapolation d'un panel de pharmacies métropolitaines, hors Corse, soit 12.562 pharmacies en 2022 (62% du nombre total). Elle a cherché à établir les ventes des différentes classes d'analgésiques en France de 2008 à 2017.

Ont été distingués les opioïdes légers (codéine, tramadol) et forts (oxycodone, fentanyl, morphine), selon la classification de l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Les données INSEE correspondant à la zone d’implantation de la pharmacie ont permis de conduire les analyses par rapport aux situations sociales et démographiques.

Principaux résultats

Le nombre moyen de doses moyennes quotidiennes (DMQ) consommées en France est d'environ 167 pour 1.000 habitants pour les opioïdes légers et 46 pour les opioïdes forts. La différence entre les minimums et maximums allaient de 0 à 7.236 pour 1.000 habitants pour les opioïdes légers et de 0 à 4.752 pour les opioïdes forts, selon les produits, les départements et les périodes prises en considération.

Les analgésiques les plus couramment utilisés sont des opioïdes légers. Sur la période, leurs ventes ont augmenté de 31%. Le tramadol, seul ou en association, était plus fréquemment prescrit que la codéine, uniquement disponible en association. La consommation de ces deux principes actifs a augmenté au cours de la période, avec une augmentation de 45% pour la codéine et 22% pour le tramadol.

Globalement, la consommation d'opioïdes forts a augmenté d'environ 7%, entre 2008 et 2017. Parmi eux, la morphine orale est la plus utilisée, mais ses ventes ont diminué de 0,97 à 0,66 DMQ pour 1.000 habitants. Le fentanyl transdermique était le deuxième opioïde fort le plus utilisé avec une consommation ayant diminué de 11% sur la période. En revanche, la consommation d'oxycodone a augmenté de 257% dans le même temps (de 0,19 à 0,68 DMQ). Le fentanyl transmuqueux a aussi progressé de 0,06 à 0,15 DMQ, soit une augmentation de 142%.

Concernant les opioïdes légers, l’augmentation d'un point de pourcentage du taux de pauvreté de la population est associée à une augmentation d'environ 5% des ventes. Une augmentation d'un point de pourcentage du taux d’individus d’âge moyen est associée à une augmentation de 14% de la consommation d'analgésiques opioïdes légers et celle de la densité de population de 100 habitants supplémentaires par km² est associé à une augmentation de 4% de la consommation. Concernant les opioïdes forts, la ruralité influençait le taux de ventes, le coefficient associé à la densité de population étant de +4% également pour 100 habitants supplémentaires. L’influence du niveau d’éducation était également comparable à celle observée pour les opioïdes forts.