Des soignants entre colère et morosité
- Actualités Médicales
La mise en œuvre des politiques de santé est menée sur deux lignes stratégiques, encore trop largement indépendantes l’une de l’autre : le premier recours (la « ville », l’ambulatoire) et les établissements hospitaliers, les deux ayant besoin d’une bonne logistique. Or la mobilisation des professionnels est actuellement compliquée par leur fronde envers les autorités de santé, aboutissant dans certains cas à des désengagements, notamment à l’hôpital.
Les médecins généralistes ont lancé deux journées de grève début décembre 2022, ce qui ne s’était quasiment jamais vu1,2. Leur grogne est ancienne, mais elle vient d’être réactivée par le lancement des discussions pour la prochaine convention médicale. Le mouvement a pourtant été initié par un groupe Facebook de jeunes médecins, « Médecins pour demain », rejoint par plusieurs syndicats de généralistes. Les revendications portent essentiellement sur le tarif des consultations, les revalorisations demandées s’étalant de 30 à 50 euros la consultation de base. Elles sont censées répondre aux besoins d’équipement et de personnel des praticiens, qui dénoncent notamment une surcharge administrative qui pourrait être assurée par un secrétariat3. Le SNMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes) craint que ces augmentations pénalisent les patients les plus modestes4.
L’instauration d’une quatrième année d’internat en médecine générale n’a rien arrangé5. Si le but plus ou moins avoué est de lutter contre les « déserts médicaux », le prétexte est l’amélioration de la formation, ce que contestent les internes, qui dénoncent au contraire son aggravation, par manque de formateurs. Cela implique également d’être éventuellement nommé loin de son domicile, ce qui est rédhibitoire pour les jeunes mamans, sachant que les femmes constituent aujourd’hui la majorité des étudiants en médecine.
En première ligne également, bien qu’il s’agisse de spécialités non généralistes et souvent hospitalières, mais néanmoins pouvant être de premier recours : les pédiatres et les psychiatres. Une tribune signée par dix mille pédiatres a dénoncé fin novembre le « silence assourdissant » du Président de la République sur la crise traversée par la pédiatrie à l’hôpital6, exacerbée par l’épidémie de bronchiolite. Les psychiatres ont manifesté fin novembre contre « l’abandon de la psychiatrie publique », avec un « manque criant de lits d’hospitalisation complète et des fermetures régulières de centres médico-psychologiques », dû à la pénurie de professionnels (médecins et infirmiers)7. Et en pédopsychiatrie, les spécialistes multiplient les alertes sur les délais de prise en charge (six mois en moyenne), particulièrement handicapants chez les enfants, dont les troubles doivent être diagnostiqués et soignés le plus tôt possible.
Pour couronner cet automne contestataire, les laboratoires de biologie médicale ont fermé leurs portes pendant trois jours. En cause, la baisse des tarifs de la biologie courante prévue par la loi de finance de la sécurité sociale 2023. S’ils ne contestent pas un rééquilibrage ponctuel de leurs profits exceptionnels dus à l’épidémie de COVID-19, ils trouvent que cette baisse pérenne récompense bien mal leur engagement durant cette crise et que c’est compromettre un avenir réclamant des investissements à la hauteur des progrès technologiques en cours8.
Pour l’instant, le système tient. Mais il est à craindre que ses craquements, voire ses défaillances, se multiplient, comme le prophétisent les Cassandre* depuis plusieurs années.
*Cassandre est cette femme de la mythologie grecque condamnée à faire des prédictions justes sans que personne ne la croit.
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