Des réponses plus faibles au vaccin-Covid chez les patients souffrant de maladies inflammatoires à médiation immunitaire
- Randy Dotinga, Medscape
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales de MediQuality
Selon des chercheurs, 10% des patients atteints de maladies inflammatoires à médiation immunitaire (IMIDs) ne répondraient pas correctement aux vaccins contre la Covid-19, quel que soit leur traitement. De petites études récentes suggèrent que les patients sous méthotrexate et rituximab pourraient être particulièrement susceptibles de présenter un échec vaccinal.
Malgré cela, il est toujours essentiel que les patients atteints d'IMIDs se fassent vacciner et que les cliniciens suivent les recommandations de suspendre temporairement la prise de certains médicaments aux alentours du moment de la vaccination, a déclaré la rhumatologue Anne R. Bass, MD, du Weill Cornell Medicine and the Hospital for Special Surgery, à New York lors d'une interview. « Nous n'apportons pas d'ajustements significatifs », a ajouté le Dr Bass, coauteur des lignes directrices de l'American College of Rheumatology pour la vaccination contre la Covid-19 des patients atteints de maladies rhumatismales et musculosquelettiques.
Ces résultats ressortent d'un trio d'études publiées dans Annals of the Rheumatic Diseases. L'étude la plus récente, parue le 25 mai 2021, a révélé que plus d'un tiers des patients atteints d'IMIDs qui prenaient du méthotrexate n'ont pas produit des niveaux d'anticorps adéquats après la vaccination, contre 10% de ceux des autres groupes (P <0,001). Une étude du 11 mai a révélé que 20 des 30 patients atteints de maladies rhumatismales sous rituximab n'ont pas répondu à la vaccination. Et une étude du 6 mai rapporte que les réponses immunitaires contre le SARS-CoV-2 sont « quelque peu retardées et réduites » chez les patients atteints d'IMIDs, avec 99,5% d'un groupe de contrôle développant une activité d'anticorps neutralisants après vaccination contre 90% dans le groupe de patients atteints d'une IMID (P = 0,0008).
Le développement des anticorps neutralisants est quelque peu retardé et réduit
Les membres de l'équipe ont été surpris par le nombre élevé de non-répondants au vaccin dans l'étude du 6 mai, a déclaré dans une interview le coauteur Georg Schett, MD, de la Germany's Friedrich-Alexander University Erlangen-Nuremberg et de la University Hospital Erlangen.
Les chercheurs ont comparé deux groupes de patients qui n'avaient pas d'antécédents de SARS-CoV-2 et qui ont été vaccinés contre la Covid-19, principalement au moyen de deux injections du vaccin Pfizer-BioNTech (96%) : 84 personnes atteintes d'une IMID (âge moyen : 53,1 ans ; 65,5% de femmes) et 182 témoins sains (âge moyen : 40,8 ans ; 57,1% de femmes).
Les patients atteints d'IMID souffraient le plus souvent de spondylarthrite (32,1%), de polyarthrite rhumatoïde (29,8%), de maladie inflammatoire chronique de l'intestin (9,5%) et de psoriasis (9,5%). Près de 43% des patients étaient traités par des médicaments antirhumatismaux modificateurs de la maladie biologiques et synthétiques ciblés et 23,9% par des DMARDS synthétiques conventionnels. Par ailleurs, 29% des patients n'étaient pas traités.
Tous les témoins ont développé des IgG anti-SARS-CoV-2, mais cela n'a pas été le cas pour 6% des patients atteints d'IMID (P = 0,003). L'écart dans le développement d'anticorps neutralisants était encore plus important : 99,5% des témoins ont développé une activité neutralisante des anticorps contre 90% du groupe IMID. « Les anticorps neutralisants sont plus pertinents car le test montre dans quelle mesure les anticorps interfèrent avec la liaison des protéines du SARS-CoV-2 au récepteur », a déclaré Schett.
Les auteurs de l'étude ont conclu que leur étude « apporte la preuve que, si la vaccination contre le SARS-CoV-2 est bien tolérée et même associée à une incidence moindre d'effets secondaires chez les patients atteints d'IMID, son efficacité est quelque peu retardée et réduite. Néanmoins, les données montrent également qu'en principe, les patients atteints d'IMID répondent à la vaccination contre le SARS-CoV-2, ce qui soutient une stratégie de vaccination intensive ».
Diminution de la réponse des anticorps à la vaccination chez certains utilisateurs de méthotrexate
Dans la toute dernière étude, dirigée par Rebecca H. Haberman, MD, de la New York University Langone Health, les chercheurs ont examiné la réponse au vaccin contre la Covid-19 dans des cohortes de la ville de New York et d'Erlangen (Allemagne).
La cohorte de New York comprenait 25 patients atteints d'IMID qui prenaient du méthotrexate seul ou avec d'autres médicaments immunomodulateurs (âge moyen : 63,2 ans), 26 patients atteints d'IMID qui suivaient un traitement aux anti-cytokines et/ou d'autres immunomodulateurs oraux (âge moyen : 49,1 ans) et 26 témoins sains (âge moyen : 49,2 ans). La plupart des patients atteints d'IMID souffraient de psoriasis/d'arthrite psoriasique ou de polyarthrite rhumatoïde.
La cohorte de validation allemande comprenait 182 sujets sains (âge moyen : 45,0 ans), 11 sujets atteints d'IMID ayant reçu un inhibiteur du TNF en monothérapie (âge moyen : 40,8 ans) et 20 sujets atteints d'IMID sous méthotrexate en monothérapie (âge moyen : 54,5 ans).
Dans la cohorte de New York, 96,1% des témoins sains ont présenté une "réponse immunitaire humorale adéquate", de même que 92,3% des patients atteints d'IMID qui ne prenaient pas de méthotrexate. Cependant, ceux qui prenaient du méthotrexate présentaient un taux plus faible de réponse adéquate (72,0%), et ce fossé a persisté même après que les chercheurs aient écarté ceux qui présentaient des signes antérieurs d'infection par la Covid-19 (P = 0,045).
Dans la cohorte allemande, 98,3% des cohortes saines et 90,9% des patients atteints d'IMID qui ne recevaient pas de méthotrexate ont atteint une réponse humorale "adéquate" contre seulement la moitié (50,0%) de ceux qui prenaient du méthotrexate.
Lorsque les deux cohortes étaient combinées, plus de 90% des sujets sains et des patients atteints d'IMID sous traitement biologique (principalement des inhibiteurs du TNF, n = 37) présentaient une réponse "robuste" des anticorps. En revanche, seuls 62% des patients atteints d'IMID qui prenaient du méthotrexate (n = 45) ont atteint un niveau de réponse "adéquat". L'écart avec le méthotrexate a subsisté après que les chercheurs aient pris en compte les différences d'âge entre les cohortes.
Que se passe-t-il ? « Nous pensons que la stimulation immunitaire chronique sous-jacente chez les patients auto-immuns peut provoquer un épuisement des lymphocytes T et ainsi émousser la réponse immunitaire », a déclaré Schett, qui est également coauteur de cette étude. « De plus, des médicaments spécifiques tels que le méthotrexate pourraient en outre altérer la réponse immunitaire ».
Néanmoins, les résultats « montrent à nouveau que la vaccination est sûre et efficace, comme le stipulent les recommandations », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il serait judicieux d'effectuer davantage de tests relatifs à la réponse immunitaire liée à la vaccination.
Aperçu de la réponse vaccinale sous Rituximab
Deux autres études, également publiées dans la revue Annals of the Rheumatic Diseases, donnent un aperçu de la réponse vaccinale chez les patients atteints d'IMID et traités par rituximab.
Dans un rapport, publié le 11 mai, des chercheurs américains ont suivi rétrospectivement 89 patients atteints de maladies rhumatismales (76% de femmes ; âge moyen : 61 ans) dans une seule clinique qui avaient reçu au moins une dose du vaccin contre la Covid-19.
Parmi ceux-ci, 21 patients n'ont montré aucun signe de réponse vaccinale au niveau des anticorps, et 20 d'entre eux étaient dans le groupe prenant du rituximab (le dernier patient prenait du belimumab). Dix autres patients traités par rituximab ont montré une réponse.
« Une plus longue durée depuis la dernière exposition au rituximab était associée à une plus grande probabilité de réponse », ont écrit les auteurs de l'étude. « Les résultats suggèrent que le temps écoulé depuis la dernière exposition au rituximab est une considération importante pour maximiser la probabilité d'une réponse sérologique, mais cela est probablement lié à la variation importante de la période de déplétion des lymphocytes B après le rituximab. »
Enfin, un rapport autrichien publié le 6 mai a examiné la réponse immunitaire au vaccin contre la Covid-19 chez cinq patients qui prenaient du rituximab (quatre avec d'autres médicaments comme le méthotrexate et la prednisone). Les chercheurs les ont comparés à huit témoins sains, dont la moitié avait été vaccinée.
Les chercheurs ont trouvé des preuves que le rituximab « ne doit pas nécessairement faire obstacle à la vaccination contre le SARS-CoV-2, puisqu'une réponse immunitaire cellulaire sera mise en place même en l'absence de lymphocytes B circulants. Par ailleurs, chez les patients dont la maladie est stable, il peut être justifié de reporter le traitement [par le rituximab] jusqu'après la deuxième injection et, par conséquent, les vaccins dont l'intervalle entre la première et la deuxième injection est plus court ou les vaccins offrant une protection complète après une seule injection pourraient être préférables. Il est important de noter qu'en présence de lymphocytes B circulants, une réponse immunitaire humorale peut également être attendue malgré un traitement antérieur par [rituximab]. »
Selon le Dr Bass, ces résultats reflètent une prise de conscience croissante du fait que « les patients atteints de maladies auto-immunes, en particulier lorsqu'ils sont sous traitement immunosuppresseur, n'ont pas une réponse aussi optimale aux vaccins ». Toutefois, a-t-elle ajouté, les vaccins sont si puissants qu'ils sont susceptibles de conserver une efficacité significative chez ces patients, même en cas de réponse réduite.
Quelle est la prochaine étape? Le Dr Schett a déclaré que « tester la réponse immunitaire à la vaccination est important pour les patients atteints de maladies auto-immunes. Certains d'entre eux pourraient avoir besoin d'une troisième dose de vaccin. »
Les directives de vaccination contre la Covid-19 de l'American College of Rheumatology ne recommandent pas pour l'instant de troisième dose de vaccin ou de test d'évaluation de l'immunité post-vaccination. Cependant, le Dr Bass, qui est l'un des coauteurs de ces recommandations, a déclaré qu'il est probable que les tests immunitaires post-vaccination et les rappels de vaccin deviendront une routine.
Article initialement publié sur le site MediQuality.
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