Dépression : le manque de sommeil incite à regarder le verre à moitié vide

  • Agnès Lara
  • Résumé d’article
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À retenir

Chez les sujets présentant un niveau élevé de pensées négatives récurrentes (PNR), symptôme fréquent chez les sujets dépressifs, les perturbations du sommeil modifient l’orientation de l’attention selon la nature des stimuli. Ainsi, les sujets présentant des durées de sommeil plus courtes et des délais d’endormissement plus importants ont tendance à accorder davantage d’attention aux stimuli négatifs et ont plus de mal à s’en dégager. Cette étude apporte la preuve de l’existence d’une influence du sommeil sur le traitement de l’information émotionnelle.  Selon les auteurs, les perturbations du sommeil renforceraient l’attention aux stimuli émotionnels négatifs des  sujets vulnérables ayant déjà des difficultés à rediriger leur attention vers des informations plus pertinentes.

Pourquoi est-ce important ?

Les ruminations ou PNR sont difficilement contrôlables et fréquemment associées à des troubles anxieux et dépressifs. Chez les individus présentant un haut niveau de PNR, des troubles du sommeil et des décalages des rythmes circadiens sont souvent présents et affectent les capacités cognitives, notamment d’attention. Inversement, lorsque les troubles du sommeil sont traités et les rythmes circadiens rétablis, une amélioration des symptômes psychiatriques est observée et les capacités cognitives renforcées. Quelle est la nature du lien entre sommeil, troubles psychiatriques et fonctions cognitives ? Les résultats du département de Psychologie de l’Université de Binghamton apportent quelques éléments de réponses

Principaux résultats

  • 52 sujets présentant des niveaux élevés de PNR (score ≥20 au Perseverative Thinking Questionnaire ou PTQ) ont été inclus dans l’étude (âge moyen 35,6 ans, 55,8% de femmes).
  • Concernant les troubles psychiatriques, les résultats au MINI-INI (Mini International Neuropsychiatric Interview ) indiquaient que 50% de sujets présentaient les signes d’une dépression majeure, 44,2% de troubles anxieux généralisés, 36,5% d’anxiété sociale, 19,2% de troubles obsessionnels compulsifs et 13,5% de trouble panique ou d’agoraphobie.
  • Les troubles du sommeil identifiés par le DISP (Diagnostic Interview for Sleep Pattern and disorders) étaient des insomnies primaires chez 19,2% des sujets, et des décalages des rythmes circadiens pour 13,5% d’entre eux.
  • Les durées de sommeil plus courtes ont été associées à des temps de fixation des images à contenu émotionnel négatif plus longs (par rapport à des contenus neutres sur le plan émotionnel). Et cette association restait significative après ajustement sur l’état anxieux et les symptômes dépressifs. Ces résultats plaident en faveur d’une influence de la durée du sommeil sur la capacité des sujets à dégager leur attention des stimuli négatifs.
  • Des durées d’endormissement plus longues ont également été associées à de plus grandes difficultés à détourner son attention de stimuli négatifs. Là aussi, l’association restait significative après ajustement.
  • Cette association n’était pas observée pour les images proposant un contenu émotionnel positif.

Méthode

  • Cette étude a enrôlé des sujets en fonction de leur réponse à des messages de recrutement conçus pour repérer les PNR : anxiété pour l’avenir, préoccupation par des pensées incessantes, variabilité de la durée du sommeil et des heures de coucher, existence d’une dette de sommeil, etc.
  • L’existence de troubles du sommeil était recherchée par le DSIP.
  • L’indice d’attention visuelle était mesuré par Tobii T60XL selon que les sujets étaient exposés à des images présentant un contenu émotionnel négatif, positif ou neutre.

Limitations

Les données de cette étude transversale ne permettent pas d’établir une relation de cause à effet entre durée du sommeil et contrôle de l’attention.

Étant donné l’absence de groupe contrôle (sujets sans PNR), on ne peut affirmer que cette relation entre perturbation du sommeil, orientation de l’attention et réactivité émotionnelle est propre aux sujets présentant des PNR.