Déni de grossesse : quelles sont les femmes à risque ?

  • Delong H & al.
  • BJOG

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Messages principaux

  • S’il n’est pas possible d’établir un portrait-robot des femmes à risque de déni de grossesse, qui permettrait un dépistage systématique parmi la population cible, certains facteurs de risque émergent d’une étude cas-contrôle multicentrique française : une histoire familiale ou personnelle de déni de grossesse, des antécédents psychiatriques, en particulier la dépression, ainsi que certains facteurs personnels (jeune âge, célibat, précarité socio-économique). La plupart des femmes concernées ayant déclaré une contraception orale, et l’existence de saignements, il est possible que le déni survienne dans un contexte où la grossesse ne peut être consciemment appréhendée, ou plus difficilement.

 

Le déni de grossesse est défini comme l’annonce d’une grossesse au-delà de 20 semaines de grossesse, en l’absence de perceptions objectives de cette grossesse par la femme enceinte. Avec une prévalence estimée à 1 pour 475 naissances, la situation est loin d’être rare. Le déni reste pourtant mal connu des professionnels de santé. Du fait des conséquences potentiellement graves pour la mère et/ou l’enfant, il est essentiel de mieux l’identifier. Pour l’heure, quelques études épidémiologiques suggèrent que les femmes d’âge moyen, vivant seules et sans emploi sont celles qui sont le plus souvent concernées, mais ces données restent sujettes à caution. Aussi, treize services de maternité hospitalo-universitaires ont conduit une large étude prospective multicentrique afin de mieux explorer le sujet.

Méthodologie

Cette étude cas-contrôle a été menée entre 2013 et 2019. Durant cette période, des femmes adultes qui ont été concernées par un déni de grossesse ont été incluses avec leur enfant. Parallèlement, des dyades contrôles ont été recrutées après appariement sur la parité des femmes et sur l’existence d’une prématurité chez l’enfant. Un entretien était organisé avec un tandem spécialisé psychiatre-psychologue, et des questionnaires sociodémographiques, cliniques et psychiatriques (questionnaire MINI) ont été soumis aux femmes.

Principaux résultats

Parmi les 71 femmes concernées par le déni, 1 sur 5 avait été concernée par un déni total (découverte lors de l’accouchement), tandis que les autres l’avaient découvert avant ce point. Les trois quarts étaient sous méthode contraceptive (principalement orale) au moment de la conception (contre 7% parmi le groupe contrôle), ce qui peut avoir conduit à une réassurance des femmes. Elles étaient aussi 86% à avoir eu des menstruations durant la période de déni (contre 4,3% dans le groupe contrôle). Enfin, elles n’étaient que 68% à avoir ressenti des mouvements foetaux (contre près de 99% pour les femmes contrôles). Durant leur grossesse, les femmes concernées par le déni avaient pris moins de poids, suggérant une potentielle tendance à se faire plaisir chez celles connaissant leur statut.

Sur le plan de leur profil, les résultats montrent que celles qui ont été en déni sont en moyenne légèrement plus jeunes (24 vs 30 ans), moins diplômées et moins souvent en activité au moment de l’entretien. Elles vivent plus souvent seules (37 vs 3%), ou en couple avec un autre homme que le père de l’enfant, et elles sont plus souvent en situation économique délicate. Elles ont plus souvent des antécédents de troubles psychiatriques (23,6 vs 8,5%), notamment dépressifs. Elles fumaient ou avaient recours à des drogues plus souvent (respectivement 62,5% et 13,9% vs 4,2%). Enfin, elles avaient plus souvent des antécédents personnels ou familiaux de déni (9,7 et 18,1% vs 0 et 5,6%), ou de repérage personnel tardif de la grossesse (9,7 vs 0%).

L’analyse multivariée met en lumière que l'existence d'une histoire familiale ou personnelle de déni de grossesse, les antécédents psychiatriques, et particulièrement la dépression, ainsi que le jeune âge, le célibat, la précarité socio-économique et la contraception orale peuvent favoriser le déni de grossesse.