Démocratie sanitaire : les petites rivières font les grands fleuves

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte. L'accès à l'intégralité du contenu de ce site est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d'un compte.

Les vingt ans de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, a donné l’occasion à trois observateurs de sensibilités sociales et politiques différentes d’en dresser un inventaire commun et de formuler quelques propositions sur la démocratie sanitaire.

Des cellules éthiques à l’initiative des soignants

Pour eux, l’épidémie de Covid-19 a révélé « des enjeux éthiques majeurs ». Cependant, « du côté des patients, l’expression des épreuves traversées n’a pas reçu de canal dédié, en dehors du format usuel des plaintes et réclamations, de la mobilisation des associations, et du fonctionnement en mode dégradé des instances de démocratie sanitaire. » En revanche, du côté des soignants, « une nouvelle organisation de la réflexion éthique s’est mise en place autour de cellules de soutien éthique (CSE) dans les régions, en lien avec les espaces de réflexion éthique régionaux. » Ces cellules ont été utiles non seulement pour guider la réflexion des soignants face à des décisions individuelles difficiles, mais aussi pour orienter la décision publique, en étant « créditées d’une capacité d’infléchir les dispositions générales de prévention, en alertant les autorités sur les épreuves morales qu’elles engendraient, pour les patients qui les subissaient et pour les soignants chargés de les appliquer. » Il s’agissait en particulier des tensions entre les règles édictées au nom de l’intérêt général et l’impératif de bienfaisance dans l’intérêt individuel du patient.

Des valeurs communes aux patients et aux soignants

Les auteurs ont été « frappés » de « la communauté de destin entre soignants et patients », les « épreuves morales » des premiers rejoignant les « épreuves de vie » des seconds, les unes et les autres s’accordant sur les valeurs : « soin, bienfaisance, dignité, autonomie, droits, dilemmes, écoute, reconnaissance. » Il s’agit ici d’une opportunité pour que les soignants prennent leurs distances avec la perception de la voix des patients comme une « norme contraignante extrinsèque accroissant le sentiment d’arbitraire et de perte de sens. »

Cela étant, les pratiques de collaboration entre soignants et patients sont encore « embryonnaires », concentrées sur les « dimensions règlementaires ». Certes, les représentants des usagers ont une place réelle à l’hôpital, mais ils sont constitués « essentiellement de retraités, de personnes engagées dans le travail social ou directement concernées par la maladie » : ils ne sont guère représentatifs de l’ensemble des patients accueillis dans le système de soins.

Aussi les auteurs plaident pour systématiser « le recueil, l’analyse et la prise en compte de l’expérience patient, » au-delà des approches déjà expérimentées (patients traceurs, caméras embarquées, etc). Cela permettrait par exemple d’évaluer « les résultats de soins sur la base d’indicateurs définis au sein de collectifs associant les spécialistes cliniques d’une pathologie et les patients souffrant ou ayant souffert de cette même affection, » la perspective étant de fixer en commun les critères d’appréciation d’une thérapeutique.

Les changements à venir ne seront donc pas obligatoirement les effets de grandes lois sur le système de santé, mais ils peuvent résulter d’une « multitude de petits changements au plus près du quotidien des personnes concernées. »