Débattre de la santé : pour un effort pédagogique partagé

  • Serge Cannasse
  • Editorial
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La pandémie de COVID-19 a accentué une préoccupation ancienne des Français : l’avenir de leur système de protection sociale, en particulier celui de l’Assurance maladie et du système de soins. Pourtant, comme pour les précédentes élections, il ne semble guère faire l’objet des programmes soumis par les prétendants, déclarés ou non, à la fonction présidentielle, en dehors des promesses rituelles d’augmentation des moyens humains et matériels.

Quand ils s’y intéressent, les politologues avancent plusieurs raisons à cela. L’une d’elles est rarement mise en avant, elle apparaît pourtant fondamentale : l’étendue et la complexité du sujet. Comme l’ont souligné plusieurs observateurs, la pandémie a mis en évidence le manque de culture scientifique de la population. Les sociologues de la santé mettent en avant ses défauts d’information médicale (la « littératie » en santé). Posséder quelque formation en médecine est pourtant un préalable indispensable pour en comprendre les enjeux. Ici, le problème est avant tout celui de l’accès inégal au savoir en fonction des origines sociales, les couches avec un niveau d’éducation supérieur étant favorisées.

La question est complètement différente en ce qui concerne les problèmes d’organisation et de financement des soins. Dans un ouvrage très clair qui a maintenant dix ans et qui mériterait d’être actualisé et complété (Vive la protection sociale ! Odile Jacob, 2012), l’éminent spécialiste des questions sociales Bertrand Fragonard faisait remarquer que sur ces sujets, il existait très peu d’informations pédagogiques de qualité, pourtant indispensables à leur compréhension. On ne peut qu’abonder dans son sens, mais aussi reconnaître que la tâche n’est pas facile, d’autant plus que la plupart des Français ont une méconnaissance abyssale du fonctionnement de nos institutions.

Au sortir du premier confinement de mars 2020 et de l’intense mobilisation des professionnels de santé, certains ont espéré que les expériences de toutes les parties prenantes seraient rassemblées, analysées, synthétisées et traduites en propositions concrètes de réformes. Cela aurait obligé chacune à expliciter clairement ses constats et ses préconisations.

Il aurait fallu pour cela une impulsion politique, qui a manqué. Est-ce trop tard ? Peut-on encore rêver d’un grand débat sur l’avenir de notre système de santé ? Est-ce totalement utopique de penser qu’un candidat puisse l’inclure dans son programme ? Le pays ne manque pas de professionnels, d’administratifs, d’économistes, de sociologues et d’associations de patients compétents et disposés à s’y lancer. Par delà les cynismes et les veuleries, ne peut-on faire le pari de l’intelligence, y compris de la part de nos médias ? Après tout, la démocratie est fondée sur la raison, qui se nourrit de la discussion. S’en priver est suicidaire.