De la tourista au syndrome de l’intestin irritable

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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À retenir

  • Selon une étude rétrospective espagnole, environ 10% des patients ayant consulté un centre de santé internationale pour une diarrhée du voyageur ont développé un syndrome de l’intestin irritable post-infectieux (SII-PI) dans les 6 mois suivant l’épisode. Il s’agissait essentiellement de jeunes femmes pour lesquelles le risque initial de SII était relativement élevé.

  • Le risque de développer un SII-PI était associé à ceux dont la diarrhée était d’origine parasitaire, tandis qu’il était bas pour ceux qui avaient reçu des conseils préventifs avant le voyage.

  • Cette étude confirme que le risque de SII-PI est non négligeable chez les patients diarrhéiques revenant d’un voyage international, mais qu’il est également possible d’en prévenir en partie la survenue.

Pourquoi est-ce important ?

La diarrhée du voyageur ou tourista affecterait 10 à 40% des personnes voyageant dans un pays à revenu faible ou intermédiaire. Si son évolution est le plus souvent favorable, certains développent des troubles intestinaux fonctionnels persistants ou récurrents après la fin de l'infection. Ainsi, le SII-PI surviendrait dans 3% à 30% des cas post-diarrhée du voyageur selon une récente méta-analyse, en fonction de la gravité de l’épisode initial, l'étiologie microbiologique ou le profil du patient. Dans cette étude, les chercheurs espagnols ont voulu décrire les caractéristiques des sujets concernés pour identifier d’éventuels facteurs de risque associés.

Méthodologie

Cette étude rétrospective a été menée dans un hôpital tertiaire catalan ayant un service dédié à la santé des voyageurs. Ont été inclus dans cette analyse ceux qui avaient été reçus pour une diarrhée du voyageur infectieuse entre janvier 2009 et janvier 2018. Les caractéristiques sociodémographiques, cliniques et biologiques ont été collectées.

Principaux résultats

Au total, 10,2% des patients (soit 68 parmi les 669 patients inclus) ont développé un SII-PI dans les 6 mois suivant leur retour d'un voyage international (52,9% de femmes, âge moyen 33 ans). La plupart avaient voyagé en Amérique latine (29,4%) ou Moyen-Orient (17,6%) et la durée médiane du voyage était de 30 jours. Dans près de trois quart des cas, les symptômes ont débuté durant le voyage (72,1%), le plus souvent associés à de fréquentes douleurs abdominales (67,6%) ou de la fièvre (41,2%).

Dans près d’un cas sur deux, la cause infectieuse de la diarrhée ayant évolué en SII-PI avait été identifiée et était une infection parasitaire dans trois cas sur 4 (principalement Giardia duodenalis). Un traitement adapté à la nature de l’infection avant été prescrit dans 64,7% des cas, les autres ayant plutôt reçu un traitement probabiliste.

Les patients ayant développé un SII-PI identifiés rétrospectivement dans cette étude ont accepté de répondre à un questionnaire ont été recontactés par les auteurs et 63% d’entre eux ont accepté de participer à leur enquête : ils déclaraient une modification de la fréquence et/ou de la consistance des selles et des douleurs abdominales intermittentes dans 27,9% et 25,6% des cas (selon critères de Rome). Enfin, 72,1% d’entre eux ont déclaré qu’ils étaient traités par un traitement chronique pendant l'épisode de diarrhée initial, principalement des antiacides (65,1%) et des anxiolytiques (9,3 %) et 76,1% avaient un risque initial modéré à élevé de SII-PI.

L'analyse multivariée a révélé que les infections parasitaires étaient un facteur de risque indépendant de SII-PI (odds ratio ou OR 3,0 [1,2-7,8]) tandis que le fait d’avoir reçu avant le voyage, des conseils donnés aux voyageurs avait réduit ce risque (OR 0,4 [0,2-0,9]).