Croissance « exponentielle » des cas de COVID-19 en Angleterre
- Peter Russell
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Si les chiffres de l'épidémie de Covid-19 sont encourageants sur le territoire français, la croissance exponentielle du variant Delta outre-Manche, notamment chez des populations plus jeunes et non vaccinées, est préoccupante – au point d’avoir conduit le gouvernement britannique à retarder la dernière étape du déconfinement. Que disent les derniers chiffres ? Faut-il s’inquiéter d’un phénomène identique en France ?
Augmentation de la prévalence nationale de 0,10%
Le nombre de personnes infectées par le SARS-CoV-2 en Angleterre a cru rapidement, avec une majorité d’infections affectant les enfants et les jeunes adultes qui n’ont pas encore été vaccinés, selon les dernières recherches.
Une analyse issue de l’étude REACT-1 (pour Real-time Assessment of Community Transmission) a estimé que 0,15% des personnes était porteuse du virus, soit environ 1 personne sur 670.
Les données sont basées sur 108.911 autotests RT-PCR colligés auprès des participants entre le 20 mai et le 7 juin.
L’équipe de chercheurs, coordonnée par l'Imperial College London (ICL) a rapporté que la prévalence nationale du virus avait augmenté de 0,10%, soit environ 1 sur 1.000, depuis la précédente enquête portant sur la période de la seconde moitié d’avril jusqu’au 3 mai.
Forte prévalence chez les jeunes
Les scientifiques parlent d’une « croissance exponentielle » entre les deux enquêtes avec un temps de doublement de 11 jours. Le R est estimé à 1,44. Et le variant Alpha (B.1.1.7) du SARS-CoV-2 a rapidement été remplacée par la variant Delta (B.1.617.2). « Ces données sont en cohérence avec la prédominance du variant delta et montrent l’importance de continuer à surveiller les taux d’infection et les variants préoccupants au sein de la communauté », commente le Pr Paul Elliott, directeur du programme REACT.
L’étude en preprint suggère que le lien entre infections, hospitalisations et décès s’est affaibli depuis février en raison de la campagne vaccinale. Néanmoins, la tendance s’inverse pour les hospitalisations depuis fin avril.
La plus forte prévalence des infections (0,36%) a été observée chez les gens jeunes âgés de 18 à 24 ans, suivi de près par les enfants de 5 à 12 ans avec une prévalence de 0,35%.
Bien que la prévalence chez les personnes de moins de 50 ans était 2,5 fois celle des plus de 50 ans, les infections semblent croitre à un rythme similaire dans les deux groupes, commentent les scientifiques.
Steven Riley, professeur en dynamique des maladies infectieuses à l’ICL, a affirmé : « bien que nous voyions les prévalences les plus élevées chez les personnes les plus jeunes, qui sont aussi les moins sensibles au Covid, si cette croissance continue, cela va conduire à une augmentation chez les plus âgés, donc plus vulnérables puisque les vaccins ne sont pas efficaces à 100% et que tout le monde n’a pas encore été vacciné. Cela entrainerait plus d’hospitalisations et de décès, et risquerait de mettre le NHS [système de santé public] à rude épreuve. C’est pourquoi il est vital que les gens continuent à se faire vacciner et à appliquer les gestes barrières. »
Des variations régionales
Les chercheurs ont expliqué que les dernières données montraient des variations régionales conséquentes au sein du pays. La prévalence la plus élevée a été retrouvée dans le nord-ouest, qui est désormais à 0,26% contre 0,11% lors de l’enquête précédente, alors que le sud-ouest a le taux le plus bas à 0,05%, ayant légèrement baissé par rapport aux 0,07% précédemment.
Commentant l’étude pour le centre des médias scientifiques, le Pr James Naismith, directeur de l’Institut Rosalind Franklin, et de l’Université d’Oxford, a prédit « un nouveau cycle de doublement à l’avenir », même si l’été va permettre « d’émousser sa croissance ».
S’il n’y avait eu le variant Delta, « nous aurions pu mettre fin aux restrictions sans risque comme cela était prévu à l’origine » a-t-il dit.
« Il faut comprendre que sans les vaccins, le variant delta aurait été un désastre pour le Royaume-Uni », a-t-il ajouté, conduisant à une fermeture totale du pays, ou à un « effondrement du système de santé ».
Matt Hancock, le ministre anglais de la santé, a affirmé : « ces résultats mettent en lumière le contexte assez sombre dans lequel nous avons pris la décision de repousser l’étape 4 du déconfinement ».
Des données publiées cette semaine évaluent à 96% l’efficacité de deux doses de vaccin Pfizer/BioNTech sur les hospitalisations, et à 92% celle de deux doses de vaccin AstraZeneca/Oxford.
Quid du variant Delta en France ?
Un vent de liberté a beau souffler sur la France avec la fin des mesures concernant le couvre-feu et le port du masque en extérieur, il ne faudrait pas pour autant se laisser aller à trop d’optimisme. Le variant Delta représente actuellement « entre 2 et 4% des cas positifs » de Covid-19 dépistés en France, a rappelé mardi dernier le ministre de la Santé, Olivier Véran lors d’un déplacement, soit « 50 à 150 nouveaux diagnostics » par jour. Il concernait 0,5% des cas trois semaines plus tôt. « C'est peut-être encore peu, mais c'était la situation anglaise il y a quelques semaines », a-t-il ajouté. Dans le dernier point épidémiologique hebdomadaire daté du 10 juin, Santé publique France assure que le variant Alpha est toujours majoritaire en métropole. Le variant Delta était quant à lui « très rarement détecté au 25 mai » mais avec une « tendance à l'augmentation du nombre de cas et de clusters liés à des transmissions autochtones ».
Outre sa contagiosité supérieure à celle du variant Alpha, ce qui le rend ce variant Delta particulièrement redoutable, ce sont ses symptômes – plus proches d’un rhume classique avec maux de tête, de gorge, écoulement nasal et fièvre. Selon Tim Spector, professeur d'épidémiologie génétique au King's College de Londres, et auteur de l’étude ZOE COVID sur le sujet : « les gens peuvent penser qu'ils ont juste un rhume saisonnier, donc ils se rendent à des fêtes…», ce qui expliquerait la diffusion rapide de l’infection chez les jeunes. Une quatrième vague est-elle possible à l’automne en France du fait de ce variant ? Interrogé sur le plateau de France 2 le 8 juin, le Pr Jean-François Delfraissy a anticipé que le variant Delta gagne la France cet été au point de remplacer le variant Alpha comme cela se passe actuellement en Angleterre, avant d'ajouter, rassurant : « Mais en face de lui, il va avoir une sorte de bloc » constitué des personnes vaccinées. Pour autant, il pense probable une quatrième vague à l’automne, mais qui sera probablement « très différente ».
Cet article a initialement été publiée sur Medscape UK sous l’intitulé 'Exponential Growth' in COVID Cases in England. Traduit et complété par Stéphanie Lavaud.
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé