CPLF 2022- Débat autour de la place de la cigarette électronique comme outil de sevrage tabagique

  • Caroline Guignot
  • Actualités Congrès
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La cigarette électronique doit-elle être recommandée comme outil de sevrage tabagique ? Le HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique) a tranché la question en novembre dernier. La réponse est négative, et contredit en cela son précédent avis datant de 2016. Pour justifier cette nouvelle position, un niveau de preuve insuffisant, rapporté par le professeur Ivan Berlin (Pitié Salpétrière, Paris) au cours du congrès de la Société française de pneumologie (CPLF) qui s’est tenue à Lille du 21 au 23 janvier 2022. Une position jugée moralisatrice pour Gérard Dautzenberg.

Avis du HCSP

Dans ses recommandations, le HCSP explique que « les connaissances fondées sur les preuves sont insuffisantes pour proposer les SEDEN [Systèmes électroniques de délivrance de la nicotine] comme aides au sevrage tabagique dans la prise en charge des fumeurs par les professionnels de santé », sachant que ces derniers « se doivent d’utiliser des traitements médicamenteux ou non ayant prouvé leur efficacité. »

Pour autant, comme l’a indiqué Ivan Berlin, l’idée est de ne pas décourager l’usage de ces dispositifs par le grand public étant donné son ampleur et que la plupart des données épidémiologiques et de cohorte montrent que les SEDEN favorisent globalement le sevrage tabagique. Aussi, la deuxième recommandation du conseil est que ces dispisitifs peuvent « être utilisés par la population en dehors (ou en complément) d’une prise en charge dans le cadre du système de soin. L’absence des connaissances fondées sur les preuves n’exclut pas que le rapport bénéfices/risques de ces produits utilisés hors système de santé puissent représenter une aide pour certains consommateurs et contribuer ainsi à améliorer leur santé. »

Si le HCSP se prononce formellement contre l’usage chez la femme enceinte, il dit aussi les considérer « pour atteindre des publics vulnérables (en raison de co-addiction, de comorbidités, de facteurs sociaux…) à forte dépendance nicotinique, ayant exprimé une préférence pour les SEDEN et présentant une faible adhésion aux traitement ».

Selon le professeur Dautzenberg, « le HCSP fait des choix moraux qui négligent l’un des versants de l’evidence based medicine (EBM) en déterminant ce que doit faire le praticien dans la zone grise d’incertitude alors que l’EBM autorise tout à fait le praticien à choisir la façon dont il veut traiter ses patients en l’absence de preuve solide dans cette zone. » Pour lui, « exclure la place des SEDEN du conseil médical dans le sevrage tabagique conduit à dégrader l’image des SEDEN auprès des fumeurs, ce qui peut les conduire à mal ou ne pas les utiliser, en tout cas sans aide médicale », réduisant en cela les chances de voir basculer les fumeurs traditionnels vers les SEDEN de façon exclusive.

Les bases scientifiques derrière l’avis

Parce que les SEDEN ne sont pas développés comme des dispositifs médicaux, les études cliniques méthodologiquement solides restent rares et insuffisantes. Ivan Berlin a résumé les éléments aujourd’hui disponibles :

- l’efficacité et le rapport bénéfice-risque des SEDEN comme aide à l’arrêt ne sont pas clairement démontrés. Ils constituent un traitement de substitution nicotinique potentiellement prometteur, mais le nombre d’essais et leur qualité méthodologique sont insuffisants : les études randomisées comparant SEDEN aux mêmes dispositifs sans nicotine ou aux seuls conseils sont insuffisantes pour conclure. Par ailleurs, les données sur les effets indésirables sont manquantes.

- Si on considère que l’usage de SEDEN seul réduit les risques auxquels expose la consommation de tabac mais qui sont supérieurs à une abstinence, dans quelle mesure le vapotage peut-il constituer un outil de réduction des risques du tabac ? La question est ambivalente car les données suggèrent un effet des SEDEN favorisant le passage vers le tabac chez les non  fumeurs, avec une tendance inverse chez les fumeurs. Le risque d’induction d’addiction à la nicotine ou au tabac chez les jeunes non fumeurs est donc considérée par le HCSP comme fort probable.

- Enfin le risque de détournement d’usage (mésusage) est un risque probable et mal évalué.