COVID long : une loi crée une plateforme de suivi des malades chroniques du COVID-19
- Jean-Bernard Gervais
- Nathalie Barrès
- Actualités Médicales par Medscape
Une loi a été adoptée qui autorise la création d’une plateforme permettant de recenser les patients atteints de Covid longs, pour une meilleure prise en charge. Néanmoins leur reconnaissance en affection de longue durée (ALD) pose problème. La notion même de Covid long est critiquée par certains médecins.
« C'est une petite victoire, cela fait tout de même deux ans que la Covid est arrivé dans nos vies », s'enthousiasme Matthieu Lestage, 43 ans, porte-parole de l'association après J20, qui regroupe des patients atteints de Covid longs ou de symptômes post-Covid. Le 13 janvier dernier, en effet, le Sénat a définitivement adopté la loi créant une « plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid19". Présenté par le député Michel Zumkeller, cette loi a pour objectif la « création rapide d'une plateforme spécifiquement dédiée aux malades post Covid 19 » et « permettra à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se faire référencer comme souffrant ou ayant souffert de symptômes post-Covid », selon l'exposé des motifs de la proposition de loi.
« Ces personnes devront répondre à un questionnaire médical en indiquant les périodes ou la durée de leurs symptômes et en les détaillant à l’aide de réponses médicales pré‑formatées. Le volontaire pourra également apporter un commentaire personnalisé pour compléter les informations transmises de façon automatisée.
Toutes ces données recueillies par l’Assurance maladie permettront d’identifier ces personnes, de recueillir de précieuses informations sur les pathologies qu’auraient en commun ces malades, sur la durée de leurs symptômes, sur les traitements qui ont porté leurs fruits dans le processus de guérison », poursuit l'exposé des motifs.
Prise en charge
Composé de deux articles, cette loi, publiée au JO du 25 janvier dernier, indique que la plateforme pourra se « décliner sous toutes les formes proposées par les technologies, notamment des sites internet et des applications [...] Son accès est gratuit.
Qu'adviendra-t-il ensuite des patients qui auront été enregistrés sur cette plateforme ? Ils pourront prétendre à une prise en charge « soit par leur médecin traitant dans le cadre d’un protocole déterminé, soit dans une unité de soins post-Covid pour les malades atteints de pathologies plus lourdes ».
Si les Covid longs ne sont pas (encore) reconnus comme des affections de longue durée (ALD), néanmoins, la loi rappelle que « les analyses et les soins liés à la covid-19 et remboursés par l’assurance maladie en application de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale sont couverts intégralement ».
Retard de la France
Pour Matthieu Lestage, l'adoption de cette loi est une première étape, minime, mais nécessaire, pour ce qui est de la reconnaissance des covid longs. Et de souligner que la France est en retard, dans ce domaine, comparé à nombre de ses voisins européens : « Le Royaume-Uni par exemple, catégorise les malades Covid longs par âge, région, etc. Cela permet au système administratif et médical de pouvoir adapter l'offre de soins en fonction de la région, et du nombre de malades en covid longs de cette région. Cela permet aussi de mettre en place un schéma de suivi, des protocoles adaptés, et de se rendre compte de l'ampleur du phénomène. »
En matière de prise en charge, les patients atteints de Covid longs en France déplorent aussi un manque de moyens patent : « Ce qui a été fait jusqu'à présent est minime. Il s'agit de la mise en place de quelques centres multidisciplinaires qui commencent par prendre en charge quelques malades. Un petit nombre de médecins nous prennent en charge. Ces médecins sont encore trop peu nombreux eu égard au nombre de malades qui affluent dans l'association. »
Symptômes
Médecins et associations de patients ont tout de même réussi à caractériser les symptômes de cette « pathologie » : « Nous avons recensé 203 symptômes mais il est malaisé de dire quel symptôme est plus important qu'un autre, sans risquer de marginaliser des patients qui présentent des symptômes moins courants. Néanmoins le symptôme qui semble le plus partagé est la fatigue. Mais tous les symptômes sont handicapants, qu'il s'agisse des problèmes neurologiques, gastriques, les problèmes de parosmie, des problèmes d'ORL comme la présence d'acouphènes. Certains patients ont aussi la sensation de ne plus avoir conscience de ses membres, on appelle cela l'anosognosie. »
Reconnaissance en ALD
Prochain combat de l'association après J20 : la reconnaissance des Covid longs en ALD. Mais pour le moment, cette reconnaissance est rejetée par les autorités sanitaires et politiques : « Le premier but de l'association est la prise en charge administrative. Nous ne sommes pas reconnus en affection longue durée, et lors de la discussion de ce projet de loi, le Sénat a refusé de nous reconnaitre en ALD, du fait que nous ne sommes pas encore catégorisé d'un point de vue médical. »
En septembre dernier, la ministre déléguée chargée de l'autonomie, Brigitte Bourguignon, avait justifié ce refus, à la suite d'une question posée par la sénatrice Michèle Gréaume : « les connaissances actuelles sur la pathologie et la diversité des symptômes ne permettent pas d'envisager la création d'une ALD spécifique, faute de définition et de critères précis. »
Néanmoins, certains patients, lorsqu'ils arrivent à caractériser leur trouble post-Covid comme étant une affection longue durée, peuvent prétendre à une prise en charge, à l'instar de Matthieu Lestage : « Certains comme moi ont réussi à se faire reconnaitre en ALD, mais selon une pathologie unique, en ce qui me concerne il s'agit de problèmes neurologiques. Mais je ne pourrai pas faire reconnaitre en ALD des problèmes cardiaques en lien avec mon Covid long, puisque je suis déjà reconnu en ALD pour un type de pathologie. » Ce que confirme Brigitte Bourguignon : « certains patients sont déjà admis en ALD, soit dans le cadre d'une affection de longue durée figurant sur la liste des trente ALD identifiées – par exemple, en cas d'affections comme la fibrose pulmonaire, les séquelles d'encéphalopathie, ou encore les séquelles d'accident vasculaire cérébral –, soit via une ALD hors liste, dite « ALD 31 ». À ce titre, plus de 2.200 personnes ont bénéficié de ce dispositif en septembre 2021. »
Scepticisme
Quoi qu'il en soit, de nombreux médecins confessent leur scepticisme sur la notion même de covid long. Il en va ainsi du Dr Martin Blachier, très crique quant à l'étude de cohorte sur les Covid longs, Constances. « Les résultats de cette étude sont assez étonnants, puisque tous les symptômes du Covid long ne sont pas reliés au fait d’avoir eu le virus, mais à la conviction d’avoir été infecté par le virus, à l’exception d’un seul, la perte prolongée du goût et de l’odorat, seul symptôme typique de la covid à l’inverse de tous les autres que sont la fatigue, le mal de dos, les paresthésies, le mal de tête, qui sont des symptômes extrêmement communs », relève Martin Blachier. Et de conclure : « Mais il est très probable que l’immense majorité de ces Covid longs ne sont pas liés au fait d’avoir été infecté.e par le covid. »
Cet article a été écrit par Jean-Bernard Gervais et initialement publié sur le site internet Medscape.
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