COVID-19 - Un risque de non-assistance à personne en danger ?

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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La pandémie de COVID-19 expose les médecins au risque de contamination par le SARS-CoV-2. Ils doivent le mettre en balance avec leur obligation morale et déontologique de porter secours. Un groupe de juristes tunisiens s’est intéressé à la notion de non-assistance à personne en danger dans ce contexte. Droits tunisien et français étant proches sur ce sujet, leur travail conserve sa pertinence quand on l’applique à notre pays.

Les auteurs commencent par rappeler que « l’omission de porter secours est une infraction qui implique l’existence de trois conditions cumulatives : une personne en état de péril imminent, une abstention volontaire et l’absence de risque pour soi ou pour les tiers. »

Une personne en danger imminent

La première condition porte sur un péril « d’une telle gravité que l’acte d’assistance et de secours est immédiatement nécessaire. » Précision importante dans le contexte d’une épidémie dont les données scientifiques ont beaucoup évolué : « la gravité s’apprécie au jour du risque. » Des données établies ultérieurement qui montreraient que ce péril était en fait moins ou plus sérieux qu’escompté n’entrent pas en ligne de compte dans l’appréciation du juge.

Par ailleurs, l’acte de secours doit être possible, que ce soit par une intervention personnelle du médecin ou par le recours à un tiers (par exemple, le SAMU).

Pour apprécier le péril, le médecin est tenu de se déplacer sur les lieux. « Tout appel au secours adressé équivaut en pratique à une présomption de péril. » Cependant, l’obligation peut être contrebalancée par l’impératif de choisir entre plusieurs urgences, ou par d’autres cas de force majeure.

La loi n’oblige pas à être un héros

L’abstention volontaire, même sans volonté de nuire, sera « le plus souvent déduite du comportement du médecin ainsi que des circonstances. »

La troisième condition implique que la loi n’oblige pas à porter secours au détriment de son intégrité corporelle ou de celle d’un tiers. Dans le contexte du COVID-19, peuvent être considérées comme des menaces sur la santé du médecin en cas de contamination par le virus des affections dont il est atteint telles qu’un diabète déséquilibré, une bronchopneumopathie obstructive, une maladie cardiaque, une insuffisance rénale, un cancer, etc.

L’absence des moyens de protection adéquats (par exemple, masque ou circuit de tri des patients) exonère le praticien de l’obligation de porter personnellement secours, mais pas de vérifier au mieux la réalité du péril ni d’assurer la continuité des soins en orientant son patient (transport médicalisé, par exemple).

En conclusion, les auteurs recommandent la « prudence face à toute demande de soins notamment urgents. » Et ce d’autant plus qu’ils ne cachent pas que « la limite entre l’abstention délictueuse et les circonstances exonératoires de la responsabilité n’est pas toujours claire. »