COVID-19 : retour vers le futur
- Serge Cannasse
- Editorial
Voici bientôt deux ans que sévit l’épidémie de COVID-19. Nous n’entendons plus guère les prophètes du « monde d’après ». Et pour cause ! Leurs promesses d’un renouvellement civilisationnel semblent de plus en plus difficiles à tenir. On pourrait même avancer l’inverse : nous nous enfonçons dans le monde d’avant. La remarquable rapidité avec laquelle des vaccins ont été mis au point tient en grande partie à des politiques d’investissement anciennes, essentiellement aux États-Unis, comme d’habitude. L’apparition de variants inquiétants n’a pas surpris ceux qui avaient compris que l’avenir de la pandémie se jouait aussi, sinon essentiellement, dans les pays démunis. Ça n’a pas empêché la solidarité internationale d’avancer à pas comptés. En France, le Ségur de la santé n’a pas bouleversé grand chose. L’hôpital est redevenu le centre des préoccupations portant sur les soins. L’évolution de la médecine libérale vers un exercice coopératif et populationnel a été un peu accéléré, à preuve l’engouement pour les maisons de santé et les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé). Mais nous sommes encore loin du changement radical de paradigme promu par le HCAAM (Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie), à supposer qu’il soit souhaitable. Alors qu’une échéance électorale majeure est imminente, ce débat reste encore à peine ouvert, malgré l’importance que les citoyens lui reconnaissent.
La litanie pourrait se poursuivre longtemps. Il n’y aurait donc eu aucun changement ? En fait si, mais ailleurs que là où ils étaient attendus. On ne se risquera pas ici à commenter le renversement radical des politiques budgétaires des États occidentaux, passant du rabotage des dépenses pendant des décennies au brusque « quoiqu’il en coûte », du moins pour les secteurs jugés vitaux pour les équilibres économiques. Sur le seul plan de la santé, on se contentera de remarquer d’abord l’acceptabilité de plus en plus grande de la population française, réputée indocile, aux mesures sanitaires, même si leur cohérence et leur pertinence restent discutées. Cela ne surprend sans doute pas les historiens de la vaccination : celle-ci est d’autant mieux acceptée que le danger qu’elle évite ou diminue est perceptible. Second constat : notre pays tient à un des fondements de notre démocratie sociale, la protection des plus faibles. Les discussions sur le « sacrifice » de la jeunesse au profit de « vieux de toute façon condamnés » ont gagné en maturité, se rapprochant de débats plus sains articulés sur le principe de proportionnalité et la prise en compte des effets collatéraux de toute mesure sanitaire. Troisième surprise : la population et les professionnels de santé réalisent de mieux en mieux que la discipline médicale ne vit pas en vase clos, mais qu’elle s’imbrique étroitement dans son environnement, national comme international. On peut d’ailleurs espérer que leur compréhension du fonctionnement scientifique s’améliore, en particulier en ce qui concerne la place de l’autorité du praticien, du savant ou de l’expert. Ces quelques remarques sont peut-être les indices de modifications plus profondes de notre pays, comme l’ont noté récemment plusieurs sociologues.
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