COVID-19 : quatre semaines de confinement supplémentaires
- Caroline Guignot
- Actualités Médicales
Emmanuel Macron l’a annoncé hier soir : le confinement « le plus strict » devra encore se poursuivre jusqu'au lundi 11 mai, précisant que la tenue d’une telle échéance « ne sera possible que si nous continuons d'être civiques, responsables, de respecter les règles et que si la propagation du virus a effectivement continué à ralentir. ».
Au cours de son allocution, dans un vocabulaire bien moins guerrier qu’il y a un mois, le chef de l’Etat a précisé que les dispositions de « l'après 11 mai » seraient présentées par le gouvernement d’ici une quinzaine de jours, qui détailleront les modalités du retour progressif à une vie quotidienne habituelle : établissements scolaires, travail, commerces, lieux recevant du public…. Sur le volet médical et médicosocial, il a indiqué que les personnes âgées, vulnérables, handicapées et atteintes de maladies chroniques seront appelées à rester confinées au-delà de cette date « tout au moins dans un premier temps ». D’ici, là, le nombre de tests réalisables sera multiplié par 5 et mis en premier lieu à disposition des aînés, des soignants et des plus fragiles. Sur ce point, le président aura reconnu que le pays n’était « à l'évidence, pas assez [préparé] » : « Le moment, soyons honnêtes, a révélé des failles, des insuffisances », « comme tous les pays du monde, nous avons manqué de blouses, de gants, de gels hydro alcooliques », et nous n’avons pas eu « autant de masques que nous l'aurions voulu pour nos soignants, pour les personnels s'occupant de nos aînés, pour les infirmières et les aides à domicile. »
Des mesures pour la fin de vie
Le chef de l’État a tenu à « rappeler que tous ceux qui ont une maladie chronique ou souffrent d'autres maladies doivent pouvoir continuer à consulter leur médecin », alertant ainsi sur la désertion des salles d’attentes observées par les médecins libéraux.
Les hôpitaux et maisons de retraite doivent aussi s'organiser pour permettre la visite aux malades en fin de vie par les familles Cette volonté répond aux à l’avis exprimé par le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) fin mars ou à celui exprimé dans les pages du rapport que Jérôme Guedj a remis le 6 avril au ministre de la Santé pour préparer un plan nationale de lutte contre l’isolement des personnes âgées et fragiles isolées en période de confinement. Ce rapport soulignait en substance ce que le président rappelait hier « il n'y a pas que le virus qui tue : l'extrême solitude, le renoncement à d'autres soins peuvent-être aussi dangereux. »
Trop ou trop peu ?
Il est encore trop tôt pour établir avec certitude si ce délai de 4 semaines sera suffisant ou non pour initier concrètement la levée du confinement. Rappelons que le Conseil Scientifique qui apporte son expertise au chef de l’État a précisé trois conditions majeures pour envisager le déconfinement : (1) le soulagement des services de réanimation français avec une ampleur et une durée suffisante pour les services mais aussi les équipes de soignants afin qu’ils récupèrent de l’effort « considérable fourni pendant les semaines qui viennent de s’écouler, assortis à des stocks de matériel, traitements spécifiques à la réanimation, et équipement de protection », (2) une réduction du nombre global de cas COVID-19 suffisamment importante pour que la détection systématique des nouveaux cas « redevienne possible » et (3) la mise en place d’une stratégie post-confinement opérationnelle. Soit, selon les experts, une liste étoffée de nombreux pré-requis, (mesures de distanciation physique, disponibilité des protections matérielles, capacités hospitalières et de médecine de ville, surveillance épidémiologique opérationnelle, diagnostic rapide d’infection aiguë, modalités d’isolement des cas et contacts, protection des personnes vulnérables et à risque, contrôle aux frontières...). Liste à laquelle les éventuels traitements efficaces contre le virus viendront s’ajouter et éventuellement modifier la stratégie. Sur ce dernier point, « aucune piste ne sera négligée » a-t-il insisté.
Dès la fin de son allocution, les débats concernant la pertinence de cette échéance étaient donc ouverts. Le président de la FMF (Fédération des Médecins de France), Jean-Paul Hamon, estime pour sa part que la réouverture des crèches, des écoles et des lycées à la date du 11 mai serait prématurée et ferait « courir un risque inutile. » Plus tôt dans la journée, le directeur de l’OMS mettait en garde contre le risque de déconfinement prématuré de certains pays, face à un virus qualifié de 10 fois plus mortel que le virus H1N1. Certains états asiatiques, comme Singapour, mettent en lumière que la notion de contrôle de l’infection reste fragile et qu’un rebond épidémique est possible. La société allemande ayant développé les premiers tests homologués par l’OMS pour dépister le COVID-19 estiment également très délicat de lever trop rapidement les mesures de confinement. L’OMS devrait publier des conseils stratégiques sur le sujet aujourd’hui.
Déploiement de moyens
Dès la fin du confinement, le renforcement des capacités de dépistage en cours devra permettra d’identifier toute personne malade ou susceptible de l'être en post-confinement, afin d’isoler tout cas confirmé, indiquait hier le président, évoquant la montée en puissance des capacités de dépistage. Si elle est effective, suffira-t-elle? L’arrêté publié le 5 avril permettant la réalisation des tests a permis aux laboratoires équipés autres que les laboratoires d’analyse et de biologie médicale, de renforcer les rangs. Pour autant, le syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM) dressait il y a quelques jours, un tableau plus critique. Dans ses réponses à la Commission des Affaires sociales du Sénat concernant la stratégie de lutte contre le COVID-19, le syndicat résume clairement les retards décisionnels des pouvoirs publics, les blocages administratifs et les pénuries matérielles qui bloquent encore l’effort national.
Emmanuel Macron a aussi planté pour la mise à disposition de masques grand public et l’étude de certaines innovations comme une application numérique de tracking « sur la base du volontariat et de l'anonymat » qui permettrait de savoir si une personne s'est trouvée en contact avec une personne contaminée. Si le gouvernement ne veut « négliger aucune piste », le débat parlementaire devra assurer ne pas « mordre sur quelques libertés ».
Finalement, et plus largement, pour faire face à cette crise, le chef de l’Etat a promis un futur « plan massif pour la santé, la recherche et les aînés » et pour retrouver « une indépendance sanitaire et technologique » dont il reste à dessiner les contours et l’ampleur. Le collectif InterUrgences et le Collectif interHôpital ont rappelé attendre "la réalité des annonces", ce plan étant annoncé "pour la cinquième fois depuis juin 2019" sans pour l’heure voir le jour.
Ce lundi soir, le solde des admissions en réanimation était négatif pour le cinquième jour consécutif, le nombre total des personnes en état grave au sein des services de réanimation restant en revanche à un niveau élevé (6.821 patients). Avec également 98.076 cas recensés, 32.113 personnes hospitalisées (solde de +287 par rapport à la veille) et 14.967 décès liés au COVID-19 le début de l’épidémie, l’enjeu de santé publique reste critique.
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