[Mise à jour mardi 7 avril: si la journée d'hier a confirmé la diminution du solde net de nouveaux besoins en réanimation, elle a aussi été marquée par un nombre inédit de décès (833 en 24 heures) et par l'annonce d'une modification de la stratégie de dépistage au sein des EHPAD, où désormais tous les résidents et personnels seront testés dès l’apparition d'un premier cas confirmé dans l’établissement.]
Selon l'évaluation de la situation épidémique publiée, on recensait lundi matin 28.891 personnes hospitalisées pour infection à COVID-19 au sein de 949 établissements privés ou publics, soit un solde supplémentaire de 748 personnes de plus par rapport à la veille, une fois les sorties considérées.
Le nombre de cas admis en réanimation est de 6.978 personnes (35 % ont <60 ans, 106 ont moins de 30 ans), dont 390 entrées et 250 sorties, soit 140 personnes supplémentaires à admettre. Cette dernière semaine met donc en lumière une augmentation progressivement plus faible des besoins, probablement liée aux mesures de confinement, ceux-ci ayant été compris entre 450 et 480 en début de semaine dernière. Il a néanmoins été nécessaire de transférer 47 nouveaux patients des régions les plus en tension vers celles moins en tension, portant le nombre total de sujets transférés à 613 depuis le 18 mars. Afin de prêter main forte aux régions Grand-Est et Ile-de-France, 550 professionnels de santé se sont aussi mobilisés.
Le récent état des lieux organisé par les pouvoirs publics permettent de décrire un secteur social et médico-social fortement touché avec 22.361 cas de COVID-19 confirmés ou possibles signalés par 3.704 établissements depuis le 1 er mars, ainsi que 2.189 décès associés à la maladie. Le nombre total de décès est donc porté à 8.078, selon ces deux sources. Pour autant, il est probable que le recensement réalisé en EHPAD reste imparfait, selon le Synerpa , qui évoque la difficulté à être exhaustif en l'absence de test systématique et de la difficulté à attribuer avec certitude les décès au coronavirus. L’existence de dispositifs régionaux de collecte, parallèlement à la plateforme nationale mise en place par le gouvernement compliquerait aussi l’établissement du bilan réel.
À partir des données ambulatoires issues du réseau Sentinelles, Santé Publique France estime que 90.607 nouveaux cas de COVID-19 ont consulté un médecin généraliste entre le 23 et le 29 mars, alors qu’il était de 51.100 la semaine précédente et que 31.615 passages aux urgences pour suspicion de COVID-19 ont été rapportés par le réseau OSCOUR (20 % de l’activité totale des urgences), dont 41% ont fait l’objet d’une hospitalisation. Par ailleurs, 23.799 actes médicaux SOS Médecins pour suspicion de COVID-19 ont été enregistrés depuis le 3 mars.
Des cas graves majoritairement associés aux comorbidités
Santé Publique France propose un point hebdomadaire détaillé des données liées au COVID-19. Il met notamment en lumière que 62% des décès hospitaliers sont liés à des comorbidités et que 90% d’entre eux concernent des sujets de 65 ans et plus.
Une description de 1.325 cas graves admis dans 113 services de réanimation volontaires a permis de décrire, depuis le 16 mars, que 62% présentaient au moins, une comorbidité, principalement le diabète (24%) ou une pathologie cardiaque (21%). Cependant, 18% étaient âgés de moins de 65 ans et ne présentaient pas de comorbidité. Enfin, concernant les décès (n=83, 49% >74 ans)., 90% présentaient au moins une comorbidité, principalement cardiaque (51%), diabète (37%) ou pulmonaire (24%).
L’analyse de la mortalité spécifique au COVID-19 issue des certificats électroniques de décès depuis le 1 er mars met en lumière une majorité de décès survenant chez les hommes (59,1%), et des comorbidités dans 62 % des cas. Parmi les 1.931 cas analysés, on comptait 16 décès chez des sujets de 15-44 ans, dont 3 n’ayant pas de comorbidités.
Établissements médicosociaux : nouvelles mesures
Samedi, faisant écho à l’avis du Conseil scientifique, de nouvelles mesures ont été annoncées par le ministre de la santé et le secrétaire d’État en charge des personnes handicapées. Parmi elles, le suivi « en temps réel » de l’évolution de l’épidémie dans le secteur du handicap devrait permettre de mieux connaître la situation, et évaluer « les besoins de renfort dans le secteur médico-social et les capacités hospitalières à mobiliser ». La réalisation des tests PCR sera facilitée, notamment par l’intervention d’équipes mobiles dédiées ou d’infirmiers libéraux réalisant les prélèvements. [Mise à jour mardi 7 avril: Olivier Véran a annoncé lundi soir un vaste plan de dépistage au sein des EHPAD, où désormais tous les résidents et personnels seront testés dès l’apparition d'un premier cas confirmé dans l’établissement].
La prise en charge des cas pourra être faite dans l’établissement au maximum grâce à un appui extérieur (interventions d’infirmiers libéraux ou de SSIAD, facilitation de l’accès à la HAD, équipes mobiles d’hygiène hospitalière, mobilisation des professionnels des plateaux de consultation dédiées au handicap, mobilisation de la réserve sanitaire, télémédecine/télé-expertise/télé-suivi avec les spécialistes hospitaliers …). En cas de nécessité d’orientation vers l’hôpital, l’identification d’un médecin régulateur référent pour la prise en charge des personnes en situation de handicap devrait devenir systématique dans chaque centre 15. Des fiches-réflexes sont en cours d’élaboration pour aider les établissements à adapter leur démarches dans ces différentes situations.
À l’hôpital, une filière d’admission directe doit être proposée aux personnes en situation de handicap, notamment âgées, avec la possibilité d’envisager la présence d’un aidant professionnel ou familial. À la demande du gouvernement, le Groupe Polyhandicap France (GPF) et HandiConnect ont établi une fiche synthétisant les points de vigilance relatifs à l’accueil d’un patient polyhandicapé porteur de COVID-19 au sein d’un établissement hospitalier. Le HCSP (Haut Conseil de Santé Publique) a également émis un avis concernant l’accompagnement des personnes en situation de handicap qu'elles soient hébergées en structure ou vivant à domicile. Il aborde les questions relatives au maintient du confinement et au maintien de l'accompagnement par les aidants et les professionnels, ainsi que des situations de prise en charge de COVID-19.
Masques : é volution des préconisations
Alors que les recommandations nationales ou celles de l’OMS écartaient l’idée il y a encore une semaine, le port d’un masque par la population est aujourd’hui envisagée par le gouvernement, qui a déclaré encourager le grand public, « s'il le souhaite, à porter (...) ces masques alternatifs qui sont en cours de production ». Derrière ce revirement, la probable aérosolisation du virus avancée par différentes équipes, et appuyée par une publication de la revue Nature du 3 avril évoquant une transmission par aérosol possible pour les coronavirus , virus grippaux et rhinovirus. Dans cette étude, menée à Hong-Kong, des personnes avaient été randomisées entre le port ou non d’un masque chirurgical puis l’analyse des gouttelettes et de l’air expiré conduite. Ces données ont ainsi montré que les masques réduisaient fortement la détection de l'ARN du virus de la grippe dans les gouttelettes respiratoires mais aussi celle de l'ARN du coronavirus dans les aérosols.
Le même jour, l’Académie de médecine recommandait le port obligatoire d’un masque « grand public », ou « alternatif » obligatoire pour les sorties nécessaires en période de confinement. Elle précisait aussi que ce port devrait être maintenu en phase de décroissance de la courbe épidémique dans le cadre de la levée du confinement. Si l’industrie textile est mobilisée, l’Académie insiste sur la diffusion d’indications pratiques pour la fabrication de tels masques anti-projection pour permettre à la population de s’équiper, en l’absence de stocks adaptés sur les prochaines semaines.
Concernant les tensions d’approvisionnement sur les médicaments essentiels en réanimation, la SFAR et la SSA ont établi un document de priorisation des traitements de réanimation pour les patients en état critique en situation d'épidémie de COVID-19 avec capacités limitées .
La qualité de la gestion de la crise reste largement décriée depuis plusieurs semaines, ces aspects matériels constituant la partie émergée des problèmes de terrain. Treize organisations syndicales médicales, paramédicales, collectifs et associations d'usagers du secteur de la santé et de l'action sociale ont émis un communiqué commun le 2 avril dénonçant les manques de moyens anciens et actuels et appelant à restaurer les capacités à soigner et la nécessité de « définir une autre politique de santé et de protection sociale ».
Fin du confinement : l’Académie de Médecine émet ses recommandations
Alors que les plus récents chiffres de l’épidémie signent un effet sensible des mesures de confi nement, l’Académie de Médecine prend les devants et avancent ces recommandations, qui viendront alimenter la réflexion lancée par les pouvoirs publics sur la mise en œuvre du déconfinement.
Elle préconise notamment une sortie du confinement sur une base régionale et non par classe d’âge, déterminée sur la base d’une « décroissance nette du nombre de patients Covid-19 devant être hospitalisés » et « un retour des besoins de réanimation à l’état pré-épidémique ». Ceci pourra être envisagé à condition que les déplacements entre régions sorties de confinement et d’autres encore en situation de confinement soient interdits. Chaque sortie de confinement devrait rester assortie d’un maintien de l’interdiction des rassemblements, d’un maintien des mesures barrières et du port obligatoire d’un masque grand public anti-projection, maintenus jusqu’à fin de transmission du virus (aucun nouveau cas durant 14 jours).
L’Académie écarte le principe d’une sortie de confinement sur les résultats de tests biologiques individuels « dont la disponibilité et la fiabilité n’apparaissent pas assurées à brève échéance, et dont les implications opérationnelles seront sources de confusion ». Elle déconseille également un traçage des personnes selon les résultats de leurs tests biologiques. En revanche, des tests sérologiques à visée épidémiologique en population générale devront être enclenchés « au plus vite dans tout le pays sur une base régionale, en vue d’apprécier le risque de survenue d’une deuxième vague épidémique. »
Soignants : quel bilan ?
Même si plusieurs associations le demandent, comme l’UFML , l’idée d’un registre dédié permettant d’établir le nombre de soignants touchés par le COVID-19 en France n’est pas à l’ordre du jour, le DGS, Jérôme Salomon, en ayant écarté l’idée la semaine dernière. À défaut, seules les données indirectes permettent de jauger quel pourrait être l’ampleur du problème ; ils seraient ainsi 2.000 à 2.200 professionnels , dont 4 admis en réanimation, à avoir été infectés par le SARS-CoV-2 à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, que ce soit sur leur lieu de travail ou à domicile. D’autres bilans ont par exemple évoqué plus de 200 cas au CHU Strasbourg et 17 médecins et une trentaine de salariés touchés au CHU Montpellier le 27 mars ou encore 44 cas au CHU de Reims le 26 mars.
La CARMF (Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France), qui a mis en place des mesures spécifiques liées au COVID-19 pour ses affiliés, évoquait avoir reçu pour sa part, 177 demandes d'indemnisation concernant 779 médecins malades et 398 médecins vulnérables au 27 mars. Le recensement mené par le Quotidien du Médecin était ce jour de 660 professionnels libéraux ou hospitaliers. Le recensement mené par la Fédération Nationale Infirmière se poursuit.
Le bilan de l’épidémie sur la santé mentale des soignants reste aussi pour l’heure méconnu et devra être évalué. Si des initiatives ont été mises en place pour les accompagner au quotidien, l'Intersyndicale des internes a, elle, lancé une enquête .
Radiologie : base anonymisée de clichés COVID-19
Le 1 er avril, la Société française de radiologie a initié, avec plusieurs structures, la constitution d’une base de données anonymisées de scanners thoraciques réalisés pour suspicion d’atteinte pulmonaire liée au SARS-CoV-2 (scanner certain de COVID, possible, négatif ou avec une autre pathologie). Baptisé FIDAC , ce projet vise à offrir aux chercheurs une base de données riche pour mieux connaître la maladie et établir notamment des biomarqueurs diagnostiques, pronostiques ou prédictifs. Le recueil est effectif et se poursuivra jusqu’au 5 août.
HCSP : réactualisation des avis
Le HCSP a apporté un complément concernant la prise en charge des personnes à risque de formes graves , qui précise la liste des personnes à risque de formes graves de Covid-19, à savoir:
- les personnes âgées de 70 ans et plus,
-les personnes avec antécédents, les diabétiques non équilibrés ou présentant des complications,
- les personnes présentant une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale,
- les patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée,
- les patients atteints de cancer évolutif sous traitement.(hors hormonothérapie.
En l’absence de données de la littérature, mais compte-tenu des données existant dans d'autres infections respiratoires, sont également considérées à risque de forme grave :
- les personnes avec une immunodépression congénitale ou acquise, les malades atteints de cirrhose de stade Child Pugh B ou plus, les personnes présentant une obésité (IMC>30 kg/m2),
- les personnes présentant un syndrome drépanocytaire majeur (risque de surinfection bactérienne ou de syndrome thoracique aigu) ou ayant un antécédent de splénectomie
- les femmes enceintes, au troisième trimestre de la grossesse.
La HCSP a également émis un avis relatif à la protection des personnels de collecte de déchets.
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