COVID-19 : pour une surveillance épidémiologique transformée et renforcée

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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Pour Mélanie Heard, responsable du pôle santé du think-tank (groupe de réflexion) Terra Nova, il est illusoire de s’imaginer que l’éventuelle transformation de la circulation du SARS-CoV-2 en endémie signifie le retour à la normale, grâce notamment à la vaccination. Certes, celle-ci permet « d’espérer une protection croissante contre les formes graves de la COVID-19. » Mais la durabilité de l’immunité populationnelle demeure très incertaine et la persistance de la circulation virale ne signifie pas pour autant la disparition des formes sévères, notamment dans les populations immunodéprimées ou celles qui n’ont pas ou peu accès à la vaccination (par exemple, les enfants). En outre, définir ce qu’est une forme grave ne va pas de soi, en particulier si on songe au COVID long ou à l’apparition de troubles cardiovasculaires dans l’année suivant une contamination. Enfin, il est impossible d’anticiper les enjeux que posera un éventuel nouveau variant.

Quelle surveillance épidémiologique ?

La prudence conseille donc de « se doter d’une capacité robuste de surveillance épidémiologique et d’alerte. » Mais laquelle ?

Pour certains, le nombre de cas détectés ne serait plus un bon indicateur, notamment pour des raisons de coût. Il devrait être remplacé par les taux de saturation hospitalière, qui est seule critique pour la réponse publique. C’est la voie empruntée par la Suède (où les tests ne sont plus gratuits) et par le Royaume-Uni (où la gratuité des tests est réservée aux hôpitaux et aux personnes à risque), voire éventuellement par la France, où il serait envisagé que le dépistage soit concentré sur les patients symptomatiques et les personnes à risque et non plus sur les cas-contacts. Comme actuellement, il dépendrait essentiellement de démarches individuelles (se faire dépister), avec l’inconvénient de manquer les infections asymptomatiques. La question se poserait alors de savoir si une accélération ou un ralentissement des cas signifierait un ralentissement de l’épidémie ou un moindre recours au dépistage. Quant à attendre les résultats en termes d’hospitalisation, cela fait perdre deux à quatre semaines pour ajuster la réponse publique.

Surveillances génomique et par échantillonnage

Restent deux stratégies pertinentes et complémentaires. En premier lieu, le renforcement de la surveillance génomique par le séquençage des échantillons positifs, effectuée actuellement par des « enquêtes flash ». Indispensable, elle a encore des limites techniques en France, malgré les grands progrès réalisés (calibrage des différents périmètres de séquençage, collaboration avec la recherche scientifique, intégration dans la base de données internationale GISAID, etc).

En second lieu, il faut renforcer les activités de collecte, d’analyse, d’interprétation et de diffusion des informations relatives à la circulation du virus dans la population auprès des autorités sanitaires .

La surveillance par le biais des eaux usées est utile, mais elle ne dit pas qui est malade (par exemple, plutôt les enfants ou les adultes ?). « La voie royale » est « l'échantillonnage aléatoire et répété. » Pour Mélanie Heard, il a été mis en œuvre de manière remarquable au Royaume-Uni. Le dispositif mis en place par le Bureau des statistiques nationales « teste au moins tous les deux semaines une cohorte d’environ 180.000 personnes, avec des analyses sanguines mensuelles auprès d'environ 150.000 personnes. » Il permet d’avoir une bonne estimation du niveau de contamination de la population.

En son absence, les épidémiologistes dépendent d’hypothèses, qui peuvent s’avérer plus ou moins correctes, et conduire à des évaluations plus ou moins justes. Ce genre de dispositif est coûteux et réclame « un effort coordonné de la part des pouvoirs publics et de la communauté scientifique concernée », ainsi qu’un « public motivé ». Pour Mélanie Heard, ces conditions peuvent être réunies en France. Aussi, la mise en place conjointe d’une surveillance génomique et d’une surveillance épidémiologique par échantillonnage représentent certes un effort important pour le pays, mais « l’absence de pilotage raisonné serait également une option très coûteuse. »