Covid-19 : pandémie au plan international, le stade 2 maintenu en France

  • Caroline Guignot
  • Actualités Médicales
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Mercredi 11 mars, l’OMS a pour la première fois qualifié la situation liée au SARS-CoV-2 de pandémie, son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus indiquant son inquiétude face aux «niveaux de diffusion et de dangerosité, ainsi que des niveaux alarmants de l’inaction ». En effet, ce jeudi matin, 126.258 cas étant recensés dans 116 pays depuis le début de l’épidémie (dont 68.284 guérisons). L’Italie et l’Iran sont les deux principaux pays les plus touchés avec respectivement 12.462 cas et 824 décès ainsi que 9.000 cas et 354 décès [EDIT 13 mars : 133.860 cas, 4.967 décès, dont 15.113 cas et 1.016 décès en Italie, 10.075 cas et 429 décès en Iran).

En France, on comptait 2.281 cas diagnostiqués mercredi 11 au soir, avec 48 personnes décédées et 105 en réanimation. Ces tout derniers jours, de nouveaux regroupements de cas ont été signalés dans l’Aude, l’Hérault et le Calvados. Cependant, la vitesse de propagation reste très hétérogène sur le territoire et ne justifie pas le passage au stade 3 de l’épidémie, même si celui-ci pourrait être annoncé ce soir par Emmanuel Macron, lors de son allocution télévisée.

Pour l'heure, les mesures restent adaptées en fonction de la situation des territoires : ainsi, les fermetures des établissements préscolaires et scolaires ainsi que l’interdiction des rassemblements, déjà prises dans le Haut-Rhin, l’Oise et Ajaccio ont été élargies à l’ensemble de la Corse ainsi qu’à un territoire proche de Montpellier et rassemblant 19 communes.

Outre les mesures barrières recommandées à l’ensemble de la population et les recommandations aux personnes malades, des mesures drastiques ont été adoptées hier, visant à protéger les personnes âgées : désormais, l’intégralité des visites de personnes extérieures dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et dans les unités de soins de longue durée (USLD) est suspendue. Les visites sont aussi fortement déconseillées dans les résidences autonomie. Ces mesures, qui vont être accompagnées de protocoles proposés par les pouvoirs publics, devraient durer plusieurs semaines. Ce jour, le ministère devrait aussi annoncer des mesures concernant les établissements accueillant des personnes atteintes de polyhandicap.

Par ailleurs, ce mercredi, le ministère de la santé a mis en place un Conseil Scientifique rassemblant 10 experts - les infectiologues Denis Malvy, Didier Raoult et Yazdan Yazdanapanah, le virologue Bruno Lina, Pierre Louis Druais pour la médecine de ville, la réanimatrice Lila Bouadma, ainsi que l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, Simon Cauchemez, modélisateur, Daniel Benamouzig, sociologue et Laetitia Atlani-Duault anthropologue - autour de son président Jean-Francois Delfraissy. Ce conseil se réunira au moins une fois par jour par vidéoconférence pour répondre aux questions médicales, épidémiologiques, éthiques se posant dans le cadre de la situation fortement évolutive de l’épidémie en France.

Des masques et des moyens !

Pour accompagner la prise en charge des cas en ville, un arrêté inscrivant la détection du génome du SARS-CoV-2 par RT PCR à la nomenclature de biologie médicale est paru le 8 mars au Journal Officiel, permettant aux laboratoires de biologie médicale de ville d’être mobilisés dès aujourd’hui. Cependant, le syndicat des biologistes a indiqué que « les conditions sanitaires ne sont pas encore remplies pour [qu’ils] puissent prendre en charge les patients suspectés de Covid-19 », notamment du fait de l’absence d’équipement des biologistes et de leurs équipes en masques de protection FFP2 mais aussi en masques chirurgicaux. Le syndicat souligne dans le même temps leur incapacité à tous pouvoir proposer « un circuit différencié pour isoler les patients à risque des autres patients ». Jérôme Salomon, directeur de la DGS, a indiqué souhaiter l’organisation de filières de prise en charge des prélèvements en ville (domicile, EHPAD) « en encourageant la mise en place d’équipes de prélèvements mobiles qui se déplaceraient chez le patient » qui restent à formaliser.

La disponibilité du matériel en ville reste criante et nombre d’organisations médicales sont déjà montées au créneau. Dans les établissements de santé, un sondage réalisé par le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI) entre le 3 et le 6 mars auprès de 16.383 infirmières, cadres infirmiers ou infirmières spécialisées rapporte que 63% des répondants sont régulièrement confrontés à un manque de masques chirurgicaux et de solution hydroalcooliques. Les vols sont aussi notifiés par 35% des infirmières participantes.

Plus largement, c’est évidemment la question des moyens de fonctionnement et donc les moyens humains qui devient de plus en plus critique, notamment dans les territoires les plus touchés. C’est la raison pour laquelle le collectif inter-hôpitaux (CIH) a émis un communiqué en date du 8 mars dans lequel il appelle à un correctif budgétaire immédiat afin de financer l’hôpital, à l’image de ce qui a été fait en Italie, où un milliard d’euros a été alloué pour faire face à l’urgence. Le collectif appelle, lui, à un budget de 3 à 4 milliards d’euros, qui permettront notamment de recruter 40.000 infirmières.

Recommandations d’experts pour la prise en charge des patients

Plusieurs sociétés savantes (SRLF, SFAR, SFMU, GFRUP, SPILF) ont établi et publié le 10 mars des recommandations d’experts à travers la mission COREB nationale.

Ainsi, ces recommandations préconisent, durant la phase épidémique, le port du masque chirurgical lors de tout contact à moins d’un mètre d’un patient, et lors de l’évaluation initiale de tout nouveau patient avec détresse respiratoire, « sauf en cas de cluster de transmission dans la région, auquel cas il est recommandé de porter un masque FFP2 ». Un soignant présentant un syndrome viral même peu symptomatique doit porter un masque chirurgical, et l’hypothèse d’une infection par le SARS-CoV2 doit être envisagée, ainsi que « recherchée dans les régions où des clusters épidémiques ont été identifiés ».

Le texte apporte aussi des recommandations spécifiques à l’isolement, notamment en l’absence de chambres sans traitement d’air, au recours à la ventilation, la gestion des voies aériennes, le transport intra-hospitalier...

Il dresse les lignes directrices concernant la prise en charge thérapeutique, fondée sur les « potentielles thérapeutiques évaluées lors des épidémies de SARS-CoV en 2003 et de MERS-CoV en 2013 ». Il place le remdesivir « en tête des thérapeutiques potentiellement utilisables dans l’infection à SARS-CoV-2 », avec une activité supérieure à l’association lopinavir-ritonavir dans des tests in vitro et dans un modèle murin. Cette dernière combinaison a été utilisée chez 6 patients (dont 5 à Singapour dont 3 se sont améliorés), mais les données ne permettent pas de conclure pour l’heure. La chloroquine est aussi évoquée, le texte indiquant qu’une dizaine d’essais cliniques est en cours et que, s’il n’existe pas pour l’heure de consensus, une posologie de 500 mg deux fois par jour ou de 200 mg trois fois par jour avec l’hydroxychloroquine pendant 10 jours pourrait être proposée. Enfin, l’umifenovir fait l’objet d’un essai clinique chinois dans l’infection à SARS-CoV 2, mais pourrait voir son utilisation fondée sur les données issues d’une étude conduite dans la pneumopathie. D’autres molécules et anticorps monoclonaux restent à évaluer (favipiravir, , niclosamide, bictegravir, atazanavir, MHAA4549A -IgG1 monoclonale ciblant un épitope HA  du virus influenzaA….). Enfin, le texte évoque les différents aspects relatifs au recours à une antibiothérapie, à l’oseltamivir dans le cadre d’une co-circulation du virus grippal ou les modalités de prise en charge d’une détresse respiratoire...

Le Haut conseil de Santé Publique, dans son avis du 5 mars relatif à la prise en charge des cas confirmés d’infection au virus SARS-CoV2 faisait aussi le point sur les données cliniques relatives aux différentes thérapeutiques. Concernant la prise en charge des infections a- ou paucisymptomatiques, il rappelait l’absence d’indication d’un traitement antiviral, la nécessité d’un diagnostic virologique par prélèvement naso-pharyngé « lorsque la situation le permet » et le suivi clinique avec surveillance et recherche des signes d’aggravation justifiant l’hospitalisation, avec notamment une fréquence respiratoire >30 /min.

Symptômes et spécificités cliniques du Covid-19

Le parallèle entre l’infection liée au nouveau coronavirus et celle liée à la grippe ne cesse d’être évoqué par le grand public comme dans les médias. Les symptômes et la gravité de la pathologie, liée à l’âge et à la présence de comorbidités, sont les mêmes et favorisent cette confusion. Cependant, « malgré l'homogénéité phylogénétique entre le SRAS-CoV-2 et le SRAS-CoV, certaines caractéristiques cliniques différencient le Covid-19 du SARS-CoV, du MERS-CoV, ainsi que de la grippe saisonnière » indique une publication parue dans le NEJM : elle décrit ainsi l'absence de fièvre chez plus de 50% des patients à l’admission et près de 12% durant l’hospitalisation, tandis que les troubles gastro-intestinaux sont rares. D’autres caractéristiques lui sont spécifiques comme la présence d’anomalies au niveau des radiographies pulmonaires chez trois quarts des patients, une leucopénie moins fréquente et une plus grande variabilité dans la fréquence des troubles de la fonction hépatique.

Le Haut conseil de Santé Publique, dans son avis du 5 mars, rappelle l’existence d’une période charnière relative à l’aggravation avec l’apparition d’une dyspnée vers J8 et d’une détresse respiratoire entre J5 et J9 selon les publications.

Dans les recommandations de prise en charge du COREB évoquées ci-dessus, il est rappelé que l’infection par le SARS-CoV-2 est associé à une mortalité de 2% « probablement surestimée compte-tenu des incertitudes concernant le dénominateur », sachant qu’ « au sein des patients identifiés, 15% des cas confirmés développeront des formes sévères et la mortalité en réanimation [étant] de 60-70%. »

Avis des spécialistes d’organes

Certaines spécialités ont émis des avis concernant les particularités relatives à leur sphère d’intervention, comme les cardiologues fin février.

Une étude parue dans The Lancet et ayant regroupé le suivi de 9 femmes enceintes infectées montre une présentation clinique similaire à celle des autres patients, ainsi qu’une absence de signes évoquant la transmission intra-utérine du virus à l’enfant. La Société Française de Pédiatrie résume les données rassurantes, issues de la littérature pour l’heure disponible, en concluant que « les enfants semblent donc très peu touchés par ce virus », mais qu’ « il est possible que les cas pédiatriques soient sous diagnostiqués de fait de tableaux peu symptomatiques. » Le rapport du HCSP fait également le point sur les spécificités propres à ces deux dernières populations.

L’association américaine d’ophtalmologie indique quant à elle que certaines données suggèrent que le virus peut provoquer une conjonctivite et être transmis par le contact aérosol avec la conjonctive du globe oculaire. Aussi, les patients qui présenteraient une conjonctivite associée à de la fièvre ou des symptômes respiratoires pourraient être des cas possibles de Covid-19.

Annulation, solutions palliatives et reports des congrès médicaux

Comme les autres évènements rassemblant plus de 1.000 participants, plusieurs congrès francophones devant se tenir en France dans les prochains jours ou semaines sont reportés ou annulés. C’est notamment le cas du congrès de médecine générale CMGF 2020, reporté du 18 au 20 Juin, le 18 au 20 Juin, le congrès de la Société Française d’Hématologie, prévu début avril et pour l’heure annulé ou les Journées Francophones d'Hépato-gastroentérologie et d'Oncologie Digestive reportées au 25 au 28 juin 2020. Le congrès de la Société francophone du diabète, qui devait se tenir à Bruxelles mi-mars, a lui aussi été reporté au mois de juin. Enfin, de nombreuses autres conférences médicales internationales ont été annulées ou reportées. Beaucoup envisagent un report, et certains envisagent ou proposent d’ores et déjà des contenus ou conférences virtuels comme l’American College of Cardiology (ACC) ou la Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections (CROI), qui se tient actuellement par vidéoconférences.