COVID-19 : L’Afrique moins touchée que l’Europe, vraiment ?

  • Serge Cannasse
  • Actualités professionnelles
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En première approximation, l’épidémie de COVID-19 a beaucoup moins touché l’Afrique que l’Europe. Mais l’évaluation du nombre de cas dépend de la qualité de la surveillance épidémiologique des pays, elle-même fonction de l’état de leur système de santé. Pour estimer celui-ci, un groupe de chercheurs s’est basé sur le nombre de lits d’hôpitaux par habitants. Il est très variable, en moyenne de 3,3‰ au nord et 2,7‰ au sud (contre 5,5‰ en Europe), avec des valeurs très faibles en Afrique de l’Ouest (0,4‰ en Mauritanie, 0,1‰ au Mali). Ainsi on peut estimer que le nombre de cas de covid est en moyenne sous-évalué d’un facteur 8,5, mais compris entre 10 et 20 en Afrique de l’Ouest et de l’Est.

Par ailleurs, la proportion de personnes de plus de 60 ans, celles qui sont préférentiellement hospitalisées pour COVID-19, est bien plus faible en Afrique qu’en Europe.

En définitive, à systèmes de santé et conditions démographiques équivalents, les nombres de cas et de décès seraient comparables à ceux de l’Europe. En effet, aucun autre facteur significatif ne ressort des analyses.

Un outil de modélisation de la dynamique épidémique

Cependant, remarquent les chercheurs, « une épidémie n’est pas une succession d’états épidémiques indépendants. » Ce qui importe, c’est sa dynamique. Or celle d’une épidémie émergente est très compliquée à décrire, « ses composantes (populations humaines, animales ou végétales) comme le rôle des facteurs en jeu (conditions environnementales, climatiques, etc.) n’étant pas toujours bien identifiés – ni même accessibles à l’observation. Et leurs couplages sont souvent mal connus et complexes. » Beaucoup d’outils sont basés sur l’intelligence artificielle, mais celle-ci nécessite de très grosses quantités de données obtenues sur des périodes suffisamment longues, ce qui est très ardu dans ces contextes. Il faut également tenir compte de l'extrême diversité des situations nationales et de l’immense difficulté à évaluer le nombre des patients a- ou pauci-symptomatiques.

C’est ce qui a conduit l’équipe de chercheurs à développer un outil de modélisation épidémique basé sur la théorie mathématique du chaos (ou, en termes savants, théorie des systèmes dynamiques non linéaires). Il a l’avantage d’être sensible aux variations des conditions initiales, qui peuvent donner des évolutions imprévisibles à long terme. Testé sur l’épidémie de peste de Bombay (1896-1911) et sur celle d’Ebola en Afrique de l’Ouest (2013-2016), il a été appliqué à l’Afrique pour le COVID-19, et a permis d’aboutir à quelques résultats :

  • Les mesures prises en début d’épidémie déterminent largement sa dynamique ultérieure.

  • Le nombre de cas-contacts chute brutalement en début d’épidémie, puis souvent plus lentement ensuite.

  • Une fois le régime épidémique amené à un niveau bas, il est possible de relâcher partiellement les mesures de contrainte. Les politiques d’atténuation semblent permettre un maintien des cas-contacts à un niveau suffisamment faible pour éviter des reprises rapides de l’épidémie, même si la mobilité populationnelle augmente.

  • La très nette augmentation des cas-contacts en début 2022 s’explique essentiellement par l’arrivée du variant Omicron et non par les politiques de lutte contre l’épidémie.

En conclusion, les auteurs plaident pour appliquer leur outil aux pays d’Asie du Sud-Est, notamment pour évaluer l’efficacité de la stratégie zéro Covid.