Covid-19: Israël tente de reprendre le contrôle après un rebond épidémique

  • Vincent Richeux

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales par Medscape
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Alors que l’épidémie de Covid-19 était sous contrôle, Israël remet en place certaines mesures de restrictions pour faire face à la hausse des contaminations liées à l’arrivée du variant delta sur son territoire. Est-ce le signe d’un échec de la campagne de vaccination de masse instaurée par le pays ? Interrogé par Medscape, le Pr Cyrille Cohen (laboratoire d’immunothérapie, université de Bar Ilan, Israël) répond par la négative.

Début juin, « les infections se limitaient à quelques cas par jour, voire aucun. Et, ces trois dernières semaines, un seul décès par Covid-19 a été enregistré », explique-t-il pour illustrer le contrôle de l’épidémie obtenu après vaccination de la population.

Aujourd’hui, même si le nombre de nouveaux cas quotidien est remonté (427 au 6 juillet), « le vaccin protège aussi contre le variant delta », précise le professeur d’immunologie.

Une levée des restrictions de courte durée

Initiée en décembre dernier, la campagne de vaccination de masse en Israël a permis de vacciner en un temps record plus de la moitié de la population israélienne, ce qui s’est traduit dans un premier temps par une nette baisse des décès et des hospitalisations, en particulier chez les plus âgés.

Estimant que le pays était venu à bout de l’épidémie, le gouvernement a pris la décision de suspendre les restrictions sanitaires à l’intérieur du territoire à partir du 1er juin. Le pass sanitaire est abandonné et le port du masque en intérieur devient facultatif.

Le répit a finalement été de courte durée. Malgré des contrôles renforcés aux frontières (double test PCR, confinement obligatoire des voyageurs…), les efforts n’ont pas été suffisants pour empêcher le variant delta de faire son apparition sur le territoire.

Moins d’une semaine après la levée de l’obligation du port du masque, deux foyers de contaminations liés au variant delta ont été détectés dans des établissements scolaires. En cause: « des parents revenus de l’étranger qui n’ont pas respecté l’isolement et ont envoyé leurs enfants à l’école », a précisé l’immunologiste.

Le pays est depuis confronté à un rebond épidémique, provoqué dans 90% des cas par le variant delta, deux fois plus contagieux que le variant alpha auparavant majoritaire. Plusieurs centaines de cas sont enregistrés par jour.

Lundi dernier, le cap des 500 nouvelles infections a été franchi. Un chiffre qui pourrait doubler d’ici une semaine, estime le Pr Cohen, qui précise que la moitié des cas concerne des enfants scolarisés. En parallèle, le nombre de cas graves est passé de 25 à 35 en une semaine.

Pour autant, le spécialiste, également membre du conseil consultatif sur les essais cliniques des vaccins contre le Covid, estime que cette évolution de la situation épidémique n’est pas si préoccupante compte tenu des dernières données rapportées par le gouvernement israélien sur l’efficacité du vaccin Pfizer/BioNTech contre le variant delta. 

Les résultats montrent, en effet, une efficacité à 94,3% contre les formes graves provoquées par ce variant, qui tombe toutefois à 64% contre les infections et les formes non graves, bien moins que dans le cas du variant alpha.

Le vaccin toujours efficace contre les formes graves

Ce niveau de protection plus faible contre le variant delta pourrait d’ailleurs expliquer pourquoi environ un tiers des nouvelles contaminations concernent des individus vaccinés. Un taux souvent repris ces derniers temps pour pointer injustement l’inefficacité du vaccin, alors qu’il s’explique également par le fort niveau de vaccination atteint dans ce pays, les individus vaccinés étant devenus majoritaires, en particulier chez les plus âgés.

« Chez les plus de 60 ans, le risque de faire une forme grave est approximativement 17 fois plus [important] si l’on n’est pas vacciné », explique le Pr Cohen sur Facebook.

« L’arrivée du variant delta a changé la donne. Mais, le plus important est de constater que le vaccin protège à plus de 90% des formes graves et des hospitalisations », estime l’immunologiste.

Selon lui, les résultats sur l’efficacité du vaccin étant rassurants, « il faut désormais apprendre à vivre avec la Covid-19 », en s’appuyant sur la vaccination et en adaptant les mesures de prévention selon l’évolution de la situation épidémique, et ce tant que la morbidité est contrôlée.

Le port du masque à l’intérieur est à nouveau obligatoire depuis une dizaine de jours. Le gouvernement israélien devrait aussi annoncer ces prochains jours de nouvelles mesures, dont une limitation des rassemblements des personnes à risque et des personnes non vaccinées, notamment les enfants, a indiqué le Pr Cohen.

Le dépistage des voyageurs israéliens arrivant à l’aéroport devrait être également renforcé, « même chez les vaccinés », tandis que la réouverture du pays aux touristes étrangers vaccinés a été retardée d’un mois.

Un renforcement des contrôles est également prévu dans les lieux clos pour vérifier que la population se réapproprie le port du masque. « Il se peut aussi que le pass sanitaire soit à nouveau mis en place » dans une version peut-être moins restrictive vis-à-vis des personnes non-vaccinées, en limitant par exemple son usage à certains événements ou à certains lieux à risque comme les Ehpad.

Près de la moitié des 12-15 ans vaccinés

Concernant la vaccination, en réaction à la hausse des cas, le gouvernement a lancé fin juin une nouvelle campagne pour vacciner les jeunes israéliens âgés de 12 à 15 ans. Le nombre de vaccination a alors à nouveau progressé pour atteindre plus de 10 000 injections quotidiennes, soit un niveau équivalent à celui observé en mars dernier lorsque la vaccination de la population adulte a commencé à stagner.

Selon le Pr Cohen, les parents ont plutôt bien réagi à cette campagne, même si certaines réticences sont inévitables. En deux semaines, « près de 100 000 enfants de 12 à 15 ans ont reçu une première dose », soit près de la moitié des individus de cette tranche d’âge.

Les dernières données du ministère de la santé israélien affichent une couverture vaccinale complète de près de 61% sur l’ensemble de la population, pour un total de 9,3 millions d’habitants. Un tiers des enfants et adolescents de 12 à 19 ans ont reçu ont moins une dose du vaccin.

La vaccination des adolescents et des jeunes adultes fait toutefois craindre l’apparition de myocardites post-vaccinales associées aux vaccins ARNm de Pfizer ou de Moderna. En Israel, 110 cas de myocardite ont été identifiés parmi les 5 millions de personnes ayant reçu les doses de vaccin, essentiellement chez de jeunes garçons, a rapporté auprès de Science le Dr Dror Mevorach (Hadassah University Medical Center, Jérusalem), chargé par le ministère de la santé israélien d’enquêter sur cette complication.

L’inflammation surviendrait dans un cas sur 30 000 à 60 000 individus vaccinés âgés de 16 à 24 ans, « en général trois à quatre jours après la deuxième dose », précise le Pr Cohen. « La plupart des cas sont bénins et seule une minorité nécessite une intervention médicale ».

« Pour l’instant, il n’y a pas de changement d’approche envisagée dans la vaccination. Les jeune se faisant vacciner sont prévenus. Il faut être conscient du risque et signaler le moindre symptôme en cas de doute. »

Une troisième dose de vaccin envisagée

Pour assurer une meilleure protection de la population contre le variant delta, l’administration d’une troisième dose du vaccin est également envisagée par le gouvernement. L’intérêt de cette stratégie est en cours d’évaluation en population générale.

« Actuellement, cette troisième dose ne se justifie pas, sauf peut-être pour les plus à risque. Les données ne sont pas suffisantes pour s’assurer de la sécurité du vaccin après trois doses », estime le Pr Cohen. L’administration d’une troisième dose a été validée uniquement chez les personnes immunodéprimées.

« A partir du moment où on a réussi à minimiser les pertes humaines et à protéger les personnes à risque, on ne peut pas faire grande chose de plus. Une fois la population en majorité vaccinée et la vaccination ouverte aux plus jeunes, on se retrouve forcément à cours d’option », poursuit l’immunologiste.

« Les cas de contamination peuvent augmenter, mais tant qu’il n’y a pas de hausse significative des cas graves et des décès, il n’y a pas de raison de reconfiner. Il va falloir s’habituer à la présence du virus ».

Le Pr Cyrille Cohen n’a pas déclaré de conflits d’intérêt en lien avec le sujet.

Cet article a initialement été publié sur le site Medscape