COVID-19 et VIH : les meilleurs exemples de pratiques des professionnels de santé dans le monde
- Agnès Lara
- Medical News
Quels sont les défis auxquels expose l’épidémie de COVID-19 et comment sont-ils abordés par les professionnels de santé en première ligne ? Certaines des nouvelles approches et pratiques introduites au cours de l’épidémie pourraient-elles être conservées de façon durable à l’avenir ?
L’International AIDS Society a rassemblé les premiers travaux et retours d’expérience de professionnels de santé en première ligne dans la lute contre le COVID-19 concernant la façon dont la maladie impacte les personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Dans une série de webinaires, les experts ont discuté et partagé les enseignements tirés à différents stades de la pandémie et dans différents pays, y compris dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Les difficultés surmontées pourraient aider à modifier les pratiques à l’avenir, avec davantage de soins centrés sur le patient et un fardeau moins important pour le système de santé.
Univadis a synthétisé ces échanges :
Le Professeur Monica Gandhi a analysé l’impact possible du VIH sur l’évolution de COVID-19 :
Plusieurs facteurs pourraient favoriser une évolution défavorable :
- la distance de l’hôpital,
- l’immunosuppression qui peut aggraver la réponse au SARS-Cov-2,
- la présence d’autres comorbidités qui pourraient aggraver l’évolution du COVIFD-19 chez les PVVIH.
D’autres facteurs sont supposés améliorer l’évolution de la maladie :
- Puisque le VIH modère la réponse inflammatoire, une moindre inflammation pourrait atténuer la tempête de cytokines et la sévérité du COVID-19 ;
Certains médicaments contre le VIH ont un effet protecteur contre le COVID-19 : la forme phosphorylée du ténofovir disoproxil fumarate (TDF) pourrait être actif contre l’ARN polymérase, ce qui pourrait rendre les patients VIH sous ténofovir moins sensibles au COVID-19. En Espagne, un essai clinique a été initié sur des professionnels de santé pour explorer cette hypothèse (Emtricitabine/ténofovir disoproxil Randomized Clinical Trial for the Prevention of SARS-Cov-2 Infection (COVID-19) in Healthcare Personnel (EPICOS) https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04334928)
Le Lopinavir/Ritronavir (LPV/r) pourrait être actif contre le SARS-Cov-2. Un essai Clinique s’est montré négatif. Toutefois, il était de trop petite taille et l’administration tardive du LPV/r n’a pas permis d’établir clairement s’il avait un effet protecteur.
Pour la première fois, il y a des directives sans précédent demandant de tenir les personnes éloignées de l’hôpital et la population elle-même a peur d’y venir. Plusieurs mesures ont été prises pour optimiser les soins durant la période de distanciation sociale.
- Protection et soutien des patients – à la fois vis-à-vis de l’infection et de la peur
Pour les patients VIH, l’une des principales difficultés durant le confinement a été de trouver une consultation, la plupart étant réservées au COVID-19.
En Italie, les centres de traitement ambulatoire n’étaient pas joignables et ont été fermés dès le premier jour de l’épidémie. Une pharmacie dédiée a également été fermée. Et lorsque les consultations étaient encore ouvertes, certains patients ont arrêté leur traitement par peur de venir à l’hôpital ou en ambulance. Les patients qui venaient d’autres régions du pays n’ont pas pu pas venir se réapprovisionner en médicament depuis le confinement.
L’hôpital de Chelsea et Westminster à Londres (un complexe de 7 centres de traitement ambulatoire répartis dans Londres et suivant 10.000 PVVIH, gérant aussi des services hospitaliers pour le Nord Ouest de Londres incluant des unités de chimiothérapie ambulatoire pour les patients VIH atteints de cancer) s’est complétement réorganisé en centre de téléconsultation en une semaine, avec seulement des appels téléphoniques dès le confinement, excepté le 56 Dean Street où certains médecins ont été maintenus pour les patients VIH qui nécessitaient d’être vus. La plupart des personnels ont été déployés vers des centres de test COVID-19. Les patients VIH hospitalisés ont été déplacés vers d’autres établissements à proximité.
Aux États-Unis, New York est devenu le centre de l’épidémie et le principal facteur de risque de COVID-19 est apparu être l’obésité. Les sans-domicile ont dû trouver des abris isolés. À San Francisco, une épidémie a été rapportée au sein d’un abri. Comparé à New York, San Francisco a été épargné (11.254 cas testés, 1216 cas positifs rapportés, et 20 décès au 20 avril 2020), malgré une population plus importante. Lorsque le premier cas de transmission en communauté a été rapporté le 5 mars, les 5 principales entreprises de haute technologie ont fermé, avant les recommandations officielles de protection du 16 mars. L’hôpital public Ward 86 a modifié ses recommandations transformant les visites à l’hôpital en consultations téléphoniques. Les patients eux-mêmes ne voulaient plus venir à l’hôpital. Certains professionnels de santé s’occupant de patients VIH ont été retirés de la réaction au COVID-19 et transformés en équipes dédiées au COVID-19. Tous les matins, une équipe multidisciplinaire discute des patients, des traitements et des essais.
Afrique du Sud : les facteurs d’atténuation de l’épidémie ont été un confinement précoce et une population jeune (5% de la population >65 ans). Les facteurs d’aggravation : une forte prévalence de VIH (13%) avec 7,7 millions de personnes positives et seulement 54% des personnes ayant obtenu une suppression virale sous traitement antirétroviral (TAR), une forte incidence de la tuberculose, une prévalence élevée de l’obésité (28%) et du diabète de type 2 (6%-12%) chez l’adulte. La distanciation sociale est difficile dans les communautés surpeuplées et dans les transports en commun. Les hôpitaux ont été transformés en centres de test et en services COVID-19.
Kenya : les mesures imposées par le gouvernement en réponse au COVID-19 ont été l’interdiction des rassemblements, masques obligatoires en public, centres de quarantaine dans tout le pays, couvre feu de 19h à 5h du matin, accès restreints aux départements voisins infectés. La prévalence de VIH de 4,9% pour une population totale de 47,5 millions explique les 1,3 millions d’adultes sous TAR.
Mesures prises pour suivre les patients :
Italie : tous les patients diagnostiqués avec le VIH avant l’épidémie ont été suivis par appels téléphoniques pour discuter des résultats d’examens et un suivi continu a été établi par connexion WhatsApp avec les patients.
Royaume Uni : en plus des services de téléconsultation, tous les hôpitaux ont mis en place des services de livraison entre la pharmacie et les patients. Un service de livraison à domicile existait avant l’épidémie, mais seulement dans les régions éloignées. Les tests VIH à domicile sont recommandés.
En Chine, les patients pouvaient se réapprovisionner en TAR dans le centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) le plus proche. Les médecins ont également délivré directement des médicaments aux patients dans les régions rurales ou via un service de transport express.
États-Unis : les infirmières et les travailleurs sociaux suivent les patients par téléphone. Un téléphone est donné aux patients qui n’en ont pas, afin qu’il puissent être joints. Une réunion virtuelle « COVID-19 et PVVIH » a été organisée par les mairies afin d’informer sur les démarches à suivre pour obtenir une assurance, un renouvellement de TAR pour 3 mois et les services encore ouverts.
South Africa, Cape Town : pour réduire les contacts avec les lieux de soins la Southern African HIV Clinical society conseille un approvisionnement en TAR pour 6 mois aux patients VIH cliniquement stables. Seuls les patients avec une infection non contrôlée ou des comorbidités nécessitant un suivi ne reçoivent pas leurs médicaments pour 6 mois.
South Africa, Khayelistsha : les consultations hospitalières ont été remplacées par des conseils par téléphone, réseaux sociaux, et brochures. Les approvisionnements ont été allongés pour des périodes allant jusqu’à 6 mois pour les TAR et 4 mois pour la PrEP (pour les utilisateurs déjà sous PrEP). Un effet additionnel de la distanciation sociale est que les services de soins primaires sont davantage disponibles pour les patients qui nécessitent des soins et une prise en charge. Afin que les rendez-vous puissent avoir lieu en sécurité, les réunions de groupe se font avec port de masque et avec une personne une à la fois. Les autotests oraux VIH sont encouragés. Si le test est positif, le patient est pris en charge en ville et suivi selon les mêmes procédures, mais avec des conseils par téléphone ou communication à distance. Différents services de délivrance des TAR ont été introduits.
Kenya : un approvisionnement de 4 mois avec surveillance accrue des médicaments, espacement des consultations quotidiennes pour les patients VIH, dispensation plurimensuelle des TAR, PrEP et autres moyens préventifs tels que les préservatifs. Une attention particulière est accordée aux femmes enceintes pour prévenir la transmission verticale, d’autant qu’elles ont peur de venir à l’hôpital. Un service de livraison par fourgon est organisé vers les populations cibles. Les autotests sont encouragés.
2. Difficultés particulières
En Chine, des cas de pneumonie à pneumocystis (PPC) ont été rapportés chez les patients VIH ayant reçu un diagnostic erroné de COVID-19. Les patients n’avaient pas déclaré leur statut VIH, et comme la précision de la PCR était faible, un scanner a été utilisé pour le diagnostic et les patients ont été hospitalisés dans le même service que des patients COVID-19. Un dépistage des patients pour le VIH est donc nécessaire comme facteur d’exclusion additionnel.
In South Africa, la prévalence élevée du VIH et l’incidence considérable de la tuberculose (TB) représentent un véritable défi. Les aspects radiologiques similaires observés à la fois chez des patients avec coinfection VIH/TB mais SARS-Cov-2 négatifs et chez des patients VIH négatifs mais positifs au SARS-Cov2, imposent que tous les patients suspectés de COVID-19 soient également testés pour le VIH, les patients VIH+ ayant un diagnostic différentiel de pathologies pulmonaires plus large (PPC, tuberculose pulmonaire avec infiltrats dans la partie inférieure, cryptococcose pulmonaire doivent être envisagées). Les patients avec un diagnostic différentiel sont pris en charge dans le même service que les personnes sous investigation jusqu’aux résultats. Si le patient est infecté à la fois par le VIH et le SARS-Cov-2, mais pas encore sous TAR, l’initiation d’un TAR est planifiée 2 semaines après le diagnostic de COVID-19 et la stabilisation clinique.
À Khayelitsha, Afrique du Sud, d’autres mesures et services ont été ajoutés : planning familial avec contraception à action prolongée réversible, vaccin antigrippal et prophylaxie antituberculeuse. Le modèle du club d’adhésion est déjà utilisé, dans lequel des groupes de 15 patients stables et avec suppression virale reçoivent des TAR préconditionnés d’un conseiller tous les 2 mois et bénéficient de 2 visites annuelles.
Au Kenya, les patients VIH positifs qui ne reçoivent pas de traitement – immunodéprimés et donc probablement plus sensibles au COVID-19 – représentent la principale population à risque. La pauvreté, la marginalisation et la stigmatisation y sont surreprésentées. Il y a aussi un manque de prophylaxie post-exposition (PPE). La collecte de fonds, les plateformes WhatsApp et les réunions Zoom sont utilisées pour faire face à ces difficultés. Des services mobiles et des services MAT pour les personnes qui utilisent des drogues par injection sont déployés.
2. Collaboration avec les sociétés savantes et les communautés
L’European AIDS Clinical Society (EACS) et la British HIV Association (BHIVA) ont fait part de leur position sur le risque de COVID-19 chez les PVVIH et le Liverpool Drug Interaction a émis des recommandations détaillées concernant les interactions médicamenteuses avec les traitements expérimentaux du COVID-19 pour les PVVIH (https://www.covid19-druginteractions.org/).
Le site PrEPster (https://prepster.info/covid/) a dédié une page d’information au COVID-19.
4. Préparation de la prochaine phase et des mesures à prendre
Il ne sera possible de déterminer ce qui aurait pu être fait différemment qu’après avoir analysé en détail les conséquences du confinement. Certaines des mesures pourraient être maintenues sur le long terme au-delà du confinement pour optimiser le système de santé et limiter les coûts.
Le Dr Marta Boffito a relevé certaines des questions qui restaient posées :
- Les consultations hospitalières vont-elles rester virtuelles et les livraisons seront-elles suffisantes ? Combien d’entre elles les autotests pourront-ils épargner ?
- L’absence de soins hospitaliers continus portera-t-elle préjudice aux patients ? Devront-ils venir à l’hôpital pour des contrôles hépatiques ? Y aura-t-il une toxicité liée au traitement chronique ?
Malheureusement, l’accès à l’intégralité de cet article est reservé uniquement aux professionnels de santé disposant d’un compte.
Vous avez atteint la limite d'articles par visiteur
Inscription gratuite Disponible uniquement pour les professionnels de santé