COVID-19 et pathologies psychiatriques : des liens bidirectionnels

  • Taquet M & al.
  • Lancet Psychiatry

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Messages principaux

  • Les personnes ayant développé un COVID-19 ont un surrisque supérieur de développer des pathologies psychiatriques par rapport à d’autres personnes ayant développé une pathologie aiguë. Par ailleurs, les antécédents psychiatriques sont apparus dans ce travail comme un facteur de risque indépendant de COVID-19, dont il conviendra d’expliquer l’étiologie.

 

Plusieurs études ont été publiées depuis le début de la pandémie pour décrire la survenue de certaines pathologies psychiatriques au décours du COVID-19. Cependant, les études incluant un groupe contrôle sont peu nombreuses. Par ailleurs, les données divergent concernant la susceptibilité vis-à-vis du COVID-19 des sujets présentant des troubles psychiatriques. Une étude américaine fondée sur l’exploitation des données médicales issues de 70 millions d’américains, dont 62.534 patients COVID-19, sur la période de janvier à août 2020, pour faire le point sur la relation entre ces maladies.

COVID-19 et séquelles psychiatriques

Afin d’évaluer le risque de séquelles psychiatriques post-COVID-19, les auteurs ont comparé l’incidence des pathologies psychiatriques dans les 14 à 90 jours suivant le diagnostic de COVID-19 de sujets de plus de 10 ans sans antécédents à celle de sujets appariés atteints d’autres pathologies aiguës (grippe, autre infection des voies respiratoires, infection cutanée, cholélithiase, urolithiase et fracture d'un grand os). Ces analyses ont aussi permis de comparer les chiffres selon la sévérité du COVID-19, ainsi que selon la période à laquelle le sujet est tombé malade (avant ou après le 1er avril, plus ou moins à risque de stress du fait de la situation sanitaire nationale).

L’analyse a été conduite à partir des données de 44.779 patients sans antécédents psychiatriques et vivants à l’issue de l’épisode infectieux. La probabilité estimée de séquelles psychiatriques au cours des 14 à 90 jours suivant le diagnostic de l’épisode aigu était supérieure après un COVID-19 que pour les autres évènements de santé évalués, avec des hazard ratios (HR) compris entre 1,58 et 2,24 (tous p<0,0001). À 90 jours, la probabilité estimée d’être diagnostiqué pour une maladie psychiatrique après le diagnostic de COVID-19 était de 5,8%, majoritairement des troubles anxieux (HR compris entre 1,59 et 2,62, probabilité de 4,7% à 90 jours). Le risque d’insomnie ou de troubles de l’humeur était également accru au contraire des troubles psychotiques pour lesquels aucun surrisque significatif n’a été observé. Les analyses de sensibilité (selon le niveau socio-économique, l’ethnicité...) vont dans le même sens.

Antécédents psychiatriques et risque de COVID-19

Parallèlement, les auteurs ont comparé l’incidence du COVID-19 parmi une cohorte de patients de plus de 18 ans et présentant des antécédents psychiatriques dans les 12 derniers mois (pris globalement ou ayant des antécédents de troubles de l’humeur, de psychose ou d’anxiété pris isolément), ainsi que parmi une autre cohorte de sujets sans pathologie psychiatrique chez lesquels une consultation médicale a eu lieu durant cette période. Les cohortes ont été appariées à une autre sur 28 variables considérées comme favorisant le risque de développer un COVID-19.

Pour cette analyse, la cohorte constituée était de 1.729.837 patients ayant reçu un diagnostic psychiatrique entre janvier 2019 et janvier 2020, appariée au même nombre de sujets sans antécédents. Le fait d'avoir des antécédents psychiatriques est associé à un risque accru de 65% de COVID-19 (RR 1,65 [1,59-1,71], p<0,0001) par rapport à une cohorte appariée sur des facteurs de risque de COVID-19 autres, en particulier chez les plus de 65 ans, mais avec peu de différence de risque selon la nature du diagnostic. Les analyses de sensibilité ont confirmé ces résultats (en fonction de l’ancienneté du premier diagnostic psychiatrique, l’ethnicité, l’absence de comorbidité associée, ou le niveau socio-économique). Face à ce résultat surprenant, et contradictoire avec d’autres études, les auteurs évoquent le fait que les antécédents psychiatriques pourraient favoriser une moindre observance aux gestes barrière, ou à des facteurs biologiques associés (terrain inflammatoire chronique). Ces hypothèses devront être évaluées.