COVID-19 et confinement : une bombe à retardement pour le dépistage des cancers

  • Nathalie Barrès
  • Actualités Médicales
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À retenir

Le confinement, les mesures sanitaires prises en ville et en milieu hospitalier, notamment la suspension des actes endoscopiques et la limitation des interventions chirurgicales ne sera pas sans conséquences pour la population de patients ayant eu un retard de diagnostic de cancer. Une étude de modélisation britannique a estimé que selon les cancers, le taux de mortalité à 5 ans pourrait être augmenté de 4,8 à 16,6%, ce qui correspond à un surplus de 3.300 à 3.600 décès. Ces données doivent inciter à la mise en place de mesures urgentes de la part des autorités de santé pour venir contrebalancer les effets délétères de la gestion de la pandémie sur le retard diagnostique des cancers.

Méthodologie

Cette étude nationale de modélisation britannique utilise la base de données d’enregistrement des cas de cancer de l’English National Health Service (NHS) diagnostiqués entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010 et suivis jusqu’au 31 décembre 2014 pour les cancers du sein, colorectal et de l’œsophage et entre le 1 janvier et le 31 décembre 2012 et suivis jusqu’à fin décembre 2015 pour les cancers du poumon. Les chercheurs ont considéré que l’incidence de ces quatre principaux types de cancer était stable année après année entre 2010 et 2018. Trois scénarios A, B et C, ont été envisagés, du plus favorable au plus impactant Le scénario A était basé sur le maintien d’un parcours diagnostique d’urgence initié par le médecin généraliste (dépistage de routine ou suivi en soins primaires et secondaires) ou via une prise en charge directe aux urgences. Ce parcours est réalisé en moyenne sur 2 semaines. Le scénario A, le plus favorable, estime que 100% des capacités de ce parcours sont maintenues. Le scénario B considérait que le scénario A était perturbé durant 3 mois avec le maintien de seulement 20% des capacités diagnostiques à 2 semaines via le dépistage de routine ou le parcours de soins primaires. En revanche, le diagnostic direct via les urgences était maintenu à 100% de ses capacités. À partir du 3e mois, les diagnostics étaient effectués comme avant le confinement. Le scénario C correspondait au scénario B pour les 3 premiers mois, puis à un mode encore dégradé entre le 3e et le 6e mois, avec 75% des capacités diagnostiques à 2 semaines maintenues via un dépistage de routine ou une consultation en soins primaires. Les capacité de dépistage en urgence étaient maintenues à 100%. Après ces 6 premiers mois, le parcours diagnostique retournait à la normale.

Principaux résultats

Au global, les données de 32.583 cas de cancer du sein, 24.975 cas de cancer colorectal, 6.744 cas de cancer de l’œsophage et 29.305 cas de cancer du poumon ont été collectées.

Les analyses portant sur 3 scénarios différents estiment l’augmentation du nombre de décès jusqu’à 5 ans après le diagnostic, entre :

  • 4,8 et 5,3% pour le cancer du poumon, 
  • 5,8 et 6,0% pour le cancer de l’œsophage,
  • 7,9 et 9,6% pour le cancer du sein,
  • 15,3 et 16,6% pour le cancer colorectal,

soit un total d’environ 3.300 à 3.600 décès supplémentaires dans les cinq ans. 

Limitations

Il s’agit d’une étude de modélisation qui ne peut être appliquée à tous les pays concernés par le confinement et la désorganisation des soins. Mais elle a le mérite d’interroger sur les mesures à mettre en place pour contrer les effets délétères de la pandémie sur les retards du diagnostic des cancers.