COVID-19 : une étude randomisée comparant deux posologies de chloroquine invite à la prudence

  • Borba MGS & al.
  • JAMA Netw Open

  • Caroline Guignot
  • Résumé d’article
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Messages principaux

  • Une étude clinique randomisée a comparé l’efficacité de deux posologies de chloroquine disphosphate (CQ) chez des patients sévères suspectés de COVID-19. Visant à inclure 440 patients, elle a été stoppée face aux données de sécurité obtenues lors de l’analyse préliminaire de 81 patients. 

  • Si cette étude ne permet pas d’écarter l’intérêt de l’association, elle invite à être attentif au profil clinique des patients et aux associations thérapeutiques, notamment l’azithromycine et l’oseltamivir.

CloroCovid-19 est une étude brésilienne randomisée qui a comparé en double aveugle deux traitements chez des patients de plus de 18 ans hospitalisés pour une forme sévère de pneumonie possiblement COVID-19 : pour des raisons éthiques, le traitement placebo n’a pas été envisagé, et les patients ont ainsi été inclus dans un groupe forte dose de chloroquine (CQ, 600 mg deux fois par jour pendant 10 jours, dose totale, 12,0 g), soit une faible dose (450 mg deux fois par jour à J1, puis 450 mg une fois par jour pendant 4 jours, dose totale 2,7 g). Selon le protocole de soins de l'hôpital, tous les patients recevaient également de la ceftriaxone IV et de l'azithromycine (500 mg/j pendant 5 jours). Le traitement avait été initié sur la base de la suspicion de COVID-19, du fait du retard de l’accès aux tests, réalisés a posteriori (soit 75,6% (n=31 sur 41 patients) du groupe forte dose et 77,5% (n=31 sur 40 patients) du groupe à faible dose testés positifs).

Initialement, l’étude devait inclure 440 participants, mais les résultats de l’analyse intermédiaire menée à partir des 81 premiers patients a conduit à stopper l’inclusion dans le groupe forte dose de CQ : deux semaines après l’inclusion, le taux de décès constaté était de 15,0% dans le groupe faible dose contre 39,0% du groupe forte dose. Ces deux groupes de patients présentaient le même taux de positivité au test diagnostique, les mêmes antécédents médicaux et l’analyse conduisait aux mêmes conclusions après exclusion des 5 patients présentant une maladie cardiaque chronique. L'intervalle Qtc était allongé chez 11,1% et 18,9% des patients de ces deux groupes respectivement. Pour autant, l’analyse multivariée a montré que le risque supérieur de décès associé à la forte posologie perdait sa significativité une fois ajusté sur l’âge. Et aucune association claire n’a été observée entre la survenue de l’allongement de l’intervalle Qtc et la survenue de décès et entre la dose cumulée de CQ et la survenue de décès.

Invitation à la prudence

Étant donné que tous les patients recevaient de l'azithromycine, et qu’une proportion significative d’entre eux ont été traités par oseltamivir (la région étant en plein saison épidémique de grippe, respectivement 92,5% et 86,8% pour les groupes forte ou faible dose), ces évènements cardiaques pourraient être associés à la toxicité cardiaque cumulée des trois molécules, suggèrent les auteurs. « On ne peut que conclure de cet essai que la chloroquine à forte dose (et par association, l'hydroxychloroquine) en association avec l'azithromycine et peut-être l'oseltamivir, est potentiellement associée à une augmentation de la mortalité chez les patients atteints de COVID-19 grave et suspecté » estiment les co-auteurs de l’éditorial accompagnant l’article. En attendant les données d’autres études de large et multicentriques sur le sujet « les résultats de cet essai devraient susciter un certain scepticisme à l'égard des allégations enthousiastes concernant la chloroquine et peut-être servir à freiner l'usage large de cette molécule. Pour l'instant, une attitude clinique prudente serait de discuter avec les patients et leurs familles, lorsque cela est possible, des risques potentiels de ce médicament et des avantages hypothétiques avant de le mettre en oeuvre ». Et en tous les cas, à analyser la situation clinique (âge, bilan cardiaque) et prendre garde aux associations médicamenteuses à risque.