Contraception : un désamour sur un lit de fausses informations ?

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’articles
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Selon les données de Santé Publique France, en 2016, 71,8% des femmes de 15-49 ans utilisaient un moyen médicalisé de contraception (pilules, stérilet, implant, anneau, patch, injection, stérilisation femme ou homme) et 20,1% une autre méthode (préservatif, méthodes locales ou naturelles). Le pourcentage de femmes en âge de procréer n’utilisant pas de contraception a diminué entre 2010 et 2016, passant de 13,3% à 8%. En revanche, alors que 45% des femmes françaises utilisaient la pilule comme moyen de contraception en 2010, elles n’étaient plus que 36,2% en 2016.

 

Un article publié dans la revue Sexologies revient sur la contribution des Fake news à l’évolution des choix de contraception. 

Plusieurs générations de femmes se sont battues pour l’accès à la contraception. Ce gain a cependant été mis à mal en très peu de mois en 2012 avec le déremboursement des pilules de 3ème génération suite à une plainte en justice sur son lien avec la survenue d’accidents vasculaires cérébraux. Perte de confiance, défiance. La surmédiatisation et les dérives de communication sur les réseaux sociaux ont contribué à répandre des Fake news qui impactent encore aujourd’hui l’usage de la pilule par les femmes en France.

 

Qu’est-ce qu’une Fake news ?

Une opinion qui s’est construite à partir de fausses informations. Les Fake news attisent l’inquiétude, confortent certaines croyances. Elles naissent sur un fond d’incertitude, s’ancrent grâce à la recherche de preuves qui sont considérées selon des préjugés, filtres personnels et sont nourries avec la surestimation qu’à l’être humain de ses propres capacités d’analyse. La perte de l’adhésion aux réseaux traditionnels d’information (famille, amis, médecins), tout comme de la confiance envers les institutions et autorités sanitaires au profit de l’information immédiate et mal filtrée des réseaux sociaux, voire de la presse grand public, favorisent l’ancrage de ces Fake news dans la société. Même si les autorités de santé et d’autres acteurs se sont mobilisés via notamment le site Sante.fr, l’Inserm et son canal détoxchoisir ma contraceptiononsexprime,… ils restent encore peu dynamiques sur les réseaux sociaux qui ont la capacité de propager rapidement une information. C’est pourquoi il est encore difficile pour eux de contrer une poignée de lanceurs de Fake news.

 

Sur quels arguments s’appuyer pour répondre aux craintes face à la pilule ?

Une enquête sur la contraception réalisée en 2019 sur 1.003 femmes a montré que « 94% d’entre elles sont d’accord avec l’idée que la contraception permet aux femmes de disposer plus librement de leur corps, 91% qu’elle permet de s’épanouir dans sa vie de femme, et 78% qu’elle contribue à plus d’égalité entre les hommes et les femmes. » En revanche, « 39% des femmes n’utilisent pas de moyen de contraception médicalisé par peur des effets secondaires ». Parmi ces peurs sont évoquées, le fait de grossir, les douleurs, la stérilité, les troubles de la sexualité, les effets secondaires sur la santé, ou certaines croyances comme celle que le DIU serait réservé aux femmes qui ont déjà eu des enfants.

Les auteurs de cet article reviennent sur les bénéfices de la pilule sur la santé avec « la diminution de la mortalité globale, la réduction du risque d’hémopathies malignes, des cancers de l’ovaire, du côlon et de l’endomètre. […] elle est même bénéfique en cas d’endométriose, de règles douloureuses ou hémorragiques. » Qu’elle soit séquentielle, continue ou qu’il s’agisse de la pilule du lendemain, le rapport bénéfice/risque de la pilule contraceptive est jugé positif au regard des études. Si les données sur son impact sur la libido sont contradictoires, elle permet une augmentation des rapports sexuels et des orgasmes, un épanouissement sexuel avec des contraintes limitées. 

Une attention doit cependant être portée chez les femmes fumeuses de 35 ans et plus, la pilule multipliant par 20 le risque d’AVC et d’infarctus. Il existe un risque thromboembolique réel qui passe de 2 à 5/10.000 chez les femmes en âge de procréer à 5-7/10.000 avec les pilules de 2ème génération et à 6-12/10.000 pour les pilules de 3ème et 4ème génération. Ce sur-risque est augmenté au-delà de 40 ans, s’il y a des antécédents thromboemboliques et au cours des premiers mois de la prise de pilule, ce qui doit inciter à éviter les arrêts-reprises, même en l’absence de partenaire. 

 

La pilule n’est pas naturelle !

C’est ce qu’évoquent les femmes qui font le choix d’une méthode dite naturelle (spermicides, préservatif, retrait, Ogino…). Elles opposent la naturalité de ces méthodes au côté chimique jugé comme potentiellement délétère de la pilule. Les auteurs de l’article de Sexologies rappellent que ce raisonnement ne considère pas les 15% de grossesses non désirées et le fait que l’IVG n’a rien d’une méthode naturelle.

 

Le rôle essentiel des professionnels de santé

Écouter, expliquer, revenir sur les fausses informations avec un discours factuel, sont des éléments essentiels du rôle du professionnels de santé. Si le gynécologue reste l’interlocuteur privilégié pour la contraception chez les femmes de plus de 35 ans, bien d’autres acteurs de santé peuvent et doivent se mobiliser pour contrer les Fake news.