Consommation de viande et mortalité : il faut tenir compte de l’âge !

  • Dominguez LJ & al.
  • Clin Nutr

  • Nathalie Barrès
  • Résumé d’article
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À retenir 

Les résultats d’analyses menées sur une cohorte espagnole durant 9,5 ans, apportent un nouvel éclairage sur l’impact de la consommation de viande rouge et/ou transformée sur l’espérance de vie. Ils confirment l’association bien admise entre l’excès de viande rouge et/ou retravaillée et l’augmentation du risque de mortalité, mais précisent que cette association ne serait significative que chez les plus de 45 ans. Par ailleurs, les chercheurs montrent qu’il n’y aurait pas d’association significative entre la consommation d’acides gras saturés et la mortalité toutes causes.

Face à ces données, cohérentes par ailleurs avec d’autres données récentes de la littérature, les auteurs préconisent d’intégrer dans les recommandations la limitation de la consommation de viande rouge/retravaillée mais de ne pas la relier à une forte consommation d’acides gras saturés. Ce dernier point mérite en effet d’être éclairci par d’autres études.

Pourquoi cette étude a-t-elle été menée ?

En octobre 2015, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CRIC) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a classé la viande rouge comme « probablement cancérogène pour l’homme (groupe 2A) » et la viande transformée comme « cancérogène pour l’homme (groupe 1) »1. Si certaines des études épidémiologiques et méta-analyses dédiées à la question mettent en évidence une association entre consommation de viande rouge et/ou retravaillée et la mortalité toutes causes confondues ou de cause spécifique, aucune n’a comparé les sujets jeunes versus les plus âgés. Par ailleurs, considérer l’apport global d’acides gras saturés pourrait s’avérer trompeur comme ont pu le suggérer de récentes publications.

Méthodologie

Les analyses ont été réalisées à partir des 18.540 sujets de la cohorte prospective dynamique ouverte SUN (Seguimiento Universidad de Navarra). Les participants ont eu à répondre à un questionnaire d’évaluation de la fréquence de consommation alimentaire (Food Frequency Questionnaire- FFQ à 136 items). Les portions évaluées correspondaient à 125 g de viande rouge, 125 g de viande blanche, 50 g de viande retravaillée et 100 g de viande quelle qu’elle soit. Les autres variables prises en compte étaient les données anthropométriques (poids, taille, IMC), les données socio-démographiques (âge, sexe, statut marital, niveau d’éducation), cliniques (antécédents personnels de dépression, d’hypertension et/ou d’hypercholestérolémie à l’inclusion, maladie cardiovasculaire, cancer et/ou diabète), ainsi que les habitudes de vie (activité physique, statut tabagique, consommation d’alcool, régime spécifique, grignotage, nombre d’heures passées devant la télévision).

Principaux résultats

Au total, sur le suivi de 9,5 ans, 255 décès ont été recensés sur les 176.916 personnes-années de suivi. L’âge moyen des sujets variait selon les groupes entre 52,4 et 55,0 ans. Les analyses ont montré que l’âge modifiait significativement l’association entre la consommation de viande et l’espérance de vie (mortalité toutes causes confondues) pour la viande rouge et la viande retravaillée (respectivement p pour l’interaction = 0,027 et 0,013). Les individus qui consommaient le plus de viande quelle qu’elle soit, ou de viande rouge et/ou transformées (plus de 7 portions/semaines) étaient plus souvent des hommes, mariés, fumeurs, ayant une consommation modérée à élevée d’alcool, des antécédents de diabète, des apports énergétiques élevés, pratiquaient moins d’activité physique et ils étaient également moins susceptibles de suivre un régime spécifique par rapport à ceux qui avaient la plus faible consommation (<3 portions/semaine).

Chez les sujets de plus de 45 ans, le hazard ratio ajusté montre que pour toute portion quotidienne supplémentaire de viande rouge, de viande globale ou de viande transformée, le risque de mortalité serait respectivement augmenté de 47, 23 et 32% (HRa respectif 1,47 [1,06-2,04], 1,23 [1,05-1,45], 1,32 [1,05-1,65]). 

En revanche, chez ces sujets, l’augmentation des apports en acides gras saturés n’était pas significativement associée à la mortalité (c'est-à-dire que s’il existe une association, elle ne serait pas linéaire). 

Principales limitations

Questionnaires auto-administrés. 

La cohorte était constituée de nombreux individus ayant un haut niveau d’éducation, peu étaient en surpoids ou obèses et peu pratiquaient une activité physique.