Congrès Fragilité du sujet âgé 2023 - Jusqu’à quel âge vacciner vos patients contre le pneumocoque ?
- Agnès Lara
- Actualités Congrès
À retenir
- Lors du 11e congrès sur la fragilité du sujet âgé à Toulouse, le Dr Cyprien Arlaud a rappelé que l’infection à pneumocoque est grave et sévère. L’âge et les comorbidités ont un impact important sur la morbimortalité de ces infections.
- Elles sont des conséquences majeures pour le patient en termes de mortalité, mais aussi de perte fonctionnelle et in fine de qualité de vie.
- La vaccination contre le pneumocoque a un effet direct et indirect démontré sur les conséquences respiratoires et vasculaires de ces infections.
- Pourtant elle reste nettement insuffisante, notamment chez les patients immunodéprimés ou porteurs de pathologies chroniques.
La vaccination antipneumococcique toujours à la traîne
L’infection à pneumocoque est une source d’infection respiratoire haute et basse fréquente. Le pneumocoque est le premier pathogène impliqué dans les pneumonies franches lobaires aiguës. Il est aussi la porte d’entrée de plus de 75% des infections invasives, notamment des méningites, des bactériémies, et des endocardites infectieuses. L’âge est le tout premier facteur de risque, suivi par les comorbidités. L’incidence passe ainsi de 32,5 pour 100.000 habitants chez les 80-85 ans, à 67,7 chez les plus de 89 ans.
Malgré ce constat, la situation de la vaccination antipneumococcique reste très insatisfaisante en France. En 2020, seuls 5,1% des adultes vulnérables (maladies chroniques, immunodépression) et éligibles à la vaccination étaient à jour de leur vaccination. Pourtant 80% de cette population avaient consulté un médecin généraliste et 40% un spécialiste hospitalier. Il existe donc un écart important entre ce qui pourrait être fait, et ce qui est effectivement réalisé. Et les enquêtes montrent que dans la majorité des cas, ce n’est pas parce qu’elle est refusée par les patients que la vaccination n'est pas réalisée, mais parce qu’elle n’est pas proposée par le médecin.
Le fardeau grave direct de l’infection à pneumocoque est sous-estimé
L’étude EPHEBIA a utilisé les données du Système National des Données de Santé entre 2013 et 2019 pour identifier les pneumonies ou infections à pneumocoque, avec un suivi sur 12 mois. À partir de cette cohorte rétrospective, il a été montré que les trois quarts des pneumonies aiguës communautaires (PAC) concernaient les patients âgés de plus de 65 ans. Et ces patients âgés étaient aussi ceux qui faisaient le plus de complications, avec un fort impact sur la mortalité intra-hospitalière : 13% pour les pneumonies à pneumocoque non invasives, 22% pour les bactériémies, et 27% pour les méningites. Un surrisque de mortalité qui perdure à distance (un an) en fonction du degré d’invasion de l’infection.
Des conséquences en cascade et un impact sur l’autonomie du sujet âgé
En population gériatrique, l’infection à pneumocoque intervient chez des patients souffrant souvent déjà de comorbidités sévères et peut avoir des conséquences en termes de syndrome ou de cascade gériatrique. Comme pour la grippe, des complications cardiovasculaires à court et à long terme sont susceptibles de se développer (infarctus du myocarde, AVC). Par ailleurs, entre 30% et 60% des patients perdent des capacités à réaliser les activités de la vie quotidienne au décours d’une hospitalisation pour infection à pneumocoque (perte d’au moins 1 point sur l’échelle ADL). Le risque de progression de troubles cognitifs est doublé, celui de développer des symptômes dépressifs est également augmenté (x1,6). Ce déclin fonctionnel lié à la pathologie aiguë vient se surimposer à d’autres considérations propres à l’hôpital et au patient. L’ensemble de ces facteurs rend souvent le retour au domicile plus complexe. En institution, les études montrent qu’après 85 ans, il n’y a pas de retour à un état antérieur en termes de qualité de vie et de vie en institution en raison du risque de perte d’autonomie. Une cascade risque alors de s’enclencher qui ne sera pas arrêtée. La démarche préventive visant à instaurer une vaccination en amont prend donc tout son sens.
Les effets directs et indirects de la vaccination
Le schéma actuel de la vaccination est identique pour tous les adultes à risque depuis 2017 : vaccin pneumococcique conjugué 13-valent (VPC13), puis vaccin polyosidique non conjugué 23 valent (VPP23) au moins 2 mois plus tard, avec la possibilité d’évaluer l’intérêt d’une nouvelle dose de VPP-23 après une période d’au moins 5 ans. Et en cas d’existence d’une vaccination antérieure par le VPP23 depuis plus d’un an, le calendrier vaccinal prévoit de proposer une vaccination par le VPC13, puis à nouveau une dose de VPP23 cinq ans après la dernière.
Une étude menée sur près de 85.000 sujets de 65 ans et plus (âge moyen 72,6 ans) a clairement montré que le risque de pneumonie aiguë communautaire à pneumocoque et d’infection invasive à pneumocoque à sérotype vaccinal était réduit par la vaccination par VPC13 versus placebo, y compris chez les plus de 80 ans. Et l’efficacité vaccinale était toujours maximale, même 4 ans après la vaccination. Celle-ci conserve donc tout son intérêt pour les patients les plus âgés (85-90 ans).
Par ailleurs, une méta-analyse réalisée à partir de 18 études interventionnelles représentant plus de 700.00 sujets a montré que les événements cardiovasculaires étaient réduits de 9% et les infarctus du myocarde de 12%. Un effet sur la mortalité toutes causes (-25%) et cardiovasculaire (-8%) a également été observé.
Que dire à un patient âgé fragile et disposant d’une faible espérance de vie ?
La question de l’utilité de la vaccination antipneumococcique peut légitimement être posée par les patients et leur famille au-delà d’un certain âge, en particulier lorsque l’espérance de vie est faible et/ou en présence de traitements lourds. Anticiper et prévenir le risque de complications infectieuses permettra au patient de conserver le rythme de ses traitements, sa qualité de vie, de rester à domicile puisque le risque d’hospitalisation sera réduit, de même que le risque de mortalité, etc. Il est bien sûr nécessaire de faire adhérer le patient – l’idéal est d’y parvenir par la méthode d’empowerment qui consiste pour le patient à accepter la vaccination par soi-même, à travers une information qu’il a réussi à s’approprier –, puis de lui proposer un suivi avec des dates pour le fidéliser. Une règle d’or, ne pas abandonner face à ses résistances.
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